Materrup : un golem au milieu des géants de pierre
Comme c’est souvent le cas dans le monde de la start-up, Materrup est née grâce à une prise de conscience. Mathieu Neuville, fondateur et CEO, est docteur en chimie. Passé par Total et Lafarge, il travaille sur différents matériaux de construction. Ce secteur du BTP représentant 27% des émissions françaises de CO2, et 75% de la totalité des déchets produits, l’ingénieur comprend qu’une transformation doit s’opérer. Rapidement, il s’intéresse aux diverses façons de produire des matériaux de manière écologique. Travaillant pour différents bureaux d’études, il regarde plus particulièrement du côté de l’argile : "Au croisement de mes compétences en matériaux et de mes connaissances en argile est née la technologie de Materrup".
De l’argile du potier à celle du bâtiment
C’est en discutant avec son frère, Charles, formé dans une école de commerce, qu’il comprend l’occasion se présentant à eux. La potentielle alternative proposée par l’argile dans le domaine de la construction n’est pas un marché de niche, mais bel et bien un système de transition. L’entreprise voit donc le jour en octobre 2018 à Saint-Geours-de-Maremne en Nouvelle-Aquitaine, région dynamique dans le domaine de la construction, mais pauvre en cimenteries. Les deux frères sont ensuite rejoints par Manuel Mercé, lui aussi ingénieur. La multiplication des taxes, la montée de la conscience écologique, l’augmentation du prix de l’énergie forment un environnement favorable à l’implantation de nouvelles solutions moins coûteuses, plus efficientes, et plus vertueuses. Alors que le cadre légal est de plus en plus favorable pour mener à bien ce genre d'initiative, notamment grâce à la réglementation RE2020 visant à diminuer l’empreinte carbone des bâtiments neufs, optimiser leurs performances énergétiques et enfin adapter les habitations à des chaleurs plus fortes, la start-up signe une première levée de fonds, à hauteur de 1,2 million d’euros en août 2020, auprès, entre autres, de quatre fonds d’investissement importants : Sofimac Innovation, Aquiti Gestion, Irdi Soridec Gestion et enfin Argiduna Capital.
Matériau traditionnel et innovation technologique
Si l’intelligence est la chose la mieux répartie chez les hommes, il en est presque de même concernant l’argile autour du globe. Peu chère, la matière est exploitée de manière novatrice par la start-up : à l’état cru. La technologie Crosslinked Clay Cement © se substitue au ciment, habituellement cuit à 1450 degrés et source de pollution, pour venir apporter une solution concrète à la transition écologique du secteur.
"La pierre la plus solide d'un édifice est la plus basse de la fondation."
L’intérêt décisif de Materrup, au-delà de sa solution innovante, tient à la stratégie d’implantation qu’elle souhaite mettre en place. L’entreprise cherche à construire des usines à l’échelle locale, usant de l’argile présente sur place et distribuant sa solution dans un périmètre proche. Dynamisant le tissu industriel, favorisant des circuits courts, Materrup a pour "ambition de réduire à l’échelle mondiale les émissions cimentières". Le modèle économique est simple, et passe par la vente de ciment d’argile aux bétonniers et aux préfabricants, ainsi qu’aux constructeurs. Mathieu Neuville ajoute que la dimension esthétique entre, elle aussi, en compte, l’argile crue ayant de très belles teintes.
Ambition prométhéenne
L’entreprise emploie maintenant 14 personnes, autour de deux pôles, deeptech et industriel : "L’ambition est de maintenir notre avance technologique sur le secteur des argiles non calcinées." 2022 sera une année décisive, avec le lancement d’une première ligne pilote, accompagnée d’une production de ciment d’argile réservée aux partenaires industriels pour des projets de construction et d’aménagement urbain. L’équipe compte se renforcer avec des commerciaux, des cadres, augmenter l’effectif des services supports ainsi que celui des ingénieurs et des opérateurs, afin d’envisager sereinement, en 2023, le déploiement sur d’autres régions françaises de ses "Small Modular Cement Plant". Bien que Materrup ait déjà été sollicitée à l’étranger, l’entreprise préfère avancer ses pions à son rythme, pour mener à bien ses objectifs tout en conservant son identité et ses convictions.
Émile Le Scel