Transformation de la Gare du Nord : retour sur un fiasco
Le projet se voulait pharaonique, vitrine pompeuse de la capitale pour les visiteurs des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 : triplement de la surface de la gare, 50 000 mètres carrés de nouvelles surfaces construites, dont près de la moitié dévolue à un immense centre commercial. Après avoir validé le projet, la Mairie de Paris avait fini par rétropédaler, le jugeant "déconnecté du quartier". Le soutien d’un collectif d’architectes mené par Jean Nouvel et Roland Castro a influencé la décision. Dans une tribune au Monde il a notamment dénoncé en septembre 2019 "un projet inacceptable", qui devait être repensé de "fond en comble", n’y voyant qu’un nouveau temple bling-bling et une incarnation du consumérisme désuet : "Obliger des centaines de milliers de personnes à traverser des espaces commerciaux devient insupportable lorsque ce cadeau au commerce se paie de parcours allongés et inutilement compliqués".
Patatras
La levée de bouclier était trop forte : Ceetrus, filiale du groupe Auchan à l’origine du projet, a été forcée de revoir sa copie. En novembre 2020 elle propose donc une version moins ambitieuse, supprimant notamment 15% de la surface dédiée aux commerces ainsi que la salle de spectacle. Le climat s’était apaisé. Les querelles d’hier presque oubliées. Et patatras.
Chronique d’un autre temps
Il faut bien admettre que quand la SNCF dénonce des "dérives insupportables", on ne peut lui reprocher d’exagérer. Car, comme l’a souligné, fataliste, le ministre délégué en charge des Transports Jean-Baptiste Djebbari au micro de RMC-BFMTV aujourd’hui : "Le projet initial était de 600 millions d’euros, a glissé vers 1,5 milliard et s’est décalé de deux à trois ans dans le calendrier. C’est la chronique d’un projet qui s’est mal déroulé sur le plan technique." Et si le vrai péché originel était plutôt philosophique. Est-il encore possible de miser sur des temples du consumérisme plutôt que sur la fonctionnalité, le confort des usagers, les interactions avec le quartier ? Le gouvernement a demandé à la SNCF de préparer un projet "dans une dimension de l’ordre de 50 millions d’euros, pour faire des aménagements et répondre aux enjeux de 2024." Le temps des pyramides est révolu.
Antoine Morlighem