Les menaces écologiques sont légions et différentes d’un territoire à l’autre. Pour y voir plus clair, l’Institute of Economics and Peace (IEP) a produit l’Ecological threat register (ETR). Ce dernier évalue l’exposition de 157 États aux menaces écologiques et réalise des projections pour 2050. Analyse.

« Les menaces écologiques et le changement climatique posent de sérieux défis à la paix mondiale. Au cours des trente prochaines années, le manque d'accès à la nourriture et à l'eau ne fera qu'augmenter sans une coopération mondiale urgente. En l'absence d'action, les troubles civils, les émeutes et les conflits vont très probablement s'intensifier. Le Covid-19 met déjà en évidence des lacunes dans la chaîne alimentaire mondiale ». La mise en garde est signée Steve Killelea, fondateur de l’Institute for Economics and Peace. Son organisme vient de publier un registre faisant figure de véritable électrochoc, pour sensibiliser  à l’aspect global du changement climatique et aux effets en  « cascade » qui en découlent. De fait, les impacts du  changement climatique  arboreront de multiples visages : stress hydrique, cyclones, flux migratoires, guerres civiles, inondations. Si personne n’est à l’abri, toute le monde n’est pas pour autant logé à la même enseigne.

Les zones à risque 

À l’évidence, la vulnérabilité des États  n’est pas homogène. Il ressort de l’analyse que les pays cumulant le plus de menaces climatiques sont parmi les 40 pays les moins pacifiques au monde, parmi lesquels l’Afghanistan, la Syrie ou encore l’Irak. Plus généralement, l’IEP identifie trois régions au sein  desquelles les risques d’effondrements écologiques sont bien réels. La ceinture africaine de la corne sahélienne s’étendant de la Mauritanie à la Somalie, la ceinture sud-africaine de l’Angola à Madagascar et la ceinture d’Asie centrale et du sud-est de la Syrie au Pakistan, constituent des zones considérées comme particulièrement à risque. Le document parle d’un milliard de réfugiés potentiels en 2050, vivant actuellement dans des pays à la résilience insuffisante pour faire face aux défis climatiques. 

Plus généralement, le registre rappelle que, s’il existe des zones plus à risque que d’autres, ou en tout cas plus exposées aux conséquences du changement climatique, aucun pays ne serait immunisé contre les risques qui en découlent. Les pays développés, souvent plus résilients, devront, en cas de catastrophes climatiques faire face à des flux migratoires d’ampleur inédite, provenant des pays n’ayant pas su faire face aux menaces. Les auteurs constatent que la migration forcée de deux millions de réfugiés irakiens et syriens à partir de 2015 a rapidement déstabilisé en profondeur le bloc européen. 

Insécurité alimentaire et stress hydrique : des besoins élémentaires menacés

Les prochaines années présenteront un défi de taille pour les chaînes d’approvisionnement alimentaires et risquent de perturber en profondeur le cycle de l’eau. Selon le document, la demande alimentaire risque d’augmenter de 50 % d’ici 2050, de par la forte pression démographique prévue. Alors que plus de 2 milliards de personnes sont aujourd’hui dans l’incapacité de se procurer suffisamment de nourriture pour répondre à leurs besoins nutritionnels, le chiffre pourrait exploser et atteindre les 3,5 milliards d’individus en 2050. Le registre identifie la Sierra Leone, le Liberia, le Niger, le Malawi et le Lesotho comme les principaux foyers de malnutrition actuels et anticipe une situation destinée à empirer. 

La même dynamique est malheureusement pressentie pour l’accès à l’eau. Cette dernière décennie, les conflits liés à l’eau ont augmenté de 270 % et le stress hydrique touche actuellement 2,6 milliards de personnes dans le monde. L’accès difficile à l’eau pourrait concerner plus du double de personnes en 2040 et frapper très durement le Liban, Singapour, Israël et l’Irak. Ainsi, les graves pénuries d’eau- c’est à dire lorsque 40 % de l’eau disponible est consommée -, pourraient devenir le quotidien, un mois par an, de 4 milliards de personnes. 

L’insécurité alimentaire et le stress hydrique sont à la fois la résultante et l’amplification d’une  autre dynamique : celle de la croissance démographique. Une situation déjà critique en 2020 avec 7,8 milliards d’individus à sa surface qui risque fortement de l’être sensiblement plus en 2050 avec 10 milliards d’êtres humains. Néanmoins, cette augmentation de la population ne sera pas homogène et se concentrera en grande partie sur le continent africain, augmentant encore la pression subie par les écosystèmes, alors que les pays développés verront leur population diminuer. 

Catastrophes naturelles, dans l’œil de la tempête 

Selon l’IEP, le changement climatique risque d’altérer dramatiquement la fréquence d'occurrence des catastrophes naturelles liées aux phénomènes météorologiques comme les sécheresses ou les moussons de plus en plus importantes. L’Asie du Sud- Est qui constitue la partie du monde ayant connu le plus de morts suite à des désastres naturels, 581 000 depuis 1990,  pourrait voir ce chiffre encore augmenter. Une menace inédite pèse également sur certains territoires : la montée des eaux. ETR répertorie 19 pays directement exposés, bien que la majorité des territoires puissent être affectés. La Chine, le Bangladesh, l’Inde, l’Indonésie sont, d’après l’ETR, quelques-uns des États en première ligne, face à la montée implacable des eaux. 

Pour répondre à tous ces vecteurs de chaos, des aides internationales sont déployées à tous les coins du globe. Si leur montant a, selon l’étude, été multiplié par 34 entre 2000 et 2018, passant d’1 milliard de dollars  au début de la période à 34 milliards de dollars en 2018, la somme totale est encore très loin des montants nécessaires pour enrayer ces phénomènes climatiques dévastateurs. Pourtant urgence est là : d’ici à 2050, 142 pays connaîtront au moins une menace écologique, et seulement 16 « ne font face à aucune menace ».

Par Thomas Gutperle

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