Les éléments de langage s’uniformisent au gré des obstacles qui ne manquent pas de se dresser devant les acteurs de la promotion et de la construction qu’ils soient normatifs, conjoncturels ou structurels. Rénovation urbaine, reconstruire la ville sur la ville, rendre la densité positive, sont désormais les maîtres mots d’une industrie appelée à se réinventer. Mais dans quelles conditions ?
Construction : entre défi environnemental et enjeu social
Chaque nouvelle année, les problématiques de la précédente demeurent et d’autres s’ajoutent. À celle de la timidité prudente des maires, de la hausse des prix des matières premières, des difficultés liées à l’accession à la propriété, de la conjoncture économique globale et de la situation énergétique tendue, la question de l’exigence environnementale persiste, rendant l’équation de la construction en France vaporeuse. Au niveau national, l’industrie du bâtiment représente près de 45% de la consommation d’énergie finale et 27% des émissions de gaz à effet de serre. Une part importante qui astreint le secteur à des efforts de plus en plus délicats à assumer.
Chaque nouvelle année, les problématiques de la précédente demeurent et d’autres s’ajoutent
Carbone appétit
Désormais que la "zéro artificialisation nette" l’exige, il ne faut plus construire n’importe où et maintenant que la RE2020 l’ordonne, il ne faut plus construire n’importe comment. N’empêche qu’il faut construire. Or les métiers du bâtiment participent de cet acte de construire qui produit, par nature, du carbone. Comment alors combiner l’impérieuse nécessité d’une certaine frugalité au besoin résidentiel pressant ? Pour l’heure, chaque problématique patauge dans son couloir de nage et la bonne volonté de la profession n’est récompensée que par des réglementations supplémentaires. Alain Taravella se veut optimiste. Dans un entretien pour Décideurs, le PDG d’Altarea a déclaré : "Lorsque vous examinez les normes et que vous vous promenez dans Paris, il apparaît que des millions de mètres carrés vont nécessiter une restructuration. C’est un vivier d’activité incroyable et un potentiel important pour les affaires."
Un plan plan-plan
Le gouvernement, à travers le ministère de la Transition écologique et celui de la Cohésion des territoires, s’est emparé de la problématique soumettant un plan décliné en quatre axes : faire de la rénovation énergétique des bâtiments une priorité nationale ; créer les conditions de la massification de la rénovation des logements et lutter en priorité contre la précarité énergétique ; accélérer la rénovation et les économies d’énergie des bâtiments tertiaires, en particulier du parc public ; accélérer la montée en compétence et les innovations de la filière de la rénovation des bâtiments. Des orientations nobles aux allures de vœux pieux, augmentées d’une série d’actions qui, pour l’heure, tiennent plutôt de l’incitation quand elles ne relèvent pas du pur fantasme.
Comment combiner l’impérieuse nécessité d’une certaine frugalité au besoin résidentiel pressant ?
Industrie sélective
Les acteurs du bâtiment, de la construction comme de la promotion sont au rendez-vous de ces nouveaux défis, pour peu que ceux-ci restent réalisables et cohérents. À ce sujet, Caroline Delgado-Rodoz, directrice générale de REI Habitat et vice-présidente de la Fédération de promoteurs immobiliers (FPI), dans une note relative à la construction neuve, témoigne : "Compte tenu des améliorations en cours du point de vue de la diminution importante de l’empreinte carbone de la construction neuve, il faut faire attention à ne pas opposer la recherche de diminution des consommations énergétiques à l’émission de carbone et donc du coup, il est impératif d’encourager la construction neuve et de ne pas l’opposer à l’ancien." Une détermination affichée et l’imploration d’une concertation collégiale, mais l’individualisme étatique prime et la réglementation devance, généralement, son applicabilité.
Il n’en reste pas moins que les émissions de gaz à effet de serre liées à la construction de logements neufs, aussi faibles soient-elles, ne neutralisent pas celles des logements existants, elles s’y annexent. Alors avant de penser le bâtiment de demain, il semble indispensable de panser le bâtiment d’aujourd’hui.
Alban Castres