A. Gaudillère (Enerlis) : "La transition énergétique n'aura lieu que si elle est imposée"
Décideurs. Votre business model est la preuve que respect de l'environnement et croissance sont conciliables. Comment avez-vous procédé ?
Aurélie Gaudillère. Enerlis se présente comme un opérateur global de la transition énergétique et coordonne l’ensemble des expertises spécifiques de l’énergie et de l’environnement pour aider les grands consommateurs d’énergie à diminuer leur facture énergétique et à réduire leur empreinte environnementale. Notre engagement va consister à drainer, intégrer, organiser et superviser cette rénovation énergétique. Nous accompagnons le client de la préconisation à la réalisation, en passant par le financement. En matière de solutions, Enerlis propose de réduire les budgets de fonctionnement des collectivités, les charges énergétiques et de gestion des bailleurs et des copropriétés, de maîtriser le budget d’exploitation des acteurs du secteur tertiaire et des industriels. Nous avons créé Enerlis en 2013, conscients de la croissance des besoins énergétiques mondiaux et de la nécessité de préserver les ressources planétaires. Un positionnement né de notre investissement dans différents sujets tels que la fabrication de batteries, l’immobilier d’entreprise et les dispositifs de certificats d’économie d’énergie. Nous avons observé une véritable convergence entre l’informatique, l’immobilier et l’énergie.
Siège d'Enerlis
Pourriez-vous nous donner un exemple de projet afin d’illustrer votre modèle ?
Nous avons accompagné la CPCU (Compagnie parisienne de chauffage urbain) dans la transition énergétique de leur tour de bureaux à Lyon, un actif de 25 000 m² qui générait une consommation d’énergie importante. Nous nous sommes engagés sur une économie de 90 000 euros par an nécessitant 475 000 euros de travaux et avons financé ce montant, lissé sur quatre ou cinq ans, ce qui a conduit à une économie plus importante que la mensualité résultante.
Ce marché à forte croissance est-il concurrentiel ?
Nous sommes nombreux sur le marché de la transition énergétique mais nos concurrents s’inscrivent par silo et peu disposent de compétences transverses. Notre indépendance nous démarque, en outre, des fournisseurs d’énergie. En définitive, on dénombre beaucoup d’acteurs mais aucun n’offre un interlocuteur unique, aucun ne se positionne comme un intégrateur de solutions à qui adresser votre besoin global en matière de rénovation énergétique. Enerlis se démarque par son indépendance vis-à-vis de tout énergéticien, équipementier ou constructeur et garantit des solutions objectives à ses clients.
"Il existe une véritable convergence entre informatique, immobilier et énergie"
Quel est l’impact du paramètre politique sur votre marché ?
La notion de réglementation paraît indispensable, on avance généralement plus vite sous la contrainte. La transition énergétique n’aura lieu que si elle est imposée, réglementée, simplifiée et soutenue financièrement. Les acteurs de l’immobilier d’entreprise, que nous accompagnons, sont au fait des récentes réglementations et se mettent au diapason, mais le plus gros gisement d’économie d’énergie se situe du côté des logements privés. Entre le syndic, le conseil syndical et les assemblées générales qui rassemblent les copropriétaires, il semble nécessaire de disposer de consignes simples et claires.
"Le succès de la loi Climat passera par sa simplification juridique et administrative"
Que pensez-vous de la loi Climat ?
Elle est essentielle et je ne peux que saluer la volonté du gouvernement sur le sujet. La prochaine étape réside dans son exécution. On a parfois le sentiment qu’une fois qu’une loi est promulguée, la mission est accomplie, mais c’est bien sa mise en application qui va se révéler déterminante. Le succès de la loi Climat passera par sa simplification juridique et administrative.
Quelles sont vos ambitions à court, moyen et long termes ?
Nous avons lancé Enerlis Solidarité, un fonds de dotation visant à lutter contre la précarité énergétique, financer les innovations en la matière, agir en faveur du climat et favoriser l’éducation. Un CFA a été créé dans ce sens, pour soutenir la formation aux métiers de la transition énergétique. Nous travaillons à l’élaboration de notre propre diplôme qui devrait se matérialiser dans quelques mois. Par ailleurs, nous poursuivons notre implantation territoriale et nous nous lançons dans l’hydrogène, pan important de la transition énergétique et du Plan France Relance, avec pour ambition de nous positionner comme un intégrateur et de fournir de l’hydrogène bas carbone. L’objectif étant de réindustrialiser les territoires et de créer de la valeur localement.
Quelle est l’empreinte d’Enerlis en France ?
Dans la mesure où nous nous engageons sur le résultat, nous sommes garants de notre offre, ce qui nécessite des compétences larges. Nous avons donc une trentaine d’ingénieurs et une vingtaine de conducteurs de travaux éparpillés dans nos douze agences nationales. Ces collaborateurs coordonnent un pool d’experts à l’échelle locale. Notre chiffre d’affaires en 2020 s’est élevé à 83 millions d’euros, ce qui représente une croissance de 62 % par rapport à 2019. Nous envisageons une progression équivalente en 2021. Selon nous, l’avenir se situe dans la rénovation énergétique doublée de l’utilisation des énergies renouvelables telles que le photovoltaïque. En cela, nos bureaux constituent une vitrine de notre savoir-faire en leur qualité de premier site en autoconsommation de l’ouest parisien : nous avons installé 200 m² de panneaux solaires sur le toit pour un gain annuel de l’ordre de 4 500 euros couplé à la réduction de notre empreinte environnementale. Une illustration de notre engagement en faveur de la transition énergétique ainsi qu’une démonstration de l’intérêt de l’autoconsommation solaire collective.
Propos recueillis par Alban Castres