L’ordonnance du 19 avril 2017 sur la propriété des personnes publiques n’a pas traité du transfert d’un titre d’occupation du domaine public. S’il ne fait aucun doute que ce transfert ne peut être réalisé sans formalité, la procédure doit cependant permettre de concilier la cessibilité des droits réels et l’organisation d’une véritable sélection. Explications de Christine Le-Bihan-Graf, avocate associée au cabinet de Pardieu Brocas Maffei.

L’ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques a introduit, sous l’influence du droit européen, l’obligation pour les personnes publiques de mettre en oeuvre une procédure de sélection préalable présentant toutes les garanties d’impartialité et de transparence afin de choisir le titulaire d’une convention d’occupation du domaine public (COT). Cette procédure, qui doit comporter des mesures de publicité permettant aux candidats potentiels de se manifester, n’est toutefois obligatoire que pour les occupations du domaine dédiées à une activité économique. L’ordonnance du 19 avril 2017 est cependant restée silencieuse sur les conséquences de cette nouvelle obligation de sélection préalable en cas de transfert d’une COT. Les praticiens se sont donc demandé si une telle procédure était obligatoire s’agissant d’un transfert du titre et, dans l’affirmative, quelle procédure devait être mise en oeuvre.

1. L’obligation de mettre en oeuvre une procédure de sélection préalable pour choisir le cessionnaire de la COT.

Le « transfert » d’un titre d’occupation du domaine public désigne un changement de personne morale de l’occupant du domaine. Ainsi, alors que la COT a été initialement délivrée à une personne morale X (le cédant), le titre de la COT est transféré à une personne morale Y (le cessionnaire). Cette cession de contrat, s’agissant des COT, s’accompagne d’une cession des droits réels qui y sont bien souvent attachés. Préalablement à l’ordonnance du 19 avril 2017, l’article L. 2122-7 du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P) et la jurisprudence du Conseil d’État Prest’air reconnaissaient la légalité du transfert d’une COT sans procédure de mise en concurrence et sous la seule réserve d’obtenir l’agrément préalable de la personne publique. L’objet de cet agrément était de s’assurer des capacités techniques et financières de l’occupant. Si l’ordonnance du 19 avril 2017 est venue imposer une procédure de sélection de l’occupant du domaine, elle est restée imprécise sur le sujet du transfert du titre. Le texte se contente, en effet, d’ajouter à l’article L. 2122-7 du CG3P que de « de tels transferts ne peuvent intervenir lorsque le respect des obligations de publicité et de sélection préalables à la délivrance d’un titre s’y oppose ». Cette mention, très ambiguë, n’a pas pour effet de s’opposer à tout transfert de titre, car cela méconnaitrait le principe de la cessibilité des droits réels. Elle interdit, en revanche, des transferts qui seraient réalisés sur le fondement du seul agrément de la personne publique lorsqu’une procédure de sélection préalable est obligatoire, c’est-à-dire pour les COT dédiées à une activité économique. En effet, l’absence de procédure de sélection pour le transfert de la COT viendrait vider de sa substance la procédure de sélection initiale car, dans ce cas, il serait possible pour le premier titulaire de céder sans aucune contrainte à un tiers sa COT, alors même que ce tiers n’aurait pas été retenu à l’issue de la procédure de sélection initiale. Cela constituerait un véritable détournement de procédure. La procédure de transfert des COT doit donc faire l’objet d’une procédure de sélection préalable. Pour autant, ni la réglementation ni la jurisprudence ne se sont encore prononcées sur les modalités d’une telle procédure, ce qui n’est pas sans poser de difficultés aux praticiens.

« Cette procédure, qui doit comporter des mesures de publicité permettant aux candidats potentiels de se manifester, n’est obligatoire que pour les occupations du domaine dédiées à une activité économique »

2. Les modalités du transfert doivent concilier la nécessité d’organiser une véritable sélection avec le principe de cessibilité des droits réels.

En l’absence d’indication sur le contenu de la procédure, cette dernière doit nécessairement être construite en se fondant sur les grands principes du droit de la domanialité publique. Toute la difficulté réside dans la nécessité de concilier deux grands principes de ce droit que sont la nouvelle obligation de sélection de l’occupant du domaine et la libre cessibilité des droits réels par le titulaire d’une COT. Dans cette perspective, la procédure retenue pourrait être la suivante : - le titulaire manifeste auprès de la personne publique sa volonté de céder la COT à un tiers ; - la personne publique publie un avis de publicité dans lequel il laisse un délai suffisant à d’autres tiers pour présenter, le cas échéant, une manifestation d’intérêt concurrente de celle du tiers qui a été présenté à la personne publique par le cédant ; - en l’absence de manifestation d’intérêt concurrente, la personne publique procède à l’examen de la demande d’agrément du tiers présenté par le cédant ; - en cas de délivrance de l’agrément au tiers proposé par le cédant, l’avenant tripartite de transfert peut être conclu entre la personne publique, le cédant et le cessionnaire agrée. En cas de manifestation d’intérêt concurrente, la personne publique sera, en revanche, tenue d’organiser une procédure de sélection préalable, qui devrait être formalisée dans un règlement de consultation précisant ses modalités. La personne publique devra écarter les candidatures ne répondant pas aux critères techniques et financiers qu’elle a établis. La liste des candidats retenus sera remise au cédant. Dans un second temps, le cédant négociera avec ces candidats sur les conditions de la cession, notamment financières. Il communiquera ainsi à la personne publique l’identité des candidats avec lesquels il aura trouvé un accord. Enfin, la personne publique choisira, parmi ceux avec lesquels le cédant a trouvé un accord, le candidat présentant les garanties techniques et financières les plus solides. Cette procédure présente l’avantage de respecter les prérogatives respectives de la personne publique (agrément et sélection des candidats sur le fondement des capacités techniques et financières) et du cédant (liberté de cessibilité, y compris sur les conditions de la cession), tout en permettant à des tiers de se manifester.

Christine Le Bihan-Graf, avocate associée, De Pardieu Brocas Maffei

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