Investisseur majeur au niveau continental, Batipart Immo Europe gère environ 3 Mds€ d’actifs. Louis Bayon, directeur général immobilier de la structure, expose sa lecture des marchés au regard du contexte actuel et la thèse d’investissement qui en découle.

Décideurs. Que représente Batipart Immo Europe ?

Louis Bayon. Après la cession en juin 2017 de sa participation dans Eurosic à Gecina, Batipart a fait le choix de la diversification en immobilier au niveau européen. Nous opérons actuellement quatre fonds qui représentent environ 3 Mds€ d’actifs sous gestion. Le premier est un véhicule de développement qui crée des opérations tertiaires aux derniers standards en Île-de-France. Il porte actuellement quatre projets représentant un volume d’investissement de 300 M€. Le deuxième fonds se concentre sur des investissement hôteliers murs et fonds. Il détient, à ce jour, 6 hôtels opérés par Accor au Luxembourg, et à vocation à se déployer dans les principales métropoles européennes. Le troisième véhicule est dédié au rendement long terme et investit sur les secteurs des loisirs et de la santé en Allemagne, en Italie, en Espagne, au Portugal, en Suisse et en France. Il détient 1,7 Md€ d’actifs. Ce fonds comporte également un compartiment axé sur les immeubles de bureaux dans les régions françaises. Ce dernier dispose de 450 M€ en portefeuille. Le quatrième est un fonds de fonds dans lequel nous investissons dans des sociétés immobilières cotées en Europe. La diversification de Batipart Immo Europe a été payante pendant la crise sanitaire car les actifs tertiaires et de santé ont bien résisté alors que ceux de loisirs et hôteliers ont souffert.

Quelles sont vos convictions concernant l'évolution des marchés immobiliers français compte tenu de la crise sanitaire ?

L’hôtellerie est un des marchés les plus impactés. Le taux d’occupation du segment affaires tourne autour de 20 % aujourd’hui tandis que nos partenaires sur la partie loisirs enregistrent des taux d’occupation de juillet à septembre qui sont comparables à ceux de 2019 à la même période. Mais nous avons une visibilité très faible sur les mois qui suivront. Nous sommes néanmoins confiants sur la résilience de cette classe d’actifs à moyen terme.  

En ce qui concerne les bureaux, nous avons constaté une chute brutale de la demande locative aux deuxième et troisième trimestres. Toutes les grandes recherches ont été reportées et l’impact sera encore plus marqué dans les mois à venir. Nous pourrions assister à des renégociations de loyers comme en 2009. De plus, le confinement a été l’occasion de constater que le télétravail ne perturbe pas le fonctionnement de l’entreprise. Certains de nos grands locataires réfléchissent à étendre leurs accords de télétravail, ce qui pourrait amplifier les libérations de surfaces. Dans ces conditions, la progression des loyers a été stoppée à Paris et les mesures d’accompagnement repartent à la hausse. Il est certain que les immeubles de bureaux devront offrir des espaces hyper-qualitatifs pour apporter un maximum de confort aux collaborateurs. Les ensembles tertiaires ressembleront de plus en plus à de véritables hôtels avec une grande offre de services. Néanmoins les lieux de travail vont se diversifier sous différentes formes, sur site dans les bureaux, dans des tiers lieux type corworking et un peu plus à son domicile.

L’immobilier de santé reste quant à lui en plein boom en Italie et en Espagne car les structures médicalisées manquent et de nombreux opérateurs coexistent. La France et l’Allemagne sont des marchés plus matures. Globalement, cette classe d’actifs reste très résiliente.

"Nous réfléchissons à investir dans de nouveaux segments immobiliers"

Dans ces conditions, comment évolue votre thèse d'investissement ?

Nous avons l’intention de continuer notre diversification géographique en privilégiant les investissements dans les pays limitrophes à la France. Nous continuerons à regarder les classes d’actifs sur lesquelles nous sommes positionnées, même si nous surveillerons avec attention l’évolution du secteur des loisirs. Nous serons également plus prudents sur les projets de développement. Nous réfléchissons aussi à investir dans de nouveaux segments immobiliers.Batipart s’est organisée pour saisir les opportunités immobilières qui naîtront de cette crise. Nous sommes en capacité de nous positionner sur toutes les tailles d’actifs mais aussi des portefeuilles compte tenu de la variété de nos fonds. Les banques continuent à nous accompagner et les liquidités restent importantes au niveau du marché immobilier. L’effet de levier devrait rester raisonnable et compris entre 30 et 60 % suivant les opérations.Nous ne rencontrons aucun blocage sur nos cessions actuelles et nous ne nous attendons pas à une correction importante des valeurs du marché d’ici la fin de l’année. Je suis persuadé que l’immobilier va rester une valeur refuge et montrer sa capacité de résilience.

Quelles sont les ambitions de Batipart Immo Europe pour les mois à venir ? 

Nous voulons continuer à faire croître nos fonds et nous disposons de la capacité d’investissement nécessaire pour le faire. Nous regardons également des opportunités de fusion-acquisition. En effet, nous constatons actuellement, au travers de notre fonds investissant sur des valeurs cotées, une décote importante entre la valeur des actifs et le cours de bourse de certaines structures.

Propos recueillis par François Perrigault (@fperrigault)

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