Une nouvelle fois, l’écologie aura été la grande absente de la campagne présidentielle, reléguée au second plan derrière la guerre en Ukraine et le sacro-saint pouvoir d’achat. Le débat n’a pas eu lieu et n’a malheureusement plus lieu d’être tant le programme de Marine Le Pen passe à côté des enjeux, quand il ne les aggrave pas. Emmanuel Macron multiplie les promesses. Charge à lui d’enfin les tenir et à nous de l’y presser… une fois la menace passée.

Les appels se multiplient ces derniers jours pour que le climat soit au cœur du débat d’entre deux tours. Léa Salamé et Gilles Bouleau, les deux journalistes qui l’animeront, ont notamment reçu une lettre d’associations de défense de l’environnement afin qu’ils consacrent au moins 20% du temps à cette thématique. Les pétitions en ligne se multiplient. Et selon un sondage Ipsos, 68% des Français disent qu’ils tiendront compte des propositions des candidats en matière d’écologie dans leur choix. Si jamais le sujet devait à nouveau être escamoté, voici quelques éléments pour éclairer la décision.

Macron président : une écologie du en même temps

La déception est sans doute à la hauteur des attentes que le nouveau Président avait suscité au début de son mandat en nommant Nicolas Hulot au ministère de la Transition écologique, en renonçant à de nouvelles exploitations d’hydrocarbure sur le territoire national, en mettant fin à des projets controversés comme Notre-Dame-des-Landes, la Montagne d’or en Guyane et le méga parc de loisirs EuropaCity, ou encore en lançant l’appel "Make our planet Great Again". Renoncements sur le glyphosate, non-respect des engagements de l’Accord de Paris, action trop timorée sur le déploiement des énergies renouvelables ou de la sobriété énergétique des bâtiments, condamnation de la France pour inaction climatique, rendez-vous manqué d’une pourtant prometteuse Convention citoyenne pour le climat : autant de manquements qui ont contribué à ternir un bilan qui peut pourtant se targuer de quelques avancées. On pense notamment à la création du Haut Conseil pour le Climat, une instance indépendante en charge d’évaluer la politique climatique du gouvernement, aux lois d’orientation des mobilités et anti-gaspillage pour une économie circulaire, ainsi qu’aux efforts fournis au niveau européen pour l’avènement du Green Deal. En conclusion, comme il aime à le rappeler, Emmanuel Macron a sans doute fait "davantage que ses prédécesseurs" sur la question climatique. Mais comme le souligne Marine Braud, auteure d’un rapport publié par le think tank Terra nova et ancienne conseillère au ministère de l’Écologie, l’équation ne peut pas se poser en ces termes : "La question n’est plus de savoir si l’on a fait plus que ses prédécesseurs sur le sujet mais si l’action est suffisante pour lutter efficacement contre les menaces systémiques posées par les dérèglements environnementaux en cours." Face à l’urgence climatique, le "en même temps" a fait long feu.  

Face à l’urgence climatique, le "en même temps" a fait long feu.

Macron candidat : la promesse d’une métamorphose

Le président-candidat en aurait-il enfin pris conscience ? Aidé en cela par le score élevé de Jean-Luc Mélenchon dont l’engagement écologique était un marqueur fort pour ses électeurs et par une Marine Le Pen que le sujet semble laisser pantoise, il s’est en tout cas engouffré dans la brèche en promettant, enfin, une métamorphose. Sur la table : un Premier ministre directement chargé de la "planification écologique" et épaulé par deux ministres chargés de la "planification énergétique" et de la "planification écologique territoriale", la construction de six centrales nucléaires nouvelle génération (et huit autres en option), l’implantation de cinquante parcs éoliens offshore, l’imposition d’un taxe carbone aux frontières, la rénovation de 700 000 logements en cinq ans ou encore la formation de 400 000 personnes aux métiers de la transition écologique. Objectif fixé : "Faire de la France le premier grand pays du monde à sortir de la dépendance aux énergies fossiles."

Marine Le Pen ou l’écologie rabougrie

Pour l’extrême droite, l’écologie n’a traditionnellement de valeur que dans la mesure où elle peut la mettre au service de ses idées. La candidate du Rassemblement national ne fait pas exception en mettant en avant son "écologie nationale", basée sur le "localisme" avec une "préférence pour les produits français". Une sorte de France aux Français version green. À cela s’ajoute une aversion don quichotienne aux éoliennes, et une conception de l’écologie comme essentiellement "punitive", justifiant une inaction climatique assumée, teintée d’un rejet de toute forme de sobriété qui touche parfois au comique : "Les Français pourront continuer à sortir leur famille en voiture, à prendre des bains chauds, à apprécier le feu de bois dans la cheminée et à fêter Noël !" Nous voilà rassurés.

Pour l’extrême droite, l’écologie n’a traditionnellement de valeur que dans la mesure où elle peut la mettre au service de ses idées.

Troisième tour

Le débat n’aura donc pas lieu. Comment pourrait-il en être autrement quand un seul des candidats semble vraiment comprendre, à défaut d’en être à la hauteur, l’impératif climatique, l’absolue nécessité d’une transformation forte, programmée et, osons le mot, radicale de nos économies et modes de vie ? Reste pour nous, électeurs, à écarter le pire pour être en mesure, non plus seulement d’espérer mais d’exiger le meilleur. Emmanuel Macron clamait récemment à Marseille : "La politique que je mènerai dans les cinq ans à venir sera écologique ou ne sera pas." À chacun d’entre nous, à notre place et dans notre sphère d’influence, de l’aider à tenir parole.

Antoine Morlighem

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