Oubliés ! Les espoirs suscités par le Conseil national de la refondation consacré au logement, tenu il y a tout juste un mois, sont déjà du passé, alors que la crise du logement, elle, reste une angoisse présente, chaque jour, pour des millions de Français. Depuis, d’autres plans ministériels, sur des sujets variés, ont été annoncés. Le logement attendra…

Malheureusement, tout cela était prévisible. Car le CNR, en s’attachant quasi-exclusivement à la question du logement social et au soutien du secteur de la promotion immobilière, a échoué à prendre en compte une aspiration, chargée d’un poids ô combien symbolique : l’accès à la propriété. Or, l’acquisition de son logement est devenue un véritable parcours du combattant pour les classes moyennes. Et petit à petit, à bas bruit, l’éloignement de cette perspective d’ascension sociale sape notre société, déjà traversée par tant d’autres inégalités. L’Ifop a ainsi montré récemment que pour 74% des Français –une hausse de 14% en un an – le fait de devenir propriétaire était réservé à une « élite ». Pour les trois-quarts de nos compatriotes, acheter sa résidence principale – un logement décent, raisonnablement grand et proche de son travail – est donc considéré comme un luxe, alors même que cela répond à un besoin essentiel.

Et c’est devenu un luxe, objectivement. La sélectivité sociale en matière d’achat immobilier est au plus haut. Comme l’a souligné Eurostat, de moins en moins de ménages modestes accèdent en France à la propriété, quand la plupart des ménages aux revenus plus confortables peuvent toujours, eux, franchir le pas. Par ailleurs, la transmission intergénérationnelle – le fameux « coup de pouce » des parents – n’a jamais été aussi importante pour l’accès aux crédits. Les inégalités, elles aussi, se transmettent entre générations…

Si moins de ménages peuvent accéder à la propriété, c’est à cause du découplage croissant entre les revenus de ces ménages et la valeur des logements – un découplage amplifié par l’envolée actuelle des taux d’intérêt –, mais aussi parce que les dispositifs incitatifs mis en œuvre sont beaucoup trop faibles.

Le prêt à taux zéro (PTZ), sauvé in extremis par le CNR, a dans les faits une portée limitée : 74 000 acquéreurs ont pu en bénéficier en 2021. De même, le bail réel solidaire (BRS), qui organise une dissociation entre la propriété du foncier et de celle du bâti, ne concerne que très peu de biens, et n’a comme objectif que la sortie des bénéficiaires du parc locatif social. PTZ et BRS sont bel et bien deux dispositifs pensés, avec condition de revenu, et exclusivement comme des supplétifs du logement locatif social. A croire qu’il n’y a, dans l’esprit de nos responsables publics, que ce type de logement qui vaille la peine d’être soutenu !

La conséquence, c’est une absence totale de discours positif pour les primo-accédants, leur donnant confiance en l’avenir, et leur montrant qu’ils peuvent, eux aussi, même s’ils n’ont pas d’apport conséquent, mettre le pied à l’étrier, et avancer vers la constitution d’un patrimoine.

Il y a donc urgence à tout repenser, à commencer par les liens entre les mondes de l’immobilier et de la finance. On dit souvent que l’immobilier est trop financiarisé ; en réalité, il ne l’est pas assez ! Finance et immobilier restent encore aujourd’hui des domaines cloisonnés, ce qui nuit à la capacité d’innovation, si grande dans les domaines plus financiarisés, comme la LOA / LDD pour l’industrie automobile. N’oublions pas que la vocation première de la finance, c’est à la fois de mobiliser les capitaux permettant la réalisation des projets et de transférer les risques de marché à ceux qui veulent, et peuvent, les assumer.

Ce chemin de fertilisation croisée entre finance et immobilier est susceptible de libérer l’accès à la propriété. Ainsi, l’acquisition d’un droit de propriété complet mais temporaire – c’est le vieux principe de l’emphytéose, remis au gout du jour – fait baisser d’environ 35% le coût d’acquisition, et donc la barrière à l’entrée pour le futur acquéreur. Cette solution n’est bien sûr pas la seule, beaucoup d’autres dispositifs sont envisageables, et ils sont les bienvenus ! Une chose est sure : si chacun sait faire preuve d’imagination, la refondation de l’accès à la propriété pourra, elle, vraiment commencer.

Xavier Lepine, président de Neoproprio

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