Chaque semaine, Décideurs vous propose un focus sur une start-up prometteuse de la Tech française. Aujourd’hui : Skytech.

Commencée au début des années 2000, l’aventure Skytech part du constat simple que les plastiques que l’on appelle « dures et complexes » ne sont pas, ou peu, recyclés. Ces derniers se trouvent pourtant en quantité importante, notamment dans les pare-chocs de voitures, les machines à café, ou encore sur les ordinateurs dont les contours en sont bardés. Si la matière première ne manque donc pas, la difficulté se trouve ailleurs : comment recycler correctement ces plastiques ? Là, Skytech marque sa différence en proposant une solution, Triblast, procédé basé sur la triboélectricité – « faire frotter les électrons » en grec ancien – permettant de recycler les polymères en les séparant en différents mélanges : ABS, PP et PS.

Innovation technique

La solution de recyclage permet une véritable régénération des plastiques, comme nous l’explique Ophélie Godde, CEO de l’entreprise : "Il faut doper la formule du polymère afin qu’il retrouve des caractéristiques similaires à un plastique vierge." Les résultats sont au rendez-vous avec des granulés intégralement issus du recyclage de déchets et un taux de pureté de plus de 99 %. Le succès du procédé Triblast est le fruit d’une collaboration avec le professeur Lucien Dascalescu de l’université de Poitiers, puis d’une autre collaboration avec l’École normale supérieure afin d’affiner le processus de séparation. Concernant son financement, c’est Xerys, société de gestion de portefeuille spécialisée dans le capital-investissement qui a décidé d’accompagner le projet dès 2013.

Un contexte favorable à l’extension

La start-up a pu profiter d’un contexte favorable à son arrivée. Les problématiques d’obsolescence technique, de surconsommation, la sensibilisation des citoyens à l’importance de la quantité de déchets et la nécessité de les trier, ne pouvaient que propulser sur le devant de la scène la solution mise en place par l’entreprise. La reconnaissance se fait aussi sur le plan institutionnel, avec le prix d’excellence du programme Horizon 2020 de la Commission européenne, avant d’être reconnu "entreprise innovante" par la French Tech. Une réussite qu’a voulu mettre en avant Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, lorsqu’elle est venue sur le site de la start-up en septembre dernier : "Grâce à des jeunes entreprises innovantes françaises comme Skytech, des solutions vertueuses, commercialisables à l’échelle industrielle et économiquement avantageuses se multiplient pour permettre aux entreprises d’être pleinement acteurs de la transition écologique."

Réussite entrepreneuriale et scientifique

La granulation mise en place fin 2020, et l’avantage d’un prix compétitif par rapport aux résines vierges a permis à Skytech de s’imposer rapidement sur le marché. Dans un contexte complexifié par la crise sanitaire mondiale, la start-up trouve ses premiers distributeurs en Chine dès le mois de février 2020. Rapidement, les distributeurs européens s’y intéressent à leur tour. L’année 2021 s’avère particulièrement bonne pour l’entreprise, passant de vingt salariés à plus d’une cinquantaine en douze mois, avec la volonté actuelle d’en recruter une trentaine supplémentaire. Côté R&D, Skytech cherche à faire breveter le premier ABS haute résistance thermique en plastique régénéré du monde, et expérimente une ligne de séparation des polyamides et des polyéthylènes.

Un regard sur l’avenir

La production va se délocaliser dès la fin du semestre vers une ancienne friche industrielle, permettant de multiplier les capacités de rendement de l’entreprise. "L’idée est une production de 35 000 tonnes de plastique régénéré d’ici 2023", confie Ophélie Godde. À la quantité de production, s’ajoute une diversification de l’offre, avec la mise en place d’une troisième ligne de production visant des déchets plus dégradés encore que ceux déjà traités. Enfin, avec une levée de fonds de 16 millions d’euros auprès de son partenaire Xerys, l’entreprise continue son implantation sur le territoire français, tout en commençant à préparer son ouverture à l’international, la start-up ambitionnant de "devenir le leader européen du plastique régénéré technique (rABS* et rPS*) 100 % post-consommation".

Émile Le Scel

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