Ciel, revoilà Greta Thunberg
Ses débuts en politique l’ont, en raison d’une attention stérile à son allure, de larmes trop judicieuses pour être sincères, et d’une voix tremblante parfois qualifiée d’irritante, enfermée dans la catégorie des personnes qui font prendre du retard à la cause qu’ils font profession de défendre. Retour sur une ambition précoce et un combat inachevé.
Noble combat, méthode maladroite
Avril 2019, Parlement européen, Greta Thunberg, tresses enfantines et regard noir, évoque le réchauffement climatique et en dénombre les périls, en soulignant que "tout cela est accéléré par un mode de vie dont nous pensons, dans les pays les plus privilégiés au monde, que nous avons le droit de conserver". La problématique est posée, brutale mais fondée, son dénouement lointain, tant que le pouvoir d’achat devance la préoccupation écologique dans les esprits. Bien que les certitudes de certains dirigeants, parmi les plus chauves et les plus ridés de notre planète, auraient parfois besoin d’être un peu secouées, les méthodes de Greta Thunberg, ses vociférations émues, ses yeux diluviens et ses admonestations parfois outrancières, pourraient souffrir d’un peu plus d'empathie pour un auditoire percevant le monde comme un boulier géant. Il faut voir avec quelle détermination les observateurs se sont emparés du sujet, jusqu’à scruter ses photos afin de déterminer la provenance et le voyage du régime de bananes qui semblait lui tenir lieu de dessert alors qu'elle pique-niquait dans un train. Greta Thunberg jure tellement avec les jeunes filles de son âge qu’elle paraît parfaitement inadaptée lorsqu’il s’agit de parler en leur nom : des saillies convaincantes dans le verbe, contestables dans le ton. Clivante car jeune, désormais qu’elle s’adresse et embarque ses semblables dans son combat, elle est à sa place.
Les conclusions catastrophiques du Giec sont encore trop souvent jugées catastrophistes
L’illuminée utile de la cause climatique
Malgré une volonté évidente de "parler au nom des gens qui, comme elle, vont être affectés par cette crise", il y a trop à dire sur Greta Thunberg, au-delà de son combat, pour qu’elle puisse représenter, aujourd’hui, une parole crédible pour le peuple donc pour nos dirigeants. Comment pourrait-il en être autrement lorsque le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), qui n’a nulle vocation marxiste ni autre ambition que d'étudier les aspects scientifiques du changement climatique et ses conséquences, oscille, dans l’inconscient collectif, entre mépris et snobisme ? Ses conclusions catastrophiques sont encore trop souvent jugées catastrophistes. Lorsque le groupe tire le signal d’alarme, la loi climat et résilience invite les constructeurs automobiles français à ce que 70 % de leurs dépenses publicitaires soient consacrées aux voitures électriques dès 2023, entre autres semi-mesures. La jeune suédoise, pour qui "le changement viendra lorsque les gens comprendront la gravité de la situation", n’incarne, et l’on peut le déplorer, que caprice et caricature. Deux ans, quelques lois minuscules et diverses certifications plus tard, elle déclare que "l’inaction climatique est un choix délibéré", affirmation difficilement contestable avec le recul de l’indolence politique de ces derniers mois, malgré des discours aux sourcils froncés et concernés qui pourraient laisser croire que le message est passé.
L'urgence peut attendre
Tant que l’opinion publique méprisera les "illuminés" enchaînés aux grilles du Palais Bourbon, le paramètre politique n’évoluera pas. Personne ne devrait laisser une jeune fille de 18 ans s’emparer de préoccupations aussi lourdes, servir de paratonnerre à un modèle économique trop mal en point pour tolérer le moindre grain de sable. L’objectif désormais semble être de faire grimper l’écologie à la première place du classement des préoccupations des Français, seule manière d’aligner les politiques sur l’insignifiante problématique que représente l’avenir de la Terre.
Alban Castres