Herrmann Frères & Fils Immeubles a animé le marché immobilier en 2020 avec, entre autres, les cessions du 11 boulevard de Magenta, du 96 rue de Turenne et du 102 rue de Charonne à Paris. Thierry Herrmann, son directeur général, rappelle l’ADN du groupe, partage ses convictions et expose sa stratégie. Rencontre.

Décideurs. Que représente Hermann Frères & Fils Immeubles aujourd’hui ?

Thierry Herrmann. C’est une société familiale qui a été créée par mon grand-père et mon grand-oncle, Oscar et Charles Herrmann, en 1946. J’ai pris la suite de mon père Claude Herrmann en 2010. Notre activité se répartit à 50-50 entre des investissements patrimoniaux et des acquisitions à valeur ajoutée faisant l’objet de cessions après revalorisation au bout de 4 à 5 ans. Nous réalisons 40 % de notre chiffre d’affaires dans le résidentiel, 40 % dans les bureaux et 20 % dans les entrepôts et les commerces. Nous travaillons principalement en Île-de-France et dans l’Est de la France. Notre siège est basé à Strasbourg et nous disposons d’un bureau à Paris qui vient d’être déménagé au 58 rue de Prony, sachant que nous réalisons trois quarts de notre chiffre d’affaires dans la région capitale. Nous intervenons également de temps en temps à Lyon et sur la Côte d’Azur. Nous avons récemment créé un véhicule d’investissement au Luxembourg avec l’ouverture d’un bureau en 2022, suite à l’acquisition d’un premier immeuble de bureaux en mars 2020. Nous devrions conclure un deuxième investissement dans ce pays d’ici l’été. Nous nous concentrons sur des biens situés en centre-ville. Hermann Frères & Fils Immeubles gère à ce jour 500 M€ d’actifs en direct et en indirect.

Quand avez-vous été piqué par la passion de l’immobilier ?

A l’âge de six ans, mon grand-père venait me chercher à la sortie de l’école et m’emmenait voir des terrains pour m’expliquer ce qu’il allait en faire. Pendant les vacances, je l’accompagnais au bureau de poste le plus proche : il y passait des coups de téléphone pour mener ses négociations immobilières, les portables n’existant pas à l’époque. J’ai donc attrapé le virus de la pierre très jeune. Et j’ai continué à apprendre aux côtés de mon père qui était également passionné par ses affaires. J’ai néanmoins eu envie de prouver que je pouvais réussir par moi-même. J’ai donc fait les meilleures formations possibles, un master en droit immobilier à l’Université Panthéon Sorbonne et un autre en management immobilier à l’Essec, et commencé ma carrière en travaillant chez Unibail-Rodamco, et Générale Continentale Investissements. Paul Raingold m’a appris tout ce que mon grand-père et mon père ne m’avaient pas enseigné, je lui dois énormément.

"Nous avons lancé la vente du 102 rue de Charonne à Paris 11e lors du déconfinement. Nous avons reçu une trentaine d’offres et avons retenu celle de Covea."

Quels premiers enseignements tirez-vous des derniers mois que nous venons de vivre ?

Les marchés immobiliers sur lesquels nous intervenons n’ont pas été tellement impactés. Les prix se maintiennent dans le résidentiel et nous avons réussi à céder en bloc comme prévu nos actifs avant le déclenchement de la crise sanitaire. Les biens dont la valeur oscille entre 0 et 2 M€ et ceux estimés à plus de 4 M€ sont toujours recherchés par les acquéreurs. En tertiaire, nous avons arbitré le 11 boulevard de Magenta à Paris 10e et le 96 rue de Turenne à Paris 3e avant le confinement. Puis, après consultation du marché, nous avons lancé la vente du 102 rue de Charonne à Paris 11e lors du déconfinement. Nous avons reçu une trentaine d’offres et avons retenu celle de Covea. Les immeubles bien placés à Paris, Lyon ou Strasbourg, avec un bon état locatif, continuent à se vendre au même niveau de valeur que début 2020. Ce sont les actifs éloignés des centres-villes qui subiront à moyen terme un réajustement de leur valorisation. Nous notons par ailleurs une décorrélation entre les marchés locatif et de l’investissement. Certains de nos programmes en cours de commercialisation reçoivent moins de visites. Mais, compte tenu du faible niveau d’offres et du taux de vacance très bas à Paris, nous ne sommes pas inquiets. Il y aura peut-être un recul des loyers. Néanmoins, même en cas de baisse de l’ordre de 15 à 20 %, cela ne bouleversera pas le marché de l’investissement.

Dans quelle mesure la crise sanitaire et les confinements ont impacté votre activité locative ?

Nous avons toujours privilégié des emplacements premium avec une station de métro à moins de 500 mètres des actifs ciblés à Paris et dans des quartiers centraux à Strasbourg et Lyon. Ces zones ne souffrent pas. Quand nous avons des libérations, nous arrivons à relouer les surfaces mais un peu plus difficilement, avec des mesures d’accompagnement permettant de maintenir les valeurs locatives. Les marques d’intérêt des utilisateurs sont moins nombreuses mais plus qualifiées et certains secteurs d’activités comme les écoles ou le parapublic ont encore des besoins immobiliers. Nous venons par exemple de signer une transaction avec le rectorat d’Alsace à Strasbourg. Bien sûr, nous avons souffert sur la partie commerce de notre patrimoine. Nous accompagnons nos locataires dans cette période difficile et nous redoutons un nouveau confinement qui empêcherait le paiement des loyers. Nous sommes néanmoins confiants pour l’avenir car nos locaux sont situés dans des zones de chalandise fréquentées par les touristes. Quand ces derniers pourront revenir, la consommation repartira et nos commerces montreront leur résilience. Quant aux entrepôts, nous en acquerrons de plus en plus depuis 5 ans. Nous allons lancer cette année deux à trois opérations totalisant 50 000 m² en périphérie de Strasbourg et Paris. Nous sommes encore sous compromis mais nous avons déjà quasiment précommercialisés ces sites à des locataires premium.

"Les opérations immobilières nécessitent plus de travail mais nous ne constatons pas de mouvement de panique"

Comment votre stratégie évolue-t-elle au regard du contexte ?

Outre nos investissements dans la logistique, nous nous recentrons sur le résidentiel. Nous avons un permis de construire pour une opération de 50 logements à Issy-les-Moulineaux, nous venons d’acquérir un immeuble de 15 appartements à Clichy avec Hémisphère, nous avons signé un autre bâtiment dans la zone des Batignolles que nous allons rénover en logements… Cette politique est également valable à Strasbourg. En 2020, nous y avons réalisé 150 lots en promotion et en co-promotion. Concernant le bureau, nous serons plus attentistes sur les opérations value-added. Nous continuerons néanmoins à investir cette classe d’actifs en signant des immeubles bien placés et sécurisés. Nous allons d’ailleurs conclure quelques acquisitions en province et dans le quartier de la Bourse à Paris dans les prochaines semaines. Nous avons aussi lancé les travaux de notre opération Galilée Vernet de 5 000 m² en association avec la Financière Saint James à Paris 8e. Cet immeuble neuf situé à 100 mètres des Champs-Elysées serait livré en 2022.

Quid du financement ?

Nous avons des partenariats historiques avec des banques qui continuent à financer nos opérations core / core +. Nous devons toutefois mettre plus de fonds propres qu’auparavant et les négociations sont un peu plus longues car ces établissements ont besoin d’être rassurés. Les opérations spéculatives sont quant à elles très compliquées à financer et nécessitent des garanties importantes. En définitif, les opérations immobilières nécessitent plus de travail mais nous ne constatons pas de mouvement de panique.

"Nous avons actuellement 100 M€ sous promesses"

Quelles sont les ambitions d’Hermann Frères & Fils Immeubles à moyen terme ?

Nous ne prendrons pas de risques majeurs et privilégierons les immeubles de grande qualité déjà loués à des locataires prestigieux ou pouvant répondre à leurs demandes. Nous allons poursuivre notre développement à Paris et chercher à conforter notre part de marché à Strasbourg. Nous avons actuellement 100 M€ sous promesses.

Vous êtes également membre du conseil d’administration du Racing Club de Strasbourg, club de football qui vient de sélectionner le cabinet Populous pour la restructuration et la rénovation du stade de la Meinau. Quels sont les aspects qui ont conduit au choix de ce projet ?  

Le stade de la Meinau est un des rares en France à accueillir des familles. Nous voulons conserver cet aspect convivial. En parallèle, nous devons rénover l’équipement pour le remettre aux normes et augmenter sa capacité d’accueil avec un souci de rentabilité. Dernier point, il doit présenter une grande qualité architecturale pour renforcer le rayonnement et l’attractivité de la ville de Strasbourg. Ces différents critères ont conduit à a sélection du projet du cabinet Populous. En parallèle, nous avons acquis des terrains à proximité du stade auprès des collectivités. Sur une partie de ce foncier, nous sommes en train de construire un nouveau centre d’entraînement pour les professionnels et pour attirer les jeunes joueurs à Strasbourg. Il est en cours de livraison.

Propos recueillis par François Perrigault

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