Le Bâtiment français en quête de productivité

À chaque crise économique, les entreprises cherchent à gagner en productivité pour reconstituer leurs marges. La nouvelle dépression provoquée par la Covid-19 n’échappera pas à la règle. Et le secteur du bâtiment non plus. En juin 2019, l’observatoire Construction Tech mis en place par Batimat et Gimélec, et réalisé en partenariat avec Xerfi, a dévoilé une étude sur la productivité et les principaux gisements dans la construction. Principal constat : aucun gain de productivité n’a été généré en France depuis 1995 (à prix constants) dans la construction. Pire, sur la période 2001-2018, la valeur ajoutée brute par heure travaillée (à prix constants) dans le secteur a même chuté de près de 20 %. L’Hexagone ne constitue pas une exception mais l’écart de production avec l’industrie y est le plus élevé comparativement à l’Allemagne, l’Italie, la Grande-Bretagne et l’Espagne. Pour corriger le tir, l’étude préconise une industrialisation du secteur, une accélération de la digitalisation des opérations sur site et une évolution des compétences. Un peu moins de deux ans après la publication de cette étude, certaines avancées sont à noter.

Le modèle GA Smart Building

Identifié comme un exemple d’industrialisation prometteur, le hors-site creuse son sillon. "Le nom du concept n’est plus inconnu en France, constate Sébastien Matty, président de GA Smart Building. Nous sommes pleinement convaincus au sein du groupe du potentiel de cette approche constructive. En 2018, nous avons ainsi intégré Ossabois, leader de la construction bois en France, pour aller plus loin dans cette démarche, notamment grâce à leur procédé de construction modulaire bois. Cela nous permet par ailleurs de diminuer l’empreinte carbone des opérations du groupe." Il ajoute que "la vague verte observée dans les villes lors des dernières élections municipales va constituer un levier de développement pour le hors-site en France. En effet, cette approche limite l’impact des chantiers sur le tissu urbain en décongestionnant les villes, en réduisant les déchets et en limitant les nuisances pour les riverains." GA Smart Building mise également sur son modèle intégré pour gagner en productivité : "Pour réaliser une opération, il faut faire intervenir trente à quarante métiers différents en moyenne en France. Cette fragmentation du marché est préjudiciable à la productivité." Enfin, GA Smart Building a recours au BIM depuis plusieurs années, de la conception à l’exploitation des projets. Une pratique parmi d’autres qui s’inscrit dans la digitalisation des opérations de construction.

Les gisements de la collaboration digitale

"Nous voulons être le Salesforce du BTP" : telle est l’ambition affirmée d’Ali El Hariri, CEO cofondateur de Bulldozair. La startup, qui a levé 4 millions d’euros fin 2020 pour démocratiser sa solution de collaboration digitale dédiée à la construction, promet un gain de productivité de 25 %. "Bulldozair garantit aux gérants d’un projet, qu’ils soient maître d’oeuvre, entreprise de travaux ou maître d’ouvrage, d’utiliser les versions à jour des documents nécessaires à la conduite du chantier, explique celui qui a travaillé pendant plusieurs années chez Bouygues Construction. Pour rassembler, rédiger et diffuser des contenus comme les reportings, il faut compter en moyenne un jour et demi par semaine et par personne. Avec Bulldozair, les informations sont rentrées en temps réel pendant les réunions, mises en forme automatiquement, centralisées à un seul endroit et font l’objet d’un suivi avec la possibilité d’envoyer des alertes pour ne rien manquer." Le retard du BTP français dans la quête des gains de productivité n’a donc rien d’une fatalité.

François Perrigault 

*Cet article est extrait du guide construction, promotion et infrastructures 2021 de Décideurs.