Tributaire du niveau de fréquentation touristique, la mise à l’arrêt de l’industrie hôtelière causée par les cumulonimbus de la crise sanitaire n’a pas entravé une reprise notoire de l’activité sur l’année écoulée. 

Le bilan hôtelier de 2022 a déjoué les mauvais pronostics. Le flux de touristes venus de tous horizons a dynamisé la demande. L’impact de ce regain d’activités sur la trésorerie a permis de dégager des marges brutes favorables et d’investir dans une offre ajustée aux aspirations nées et affirmées post-crise. En parallèle, les établissements hôteliers doivent relever des enjeux liés au péril de la conjoncture économique et géopolitique. À cet égard, quelles orientations se dessinent pour l’année 2023 ?  

Reprise de haut vol en 2022

Malgré un début d’année chahuté par la persistance des restrictions sanitaires, l’année 2022 s’est traduite par un regain de l’activité hôtelière comme le prévoyait Julien Bardet, directeur général de Shangri-La Hôtel Paris : "2022 a commencé sur des airs de reprise mais est en train de se dessiner comme une année record, soutenue par des niveaux de prix moyens tirés vers le haut par une clientèle internationale qui souhaite profiter de nos plus belles suites et de nos plus belles vues". Un climat opportun qui s’explique, d’une part, par le phénomène du revenge travel qui, une fois les frontières , a été une réponse à la frustration des mois passés par l’urgence de s’évader. Un élan accentué par une hausse du taux d’occupation de 20,3 % par rapport à 2021, sans toutefois pleinement s’aligner à celui d’avant crise sanitaire avec un bridge de 4,4 points de base constatés. D’autre part, le cours du dollar par rapport à l’euro a été favorable à une clientèle américaine à forte capacité budgétaire. Pour autant, les clients domestiques ne sont pas en reste en optant pour un tourisme de proximité, notamment accru par une volonté collective de participer à l’économie locale, une prégnante prise de conscience écologique, mais aussi un nécessaire arbitrage des dépenses dans un contexte inflationniste. In fine, une demande haussière qui a été propice à un effet de levier de valorisation des prix moyens, HT de 14,3 % par rapport à 2019 et de 26,9 % en 2021. Ce qui a conduit à une RevPAR exponentielle de 84,8 % en un an, à contraster avec l’accalmie de la période, et de 7 % en se référant à 2019.

Une demande haussière qui a été propice à un effet de levier de valorisation des prix moyens. 

Hôtellerie, destination attractive d’investissement

Face à l’efficience des résultats, la résilience de cette typologie d’actifs mise à rude épreuve a renouvelé son attractivité auprès des investisseurs. Ainsi, ce n’est pas moins de 3,2 milliards d’euros de volume de transactions qui ont été enregistrés à l’échelle nationale. Le dernier trimestre a été particulièrement porteur pour la capitale, mais aussi en régions. Les 17 transactions parisiennes ont représenté 70 % des volumes investis et révèlent des opérations d’envergure telles que le Soho House Paris, dont le montant s’élèverait à plus de 90 millions d’euros. Anciennement détenu par la Compagnie de Phalsbourg, ce trophy asset est désormais propriété de deux SCPI gérées par Amundi Immobilier. En région, des projets en montagne ont vu le jour, notamment l’acquisition du portefeuille Lodge & Spa Mountain par le groupe Les Étincelles pour 140 millions d’euros. Une dynamique de marché qui "a rappelé aux investisseurs la tendance observée depuis des décennies : la capacité des hôtels à revoir quotidiennement leurs prixexplique Sami Mendil, head of hotels investment properties CBRE France. Selon lui, cette orientation "signifie que, de toutes les classes d’actifs, c'est celle qui constitue peut-être la meilleure couverture dans un environnement inflationniste. Les investisseurs qui sauront analyser finement certains sous-secteurs de niche sauront identifier les bonnes opportunités de création de valeur" . En somme, malgré le régime drastique subi par le pouvoir d’achat, la hausse de la part des dépenses de loisirs sur l'enveloppe globale des ménages conforte les opportunités d’investissement et de développement.

Les investisseurs qui sauront analyser finement certains sous-secteurs de niche sauront identifier les bonnes opportunités de création de valeur.

Un bagage à consolider en 2023

Hissés au rang des premiers pays touristiques mondiaux, de nombreux événements à venir confirmeront la tendance. Selon Sami Mendil, Paris "est prête à bénéficier encore plus fortement du fait qu'elle accueillera certains des plus grands événements mondiaux, moteurs de la demande hôtelière, à savoir la Coupe du monde de rugby en 2023 et les Jeux olympiques et paralympiques en 2024. Avec le retour du Salon international de l’aéronautique, de l’espace au Bourget et le retour total de la clientèle asiatique, Paris se prépare à une demande potentiellement record". Bon nombre d’hôtels ont anticipé ces moments phares par une rénovation des lieux initiée pendant la crise sanitaire. Toutefois, la tension palpable du contexte géopolitique et économique assombrit le décor. Malgré un engouement certain, le marché hôtelier fait face à l’inflation et aux coûts exorbitants de l’énergie qui font perdre du pouvoir d’achat aux ménages et de la rentabilité des entreprises. En outre, l’enjeu du financement rencontre plusieurs barrières telles que la hausse des taux d’intérêt, la rigidité des conditions d’obtention de prêt ainsi que des garanties supplémentaires dont un ratio « loan-to-value » a minima de 50 % du coût total de l’investissement. Les candidatures se resserrent au profit de profils d’investisseurs dotés de fonds propres. Du reste, ceux-ci envisagent une relation collaborative avec les établissements prêteurs, notamment par l’obtention de crédit in fine ou de différés d’amortissement pour mener à terme leurs projets. Autre préoccupation, le secteur peine en matière de recrutement, freiné par une offre d’emploi structurellement supérieure à la demande et challengé par une requête salariale de qualité de vie au travail.

 

Tout bien considéré, l’industrie hôtelière se caractérise par une adaptation perpétuelle de son offre mais aussi par sa flexibilité tarifaire en alignement avec la loi du marché. Une réversibilité qui, certes, fait porter un risque aux investisseurs mais qui représente une force quant à l’adaptabilité de l’hôtellerie face à des facteurs exogènes peu cléments.

 

Maureen Nugent

Source : Parole d'expert CBRE

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