Arrivé récemment chez EDF Renouvelables pour prendre en charge la construction du parc éolien offshore de Fécamp, Willy Gauttier nous explique les raisons de son passage vers le monde du renouvelable et les spécificités de cette industrie.

Décideurs. Venant de l’oil&gas, quelles compétences avez-vous pu apporter au monde du renouvelable ?

Willy Gauttier. Je suis arrivé chez EDF Renouvelables dans le rôle de directeur de la construction sur un projet lancé en phase d’exécution : ce poste n’existe pas tout à fait sur les projets O&G, c’est plus ou moins l’équivalent d’un directeur de projet dans ma précédente entreprise mais sans les aspects de permitting, de relations avec les autorités et de financement de projet. Ce que j’ai pu constater dans le poste managérial que j’occupe aujourd’hui est finalement très similaire à mes précédents postes. Les aspects de leadership, de management, sont parfaitement transposables. Ce qui va changer, c’est principalement l’aspect culturel : beaucoup de gens passent d’une industrie à l’autre par conviction, par motivation. À titre personnel, j’y pensais depuis plusieurs années car je souhaitais contribuer à la transition énergétique et mettre enfin mes actes en adéquation avec mes valeurs.

Quelles sont les spécificités de l’industrie renouvelable ?

Lorsque je suis arrivé chez EDF sur le projet de Fécamp, j’ai d’abord découvert l’importance de la phase de développement, de permitting et l’étendue des négociations avec les différentes autorités, mais également avec le tissu local. C’est une phase longue et assez laborieuse, qui comprend en particulier beaucoup d’études environnementales et de nombreuses étapes de concertation. En phase d’exécution, une petite équipe de quatre à six personnes est dédiée à ces aspects, comprenant un gros travail amont de concertation pour travailler sur l’acceptabilité du projet afin d’obtenir les différents feux verts, y compris avec les populations. Un autre important point de rupture se situe au niveau du coût et des moyens associés : nos projets sont financés par les banques, ce qui est rarement le cas dans le pétrolier, et par conséquent les marges de manœuvre financière sont plus restreintes. Le passage de l’oil&gas vers le renouvelable doit impérativement s’accompagner d’un changement de mentalité en matière de coûts : on est davantage sur des aspects grande série, d’industrialisation et d’optimisation économique. C’est pour moi l’effort le plus dur à faire quand on passe d’un domaine à  l’autre.

La complexité est-elle équivalente ?

En toute honnêteté, je trouve qu’un projet de développement renouvelable est un peu moins complexe que dans le domaine de l’oil&gas. On retrouve évidemment un challenge similaire au niveau des problématiques de sol pour les activités en mer ainsi qu’un fort besoin d’expertise électrique. En revanche, le reste du développement est un peu plus simple : la technologie, la complexité restent d’un niveau moindre même s’il y a une tendance forte vers une augmentation significative de la puissance unitaire des éoliennes.

Qu’en est-il de la sécurité ?

L’industrie oil&gas a compris déjà depuis de nombreuses années, notamment à travers différentes catastrophes, la nécessité d’être exemplaire du point de vue de la sécurité. Le monde du renouvelable l’a également assimilé, mais toute la filière, notamment du côté des sous-traitants, ne s’est pas encore mise au niveau. Il y a un travail important à réaliser là-dessus, et les profils issus de l’industrie pétrolière auront beaucoup à apporter pour transposer toutes les bonnes pratiques et créer cette culture HSE qui sera indispensable à l’essor de cette industrie.

L’importance de l’ancrage local est-elle la même ?

Ces grands projets ont une dimension politique et sociale incontournable, et leur acceptabilité passe aussi par la création d’emplois. Il existe une forte thématique de contenu local : on encourage beaucoup le recours aux entreprises locales, l’interface avec des écoles, on tente de promouvoir des filières de formation : c’est quelque chose que l’on connaît bien dans l’oil&gas. Des profils en contact avec ces démarches vont pouvoir jouer un rôle chez nous. 

Un frémissement de la filière française d’éolienne offshore se fait sentir

Verra-t-on émerger une filière éolienne française ?

Un frémissement de la filière française d’éolienne offshore se fait sentir, et les pouvoirs publics vont mettre la pression dessus notamment dans le cadre du plan de relance économique annoncé par le gouvernement. Nous manquons toujours cruellement d’installateurs français de premier plan mais l’éolien flottant devrait permettre de créer de nouvelles opportunités car les moyens maritimes à engager seront plus modestes. Il existe un moyen de développer davantage une filière française, en particulier grâce à tous les projets à venir. Mais il faudra également raccourcir les temps de développement en limitant les possibilités de recours. Il faut également travailler main dans la main avec les fabricants d’éoliennes pour optimiser les coûts tout en gagnant en puissance.

Propos recueillis par Boris Beltran

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