En pleine ascension, le foncier dédié au sport tend à capitaliser une part de marché importante dans l’immobilier commercial. Après une accalmie durant la crise sanitaire, cette typologie d’actifs est dans les starting-blocks et les dépenses qui en découlent sont estimées à une vingtaine de milliards d’euros, dont 60 % destinées à la vente d’articles sportswear.
Immobilier, le sport dans les starting-blocks
La parenthèse suspendue de 2020 a remis le bien-être au centre des priorités individuelles et le laps de temps dégagé par le télétravail a renforcé la pratique sportive mais aussi le style vestimentaire qui l’accompagne, l’athleisure. Entre enjeu de santé et jeu de look, l’accroissement du sport dans le quotidien a eu un impact sur le développement des enseignes, en particulier sur les grandes artères commerciales des capitales mondiales, dont l’avenue des Champs-Élysées. En outre, l’implantation d’enseignes américaines sur le territoire francilien, tel que la NBA ou encore les boutiques Lids, confirme la globalisation de cette tendance sur un marché en pleine expansion.
À vos marques, prêts, distribuez
La dynamique nouvelle de cette composante de l’immobilier commercial s’explique "bien sûr par un secteur en forte croissance, mais aussi parce que de nombreuses marques souhaitent capitaliser sur cet essor en conservant ou en reprenant directement la main sur la distribution de leurs produits. L’ouverture de boutiques en propre permet aussi aux grandes marques de sport de resserrer les liens avec leurs clients et de mieux maîtriser leur image." explique Vianney d’Ersu, directeur adjoint du département Commerces locatifs chez Knight Frank France. Il ajoute : "Une démarche qui va s’accélérer et qui est assez proche de celle adoptée il y a plusieurs années par les groupes de luxe, qui avaient multiplié les boutiques de marques dans le cœur des grandes métropoles mondiales." Ainsi, face à une exigence de responsabilité éthique et environnementale, notamment traçable par le respect des fabricants et la résorption de leur empreinte carbone, les mastodontes du milieu ont décidé de s’emparer du sujet de la distribution en propre. À l’instar d’Adidas dont l’objectif est de porter cette part à 50 % de ses revenus à horizon 2025, soit une hausse de 19 % par rapport à 2021. Concrètement, cela passe par une rationalisation du réseau de distribution en capitalisant uniquement sur des emplacements stratégiques de premier choix. Le flagship de Nike, Avenue des Champs-Élysées en est une parfaite illustration. Lieu de rencontre spectaculaire, proximité et interaction avec une clientèle cible et stratégie omnicanale qui permet d’assurer une continuité entre le panier virtuel et réel, s’avèrent être des points de différenciation majeurs de fidélisation.
Entre enjeu de santé et jeu de look, l’accroissement du sport dans le quotidien a eu un impact sur le développement des enseignes
Les flagships, étendards de notoriété
Dans une activité concurrentielle, notamment par l’omnipotence de pure-players, le point de vente est le lieu de rencontre privilégié entre la marque et ses consommateurs. Au-delà de la simple nécessité d’achat, ce tiers-lieu revêt bien d’autres dimensions. "Les nouveaux flagships sont devenus des destinations à part entière. Le client n’y vient plus uniquement pour acheter des équipements ou des vêtements, mais pour s’y restaurer, faire réparer des chaussures usagées, louer du matériel pour le tester avant de l’acheter, rencontrer des ambassadeurs de la marque, profiter de collections exclusives issues de collaborations, bénéficier de conseils en matière de pratique sportive ou de diététique, jouer entre amis ou en famille, y admirer des œuvres d’art contemporaines et… partager les meilleurs moments de sa visite sur les réseaux sociaux." note Antoine Salmon, head of Retail leasing chez Knight Frank France. Ainsi, en complémentarité du site institutionnel et des réseaux sociaux, le flagship est un élément crucial de storytelling des marques qui invitent leurs visiteurs à découvrir un univers à part entière dont la viralité des clichés s’inscrit dans cette stratégie omnicanale. Ces lieux conceptuels, très répandus aux États-Unis et au Royaume-Uni pour combler la vacance commerciale, tendent à migrer progressivement en France.
Le point de vente est le lieu de rencontre privilégié entre la marque et ses consommateurs
Déploiement sans précédent
"La multiplication des formats répond au succès croissant de certains sports ou catégories de produits et à la diversification des profils de consommateurs. La percée du digital est également cruciale, dans le domaine des ventes comme de la communication : elle pousse les enseignes à parfaire leur stratégie omnicanale, en maillant le territoire au plus près dans une optique de proximité avec leurs e-clients, ou en contribuant au développement de grands flagships sublimant l’expérience d’achat », explique Antoine Salmon. Et il conclut : « Au-delà de son poids économique grandissant, le sport est ainsi à l’avant-garde des dernières innovations du commerce et de la distribution." La part d’enseignes sportives au sein des centres commerciaux permet d’apprécier la dynamique de ce secteur. La part du sport et des loisirs représente ainsi 14 % du nombre d’enseignes ouvertes au sein d’ensembles lancés ces trois dernières années et 18% des projets inaugurés en 2022. In fine, l’histoire du sport s’avère être un remake de celle de la fast-fashion dans les années 2000 par l’implantation de locaux de bonne facture sur des artères prisées et la diversification de l’offre. Les adresses mythiques de prêt-à-porter ont ainsi laissé place à de nouvelles recrues. JD Sports s’est établi sur l’ancien magasin H&M du 66 rue de Rivoli, Foot Locker sur l’ex-GAP du 36 avenue des Champs-Élysées, ou encore Adidas qui remplace Zara au 39-41 boulevard Haussmann.
Bien que le sport prenne la tête du peloton dans l’immobilier commercial, des risques majeurs subsistent par la baisse du pouvoir d’achat des consommateurs, la récurrence des collections à combiner avec une démarche RSE et l’arrivée de nouveaux entrants digitaux et de seconde main.
Maureen Nugent
Source : Étude Knight Frank