Anne-Sophie Grave a officiellement succédé à André Yché à la présidence du directoire de CDC Habitat le 16 décembre dernier. Elle dresse le bilan 2020 de la filiale immobilière de la Caisse des Dépôts et dévoile les grandes lignes de sa feuille de route pour les mois à venir.

Décideurs. Quel a été l’impact du Covid-19 et des confinements sur l’activité de CDC Habitat en 2020 ?

Anne-Sophie Grave. Lors du premier confinement, nous nous sommes rapidement organisés pour délivrer les services aux locataires et poursuivre l’activité en télétravail. En parallèle, des mesures ont été prises pour suspendre les loyers des commerces qui avaient été fermés. Enfin, CDC Habitat a lancé dès la fin du mois de mars un appel à projets pour acquérir en VEFA 40 000 logements neufs et le groupe a mis en place une campagne d’accompagnement à destination de ses locataires les plus fragiles. Par la suite, nos chantiers ont repris progressivement dans le respect des préconisations sanitaires, tout comme la commercialisation de nos logements. Le deuxième confinement a été très différent. Notre activité a en effet gardé un cours plus normal. Notre filiale Adoma dédiée au logement accompagné et à l’hébergement d’urgence a néanmoins été particulièrement sollicitée tout au long de l’année 2020 pour venir en aide aux personnes en situation de grande précarité. 

Au final, nous observons une légère tension sur le paiement des loyers mais pas d’effondrement. Le taux de vacance de notre parc a retrouvé un niveau similaire à celui observé avant le mois de mars, tout comme le taux de rotation. Concernant les locaux à usage commercial détenus par notre groupe, nous avons consenti 1,2 M€ d’efforts. Dans ces conditions, notre chiffre d’affaires est en ligne avec nos prévisions avec un décalage de 2 à 3 mois occasionné par le retard des livraisons, et le parc géré représente environ 520 000 logement à fin 2020.

Où en est l’appel à projets visant à acquérir 40 000 logements neufs en VEFA ?

Il correspond à environ deux ans de production moyenne pour CDC Habitat. Nous avons reçu près de 100 000 propositions et avons identifié les 40 000 logements cibles. Les opérations associées sont à des stades d’avancement différents, certaines étant déjà en chantiers, d’autres en cours de précommercialisation et des programmes n’ayant pas encore obtenu leurs permis de construire. De nombreux actes ont été signés fin 2020 et cela continuera en 2021. L’appel à projets représente un investissement total de 8,3 Mds€. Il permettra de produire 20 000 logements locatifs abordables, 10 000 logements locatifs intermédiaires et 5 000 logements sociaux en métropole, ainsi que 6 000 logements sociaux en Outre-mer. Près de 55 % de ces programmes sont situés en zone A – A bis et 45 % en zone B1. Nous travaillons avec une centaine de promoteurs parmi lesquels figurent des majors nationaux mais également des acteurs régionaux et locaux. Ces 40 000 VEFA en bloc nous ouvrent ainsi des perspectives pour poursuivre notre dynamique de production dans les années à venir. Nous connaitrons un pic de livraison entre 2022 et 2024 qui fera passer notre moyenne de production annuelle de 20 000 à 30 000 logements.

"Je souhaite renforcer l’innovation au sein du groupe"

La rénovation énergétique a été identifiée par Emmanuel Macron comme un axe structurant de la relance économique. Comment CDC Habitat participe à ce mouvement ?

C’est un axe très important de notre action. La consommation énergétique de notre parc a été réduite de 34 % en l’espace de douze années. Seulement 2 % du patrimoine de CDC Habitat et CDC Habitat Social est classé F et G au diagnostic de performance énergétique. D’ici à 2025, notre objectif est de ne plus avoir aucun logement dans ces catégories. Par ailleurs, notre consommation moyenne en énergie primaire est estimée aujourd’hui à 150 kWh par mètre carré et par an. Elle doit atteindre 80 kWH à horizon 2050. En parallèle de cette action sur notre patrimoine, nous allons accompagner des bailleurs sociaux dans la rénovation énergétique de leur parc. Nous avons en effet noué de nombreux partenariats ces derniers mois qui permettront aux organismes de mener à bien cette politique. CDC Habitat passe ainsi d’un modèle d’acteur intégré à celui d’entreprise en réseau, ce qui constitue une profonde mutation au niveau culturel et en termes d’organisation.

Autre initiative, nous avons lancé une foncière avec le groupe MNH/nehs et des acteurs institutionnels français pour financer la rénovation du parc immobilier du secteur médicosocial et renforcer l’attractivité des établissements hospitaliers pour les patients et les personnels. Nous avions déjà des équipes de spécialistes en charge d’un patrimoine de près de 300 établissements en France. Nous les avons regroupées en 2020 pour constituer une nouvelle ligne de métier. La foncière a un objectif d’investissement de 400 M€ sur 5 ans pour acquérir de nouveaux actifs et restructurer la filière. Enfin, nous sommes en train d’adapter notre stratégie environnementale pour être en phase avec les nouvelles réglementations, à commencer par la RE 2020. Nous disposons déjà d’un outil d’analyse du cycle de vie des bâtiments, il sera actualisé cette année. Et nous allons cartographier l’ensemble de notre patrimoine pour connaître son positionnement par rapport aux conditions climatiques puis agir.

Quelles sont les autres grandes lignes de votre feuille de route pour les mois et années à venir ?

Le plan de relance va continuer à nous mobiliser fortement dans les mois à venir. En parallèle, nous allons faire vivre les partenariats signés avec les organismes de logements sociaux, dans le cadre du réseau CDC Habitat Partenaires, en proposant des services sur-mesure en fonction des spécificités de chacun. Je souhaite également renforcer l’innovation au sein du groupe, que ce soit au niveau de la stratégie bas-carbone mais aussi de l’économie circulaire, des usages du logement, de l’offre de services proposée dans notre parc, des bâtiments connectés… Je crois beaucoup à l’expérimentation. Enfin, mon ambition est de donner plus de visibilité à notre positionnement unique d’opérateur global de l’habitat à vocation d’intérêt général en présentant l’ensemble de notre palette de solutions aux collectivités. 

"Nous étudions actuellement le lancement d’un nouveau véhicule dont la structuration pourrait être différente des fonds de logement intermédiaire 1 et 2"

Le monde HLM ne crée pas assez de logements selon Emmanuelle Cosse, la nouvelle présidente de l’Union sociale pour l’habitat. Dans quelle mesure CDC Habitat pourrait contribuer à inverser la tendance ?

CDC Habitat social gère un patrimoine de 193 000 logements sociaux sur l'ensemble du territoire métropolitain et nous avons l’intention d’augmenter notre production. Cet effort sera également valable en Outre-mer où nous allons doubler le trend en 2021. Autre levier, lorsque nous sécurisons des opérations en acquérant des logements locatifs abordables et intermédiaires, nous permettons la construction de logements sociaux par ricochet. L’impact au niveau national n’est pas négligeable. Enfin, nous contribuerons à amplifier la construction de logements sociaux en apportant un soutien financier aux organismes qui font partie de notre réseau de partenaires.  

CDC Habitat a contribué à faire revenir les investisseurs institutionnels dans le secteur résidentiel. Ces derniers montrant un appétit de plus en plus marqué pour cette classe d’actifs, quelle sera votre stratégie à leur égard ?

Nous avons pu lancer notre appel à projets destinés à réaliser 40 000 VEFA de logements neufs en partie grâce aux fonds levés auprès de ces acteurs. Nous étudions actuellement le lancement d’un nouveau véhicule dont la structuration pourrait être différente des fonds de logement intermédiaire 1 et 2.

Quelle sont vos convictions concernant la structuration du tissu métropolitain et comment comptez-vous les concrétiser ?

Les dernières élections municipales et la crise sanitaire ont un impact certain sur la structuration du tissu métropolitain. Nous observons des réflexions nouvelles sur le logement et l’habitat au niveau des agglomérations françaises, tous bords politiques confondus. Elles rejoignent nos propres analyses sur les quartiers de demain en termes de services, de nature en ville… Nous allons les intégrer rapidement à nos projets. Par ailleurs, nous allons nous positionner de plus en plus en amont sur l’élaboration des projets. Cela devrait nous permettre de sécuriser la production de logements en 2022-2023 car nous allons être confrontés à un problème d’offre lié à la baisse importante d’autorisations d’urbanisme délivrées. Enfin, CDC Habitat fait partie des deux groupements retenus pour la réalisation du Village olympique. Les programmes développés constitueront une vitrine internationale de la vision française concernant la ville à horizon 2030.

Propos recueillis par François Perrigault

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