Ingénieure de formation, Isabelle Mashola est la fondatrice d’Isahit : une tech for good française qui propose un service d’externalisation éthique de labellisation des données permettant de nourrir les algorithmes d’intelligence artificielle de grands groupes et de start-up, tout en soutenant l’inclusion sociale des femmes, notamment en Afrique. Portrait.

Après une carrière passée au sein de grands groupes comme Cisco et Dell puis à la direction informatique Europe Middle East & Africa (EMEA) de Publicis, Isabelle Mashola aspire à autre chose. Son besoin d’indépendance et sa volonté de servir une cause sociale en phase avec ses valeurs finissent par se rejoindre en 2017 avec la création d’Isahit, aux côtés de Philippe Coup-Jambet (Tekora, PayTop). "Je contribuais à titre personnel à un fonds de dotation où nous aidions financièrement des jeunes entrepreneures en Afrique. Le déclic a été de se dire, que mieux que le don, ce qui donne de la dignité, c’est le travail", se souvient-elle. Et plus particulièrement aux femmes qui peuvent faire du numérique un levier d’indépendance et d’inclusion, dans une société où elles sont trop souvent bridées.

Éthique et clic

Comment ? En offrant une solution nouvelle et éthique aux entreprises qui ont un besoin grandissant de "force de travail du numérique" pour valider et améliorer leurs algorithmes d’intelligence artificielle  (IA). Car en effet, derrière les promesses de l’IA se cachent des données. De la qualité des secondes dépendront les performances de la première. C’est un défi majeur qui nécessite un travail d’annotation toujours plus important, où le regard de l’homme et celui de la machine collaborent. Or, jusqu’à présent, la plupart des solutions s’appuyaient sur une forme de précarisation de ces "travailleurs du clic", payés seulement quelques centimes par clic et peu considérés. Isahit résoud ce problème en confiant ces tâches à sa communauté de femmes, issues de pays en développement. Une solution gagnant-gagnant, où tout en conservant un coût maîtrisé pour ses clients, Isahit peut proposer une rémunération en moyenne cinq fois plus élevée que les revenus locaux à ses "HITers", leur offrant du même coup formation numérique et perspectives d’avenir. L’accès à la plateforme est par ailleurs limité dans le temps et conditionné à la présentation d’un projet de vie (entrepreneuriat, reprise d’études…), afin qu’Isahit soit toujours un tremplin mais jamais une fin.

Succès au rendez-vous

Depuis sa création, Isahit a accompagné plus de 1 700  femmes dans 39 pays, leur dispensant au passage plus de 15 000 heures de formation. En moyenne, les HITers acquièrent douze compétences le long de leur parcours. L’entreprise compte plus de 300 clients en France et à l’international, dont de nombreux grands comptes du CAC 40 (Airbus, Sodexo, Engie, L’Oréal…). D’ici à trois ans, l’entreprise se fixe pour mission d’offrir à plus de 10 000  personnes dans le monde l’opportunité de travailler et de se former aux métiers du digital grâce à sa plateforme online. La dimension éthique de son projet a par ailleurs récemment été récompensée par une labellisation B Corp, en faisant la première entreprise européenne d’IA éthique à bénéficier d’une telle distinction. "C’est une vraie fierté et la confirmation de la haute valeur ajoutée sociale de notre business model pour participer à l’émancipation et à la formation digitale des femmes africaines", se réjouit Isabelle Mashola.

Antoine Morlighem

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