La réduction de l'empreinte immobilière des entreprises semble convaincre une majorité de dirigeants de l'intérêt du télétravail. Anciennement réfractaires à la démocratisation de sa pratique, ils sont désormais en ligne avec les salariés sur sa mise en place, et l’économie de bureaux qui en résulterait. Retour sur les enseignements d’une crise sanitaire qui défie l’immobilier tertiaire.

Malgré la parution de nombreux sondages dont les conclusions laisseraient entendre un rejet national du télétravail, il apparaît assez nettement que l'idée même de ne plus passer, fatalement, cinq jours par semaine sur son lieu de travail s'est établie. Selon un sondage Odoxa réalisé pour BFM Business, 80 % des Français en ont une très bonne image globale. Malgré tout, 74 % des télétravailleurs ont confié leur besoin de présentiel : ces travailleurs ne sont, à l’évidence, pas contre le télétravail, comme il en a parfois été conclu. Une majorité s’accorde sur une pratique de l’ordre de 2,6 jours par semaine, loin du rejet exprimé par les pourfendeurs de cette commodité. Cette flexibilité que beaucoup appelaient de leurs vœux pourrait modifier les habitudes professionnelles dans leur globalité. Le Friday Wear ou Casual Friday, symbole de la rigueur du monde du travail du fait que l’absence de cravate soit le marqueur absolu de la décontraction, pourrait se voir menacé par les évolutions de cette souplesse présentielle.

Des enseignements flous

Si la question de l’acceptation du télétravail par tout un chacun était bien posée, l'extrapolation de ses enseignements s’est souvent distinguée par ses approximations. Les sondages n'ayant de sens qu'à la lumière des circonstances, si les Français ont réprouvé la pratique du distanciel, c'est parce qu'il a été généralisé dans la durée et que le salon, devenu bureau, s'est aussi métamorphosé en prison, rendant l'exercice d’y trouver un bénéfice compliqué, voire cynique. Sommairement, les salariés ont maudit la situation globale (confinement et restriction globalisée des libertés) plutôt que chacun de ses impératifs individualisés (télétravail, commerces fermés, libertés réduites...). La notion d'être social a fleuri, par la seule réflexion que l’enfermement généralisé a pesé sur les esprits. Une révélation parfois traduite par un besoin incompressible de machine à café cinq jours par semaine alors qu’elle n’était que l’expression d’un défaut de convivialité.

Le levier immobilier

Le télétravail est devenu beaucoup plus acceptable une fois que l'économie de bureaux est entrée dans l'équation des dirigeants. Si le fait de ne pas avoir ses employés sous les yeux ne revêt pas un intérêt évident, celui de réduire son loyer n'est pas anodin. L’Institut de l'épargne immobilière et foncière (IEIF) a dressé trois scénarios établissant un gain de surface envisageable allant de 12 % à 36 %. Sur une base de 41 % des entreprises qui passeraient à deux jours de télétravail par semaine, le gain de surface envisageable serait de 27 %. Sur le parc tertiaire francilien, cela représenterait 3,3 millions de mètres carrés (soit 6,5 %) et un impact déflationniste sur la demande placée de 14 % par an. De quoi inquiéter les acteurs de l'immobilier de bureaux.

Le bureau n'est pas mort

Le bureau n'est évidemment pas mort. S’engager dans l’outrance inverse à celle évoquée plus haut s’avère tout aussi dérisoire, mais nier l'évidence ne la corrigera pas : le test grandeur nature qu'a constitué la crise sanitaire a démontré, avec une certaine éloquence, que le télétravail n’était pas qu’invertueux. La perte d’information, de communication et de cohésion qui a accompagné le phénomène demeure une problématique majeure qui rend indispensable le fait de disposer d'un lieu d'échanges partagé. Les problématiques psychologiques générées également. Les incitations à un retour à la normale sont l'œuvre des acteurs investis sur le marché, ce qui apparaît légitime et compréhensible. Il n'est de certitude pour qui n'a rien à vendre. D’après le septième baromètre d’OpinionWay pour le cabinet Empreinte humaine, huit télétravailleurs sur dix souhaitent poursuivre l’expérience à raison d’un à trois jours de distanciel par semaine. Le bureau n’est pas mort, mais certains mètres carrés qui lui sont attribués aujourd’hui semblent condamnés à disparaître, quand d’autres le sont à évoluer.

Alban Castres

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