Préparer la transmission du patrimoine de nos clients, cela se résume souvent à trois questions : qui reçoit quoi ? Combien cela va-t-il coûter ? Comment réduire ce coût ? Y répondre permet certes de tranquilliser les clients, mais cela suffit-il pour faire le tour du sujet ? En considérant que le rôle du conseiller patrimonial est de proposer la protection la plus complète et la plus adaptée, il faut aller plus loin.

 

Dans de nombreux cas, notamment en présence de chefs d’entreprise, détenteurs d’actifs professionnels, la stratégie "transmission" doit non seulement viser à transmettre la ou les sociétés dans les meilleures conditions (fiscales) mais aussi (surtout ?) à s’assurer que l’entreprise va pouvoir continuer à fonctionner, que sa valeur sera préservée, que son éventuelle cession pourra se faire dans les meilleures conditions. Un autre cas de figure doit, par la même occasion, être traité : celui où le chef d’entreprise, homme clé qui détient à la fois la connaissance et les pouvoirs de gestion, est toujours bien vivant mais devenu incapable de gérer ses affaires. L’état d’incapacité (par suite d’un accident, d’une maladie, d’un AVC…) peut plonger l’ensemble du patrimoine personnel et professionnel dans une situation de blocage, dont seule une procédure longue de mise sous tutelle permettra de s’extraire. Afin d’anticiper ces risques et de veiller à la prise en charge des intérêts patrimoniaux et extrapatrimoniaux (les décisions d’ordre médical par exemple), deux outils complémentaires sont à notre disposition : le mandat de protection future et le mandat à effet posthume. 

Le mandat de protection future

Pourquoi ? Ce mandat a pour objectif d’anticiper et de se préparer au risque d’incapacité. Il peut être mis en place pour tout un chacun, mais s’avère particulièrement judicieux pour le professionnel. La réalité temporelle et économique d’une entreprise est en effet difficilement compatible avec les délais de justice qu’entraîne la mise en place d’une mesure de protection par le juge des tutelles. Ce mandat permet à l’entrepreneur de désigner par avance dans un acte simple, et sans autre procédure, un ou plusieurs mandataires qui seront chargés de la gestion de son patrimoine, et par conséquent de la protection de ses intérêts et de ceux de ses proches, dans le cas où il ne pourrait plus y pourvoir seul (art. 477 du Code civil). Le mandant peut choisir à sa guise les mandataires qui lui semblent les plus qualifiés pour veiller sur ses actifs professionnels, sur ses actifs personnels et même sur sa propre personne. Peut être désignée, sous réserve de ne pas être frappée d’une interdiction de gérer :

  • toute personne physique qui dispose de la pleine capacité juridique. Cela peut être un membre de la famille, un ami, un tiers, ou un groupe de personnes ;
  • toute personne morale figurant sur la liste des mandataires judiciaires à la protection des majeurs.

Comment ? Le mandat de protection future peut être établi :

  • par acte sous seing privé ;
  • par acte notarié.

La forme notariée, en plus de garantir un respect du formalisme, permet également de conférer des pouvoirs plus larges au(x) mandataire(s). Seuls les mandats conclus sous cette forme pourront notamment autoriser les actes de disposition tels que la vente d’un actif ou le renouvellement d’un bail commercial. Le notaire rédacteur aura en outre pour mission de veiller à la bonne exécution du mandat. Le contenu du mandat étant libre, le chef d’entreprise pourra y préciser à loisir la place et les objectifs qu’il souhaite donner à chaque mandataire : pouvoirs de gestion, droits de vote… et définir également les limites de leurs prérogatives et/ou les dispositifs de contrôle. La procédure d’activation du mandat doit être claire et sans ambiguïté pour éviter toute confusion ou abus, assurant que le mandat ne soit exécuté que lorsque l’incapacité est effectivement constatée.

Le mandat à effet posthume

Pourquoi ? Comme son nom l’indique, le mandat à effet posthume s’active au décès de son rédacteur. Il peut donc éventuellement prendre la suite du mandat de protection future. Cet instrument juridique, entré en vigueur en 2007, se distingue du testament traditionnel par sa nature et son fonctionnement, apportant une valeur ajoutée significative dans des contextes spécifiques tels que la gestion d’une entreprise après le décès du dirigeant. Contrairement au testament qui se concentre principalement sur la distribution des biens, le mandat à effet posthume permet au mandant de désigner un ou plusieurs mandataires pour gérer des aspects spécifiques de son héritage, y compris ses actifs professionnels, à la place de ses héritiers. Ce type de mandat est particulièrement utile pour assurer une transition en douceur de la gestion et la continuité des opérations, évitant ainsi les difficultés et problématiques qui pourraient survenir lors du règlement de la succession.

Comment ? Contrairement au mandat de protection future, le mandat à effet posthume doit obligatoirement être établi en la forme authentique, c’est-à-dire par un notaire. Si chacun peut librement décider de prendre cette précaution, la validité du mandat est toutefois soumise à conditions : "Le mandat n’est valable que s’il est justifié par un intérêt sérieux et légitime au regard de la personne de l’héritier ou du patrimoine successoral, précisément motivé." (art. 812-1-1 du Code civil). Autrement dit, il ne peut être utilisé dans le seul but d’écarter tout ou partie des héritiers des décisions liées au patrimoine du défunt. Tout comme pour le mandat de protection future, le mandataire peut être une personne physique (y compris un des héritiers) ou une personne morale. Les seules conditions étant de disposer de sa pleine capacité civile et de ne pas être frappé d’une interdiction de gérer (en présence de biens professionnels). Le mandataire doit en outre accepter "la mission" avant le décès du mandant. Le mandat a en général une durée de deux ans. Il peut toutefois être donné pour cinq ans si les circonstances l’exigent (âge des héritiers par exemple). Le mandataire devra se limiter à des actes conservatoires pendant la période de règlement de la succession, puis, dès la succession acceptée par les héritiers, il dispose des pouvoirs étendus définis dans l’acte. Il peut être prolongé sur décision du juge sur demande motivée d’un héritier ou du mandataire lui-même. Ce délai doit permettre au(x) mandataire(s) de prendre les dispositions nécessaires à la préservation du patrimoine et des intérêts des héritiers : installation d’une nouvelle équipe de direction pérenne (éventuellement nommée parmi les héritiers), cession des actifs… Le mandat prend fin, selon les cas, à l’expiration du délai prévu, à la renonciation du mandataire, à sa révocation…

Les responsabilités du mandataire

Nous l’aurons compris, la charge pesant sur le mandataire peut être lourde. Il doit agir conformément au mandat et rendre compte de sa gestion aux héritiers au moins une fois par an. Le mandat peut d’ailleurs prévoir une rémunération pour ce travail. Sa responsabilité peut être engagée en cas de faute, mais il n’est pas tenu aux dettes de la succession. Les mandats de protection offrent donc la possibilité au dirigeant de s’assurer du respect de ses volontés et lui donnent une grande latitude dans la désignation de ses mandataires et la définition de leurs rôles et pouvoirs. Le plus difficile reste sans doute de choisir les personnes de confiance à qui confier cette responsabilité. 


A propos de l'auteur 

Désireux d’apporter un accompagnement objectif et personnalisé, Arnold Delemarre a fondé le cabinet De Sancy Patrimoine en 2017 pour offrir un conseil patrimonial de qualité et impartial. Le cabinet est aujourd’hui présent à Saint-Malo, Rennes et Angers mais propose également un accompagnement à distance grâce au numérique. Le cabinet propose une approche stratégique globale axée sur l’articulation des patrimoines privés et professionnels afin de préserver les intérêts de ses clients – des chefs d’entreprise pour la majorité – dans la durée.

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