La Commission européenne a ouvert une consultation publique portant sur le développement des énergies offshore. Objectif affiché : "exploiter le potentiel d’énergie renouvelable offshore de l’Europe de manière durable et inclusive". Kadri Simson, président de la Commission européenne, envisage ainsi de multiplier par vingt ses capacités de production d’énergie offshore d’ici 2050. Coup de projecteur sur la situation européenne.

Les énergies offshore première source d’électricité européenne en 2040 ? C’est la conviction de la Commission européenne et de l’agence européenne de l’énergie. L’UE espère ainsi pouvoir consolider l’architecture de son Green Deal avec une stratégie énergétique offshore. Toutefois, si ses ambitions sont louables, La Commission européenne estime que le développement des énergies renouvelables offshore est bien trop lent et contraignant. Les objectifs fixés pour 2050 nécessiteraient l’installation d’au moins 230 GW de capacité de production électrique offshore, avant la date fatidique.

L’Allemagne, champion européen de l’offshore

Pour y parvenir, WindEurope (association européenne qui promeut l’utilisation de l’énergie éolienne) a imaginé un plan d’action en deux temps. Tout d’abord, un intervalle de dix ans au cours duquel 7 GW devront être installés chaque année. Ensuite, une augmentation des capacités de production offshore de l’ordre de 18 GW par an. Pour donner du sens aux chiffres, il convient de rappeler que l’Allemagne, leader européen en matière d’éolien offshore possède en 2020 un parc d’une capacité de 7,5 GW tandis que que 22 GW d’électricité sont actuellement produits dans les eaux européennes. Le projet de la Commission européenne est donc particulièrement soutenu par l’Allemagne, qui espère pouvoir compenser sa sortie du charbon avec ces énergies offshore. WindEurope affirme que ce pays pourrait produire jusqu’à 36 GW d’énergie éolienne en mer, arrivé à la date butoir de 2050. L’industrie de l’éolien considère, en revanche, qu’il lui faudra parvenir à une capacité de 50 GW pour garantir une sortie sereine du charbon et une production efficace d’hydrogène à partir d’énergies renouvelables.

Mais que fait la France ?

La France est loin derrière ses voisins allemand et britannique en matière d’énergies offshore. Ce retard n’est pas tant imputable à un manque de volonté, qu’à des contraintes topographiques et économiques. En effet, si les éoliennes offshores ont l’avantage d’être placées sur une surface plane (la mer), offrant peu de résistance au vent, elles ont en général besoin d’être ancrées aux fonds marins, sauf s’il s’agit d’éoliennes sur structures flottantes. Les éoliennes sont donc installées dans des zones où la profondeur n’excède pas 40 mètres. Si cela ne pose pas réellement de problèmes au Royaume-Uni et à l’Allemagne, en France, ces profondeurs sont très rapidement atteintes. Au-delà de ces 40 mètres, l’implantation d’une éolienne devient excessivement technique et coûteuse, réduisant grandement l’intérêt de tels projets.

Cependant, cette contrainte n’est pas insurmontable. L’éolien flottant, dit "farshore" pourrait bien incarner la rupture technologique nécessaire à la résolution du problème. En effet, ces éoliennes nouvelle génération sont, comme leur nom l’indique, flottantes et loin des côtes. Grâce à leurs lignes d’ancrage, des parcs entiers peuvent être reliés à des fonds marins, et ce jusqu’à 300 mètres de profondeur. En plus de régler le problème de la profondeur, ces solutions flottantes n’ont rien à envier à leurs aînées qui, pour plus de stabilité, sont plantées dans les planchers océaniques. Un projet pilote au large du Japon (Kitakyüshü) a même essuyé trois typhons, sans aucun dommage.

La France possède la deuxième plus grande zone économique exclusive (ZEE) du monde et le deuxième littoral d’Europe derrière le Danemark. L’Hexagone dispose donc d'un potentiel considérable, avec le deuxième gisement éolien en mer européen : sa capacité évaluée est d’environ 60 GW (20 GW pour l’éolien posé et 46 GW pour l’éolien flottant, selon l’Agence de la transition écologique (ADEME). De quoi rendre la France incontournable pour atteindre les objectifs du président de la Commission européenne.

Une planification maritime à revoir

Reste que le découpage des zones maritimes est peut-être le plus grand obstacle à l’implantation de l’énergie offshore en Europe. De fait, au sein de l’Union européenne, chaque zone a un rôle prédéfini (espace militaire, réserve de pêche, zone de protection de la nature…), réduisant l’espace disponible pouvant être alloué à l’installation de solutions offshore. Dans son étude “Governments need to step up to unlock the vast potential of floating wind”, WindEurope explique qu’il ne sera possible d’installer que 112 GW dans la configuration actuelle, soit moins de la moitié des objectifs fixés par les projections basses de la Commission européenne. L’association appelle donc au multiusage : "Les zones aquatiques doivent pouvoir faire l’objet d’usages multiples", souligne Giles Dickson, président de WindEurope. L’Union européenne semble déterminée à partir à la conquête des mers, et à tirer avantage de leurs potentiels pour construire un mix énergétique plus propre. Il lui faudra toutefois utiliser l’espace et la technologie judicieusement et efficacement, afin de garder le vent en poupe. 

Par Thomas Gutperle

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