Alors candidate à la mairie de Paris, Anne Hidalgo s’est engagée à planter 170 000 arbres en six ans sur les 105 km carrés que couvrent la capitale. Solution de facilité pour certains, nécessité pour d’autres, un grand nombre de villes autour du globe semble évoluer vers un verdissement prononcé, pour lutter contre le changement climatique. Décryptage.

L’aménagement et l’intégration des espaces végétaux à la ville est un défi de tous les instants. Après avoir redoublé d’efforts et d’ingéniosité pour bâtir un environnement à son image, elle doit à présent, face aux enjeux climatiques, faire preuve une nouvelle fois de ténacité et de pragmatisme pour sculpter son espace, avec cette fois pour modèle la nature. Pour accomplir cette tâche, agrandir les couverts végétaux des grandes agglomérations semble plus que nécessaire. D’autant plus qu’à travers le globe, les grandes métropoles multiplient les plans de verdissement, avec plus ou moins de succès.

Verdir la ville de demain pour se prémunir contre les désastres

Limiter la création d’îlots de chaleur urbains (des zones urbanisées caractérisées par des températures estivales plus élevées que l’environnement immédiat avec des différences qui varient, selon les auteurs, de 5 à 10 °C) est un enjeu crucial de l’urbanisme et de l’aménagement de la ville en général. Coup de chance, les arbres excellent dans ce domaine : ils agissent comme des « climatiseurs passifs », dans la mesure où ils consomment de la chaleur et rejettent de la vapeur d’eau. Ce phénomène a été particulièrement bien observé lors de la canicule de 2003, avec des écarts de température de l’ordre de 4 °C entre les arrondissements parisiens. Le vice-président chargé de l’environnement à la Métropole du Grand Paris, Daniel Breuiller, signale que « la métropole de demain sera verte ou invivable. […] Sur cette population de 7 millions d’habitants répartis dans 131 communes, 4,5 millions vivent aujourd’hui dans des îlots de chaleur urbains, c’est-à-dire des lieux où, l’été, la température ne baisse pas assez la nuit » . Le verdissement des villes diminue d’autre part la surface minéralisée, c’est-à-dire celle couverte de béton ou d’asphalte. Verdir une agglomération, c’est également la rendre plus perméable aux précipitations, et réduire du même coup les risques d’inondations, en permettant à l’eau de s’évacuer.

S’ils limitent la fréquence d’occurrence de certaines catastrophes, et adoucissent le quotidien des citadins, les espaces végétaux n’ont pas qu’un rôle protecteur. « Les arbres ne peuvent pas, et ne doivent pas, se substituer à d’autres stratégies d’assainissement atmosphérique, mais ils sont un puissant moyen de purifier et refroidir l’air, qui peut y être associé », renseigne l’ONG américaine Nature Conservancy. Toujours selon la même organisation, « un arbre est capable d'éliminer jusqu'à un quart de la pollution par les particules dans un rayon d'une centaine de mètres » . Les végétaux sont donc des outils de choix pour le contrôle des émissions de particules fines selon Robert McDonald, chercheur en chef pour les métropoles mondiales chez Nature Conservancy. D’autres bienfaits indirects sont également à attribuer à la présence d’arbres dans la ville, comme l’augmentation de la valeur des propriétés qui est fortement corrélée à la présence d’écrins de verdure. Les arbres contribuent, par ailleurs, à l’isolation acoustique, en fournissant un couvert face aux nuisances sonores.

Comment intégrer les arbres à la ville ? 

Pour maximiser l’efficacité d’un espace végétalisé, il convient de l’intégrer correctement dans la ville. Selon l’étude sectorielle du Centre d'intelligence économique au service de l'alliance pour l'environnement (CVT AllEnvi) « Ville & nouvelles fonctions du végétal », l’aménagement végétalisé se doit d’être multifonctionnel. Il devra être respectueux de la biodiversité, tout en remplissant des fonctions de régulation, comme l’absorption de CO2 ou la perméabilisation des sols, et assurer dans le même temps une « esthétique paysagère ». Les espaces végétalisés doivent impérativement être suivis, pour s’assurer qu’ils remplissent leur rôle de service écosystémique sur la durée. Pour ce faire, des outils ont été développés, parmi lesquels le Mésange (Method for ecosystem services assessment and nature general evaluation), mis au point par la société Safege. Il est « un outil qualitatif d’évaluation des services écosystémique » selon l’étude. Enfin, l’espace se doit d’être fonctionnel. Inscrit judicieusement dans la ville, il répondra mieux aux attentes des usagers. « À toujours vouloir quantifier les impacts écologiques, attention à ne pas perdre de vue la mesure de l’impact sur les usagers » ”met en garde le document.

Augmenter l’indice de canopée d’une ville, c’est-à-dire la superficie de son couvert arborescent, est un moyen efficace de lutter contre les îlots de chaleur urbains. Les plans de canopée s’appuient directement sur cet indice et ont souvent pour objectif de faire grimper le ratio superficie du couvert arborescent sur la superficie totale de l’agglomération. De fait, les plans canopées ont des objectifs simples à comprendre et facilement quantifiables. Dès lors, des outils comme le green view index, un outil d’évaluation globale du couvert ligneux urbain mis au point par des chercheurs du MIT, peuvent être utilisés pour attester de l’évolution de l’indice de canopée. La ville de Lyon souhaite par exemple faire passer cet indice de 27 % à 30 % d’ici 2030. Du côté du Nouveau monde, la ville de Montréal a annoncé en 2012 vouloir faire évoluer ce même indice de 20 % à 25 %, ce qui implique la plantation de 300 000 arbres d’ici 2025, et New York a lancé en 2007 un plan « Million Trees NYC », visant à planter 1 million d’arbres en dix ans, atteint en 2015, soit deux ans avant l’échéance originale.

L’argent ne pousse pas sur les arbres

Trees & Design Action Group, un forum collaboratif britannique, suggère dans « Arbres en milieu urbain, guide de mise en œuvre » d’intégrer la protection et la plantation d’arbres aux grands projets de voirie financées par le budget d’investissement de la ville. En cas de fonds insuffisants, il est possible de ne financer que les fosses de plantation et  « l’aménagement des surfaces jusqu’à la limite des pieds d’arbres » . L’installation des végétaux sera alors prise en charge par un autre acteur. Robert McDonald incite à l’élaboration de plans de plantation massives d’arbres, en avançant un argument d’investissement peu coûteux :  « Pour environ 4 dollars par année et par personne, les villes du monde entier pourraient planter et entretenir suffisamment d'arbres supplémentaires pour sauver 11 000 à 36 000 vies chaque année » ”.

Toutefois, le choix des végétaux à planter est à faire avec prudence : les arbres comme les platanes ou les marronniers retiennent la pollution au sol quand d’autres contiennent des allergènes (pollen). À la différence des premiers, les bouleaux sont par exemple capables de supprimer une partie des particules fines. Décupler le nombre de résinifères dans les grands ensembles urbains n’est donc certainement pas une solution miracle, capable à elle seule d’enrayer le processus de changement climatique. En revanche, elle constitue un élément de réponse globale.

Par Thomas Gutperle 

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