Nommé président de Réseau Alliances en janvier 2019, Jean-Pierre Letartre dresse un premier bilan de son action. L’ancien président d’EY France analyse également les impacts de la crise sur les sujets de responsabilité sociétale des entreprises.

Décideurs. Un an et demi après votre prise de fonction, quel bilan dressez-vous ?

Jean-Pierre Letartre. Le Réseau Alliances a été créé il y a 25 ans dans le but d’améliorer l’impact social et environnemental des acteurs économiques. Il a ainsi contribué à mettre ces sujets en haut des agendas des décideurs privés et publics. Nous œuvrons désormais pour passer une deuxième étape, celle de la mise en œuvre dans les entreprises. Cette démarche passe par une accélération et une amplification du mouvement.

Quelles sont les spécificités de la RSE « à la française » et quels en sont les axes d'amélioration ? 

Le capitalisme a toujours été plus orienté en Europe occidentale sur l’impact social et environnemental. C’est aussi une dimension étroitement liée à la régulation en France. Aux États-Unis, le profit était le but premier de toute entreprise et les dirigeants pouvaient ensuite créer des fondations caritatives. Nous constatons aujourd’hui une homogénéisation des pratiques en matière de RSE au niveau mondial. Ce ne sont plus des externalités de l’entreprise, elles sont devenues un élément opérationnel. Il reste maintenant à mettre en place des mesures d’évaluation de la performance au sein des organisation afin qu’elles soient prises en compte par les managers dans leur gestion quotidienne de l’activité.

Quels premiers enseignements tirez-vous de la crise sanitaire ?  
La crise économique dans laquelle nous rentrons aurait pu reléguer les enjeux de RSE au second plan. Elle en a accéléré au contraire l’urgence : les acteurs du monde économique et financier considèrent que ces sujets doivent être intégrés pour réussir la reprise. Autre enseignement, cette crise a montré l’interdépendance de plus en plus grande entre les pays, les mondes, les économies, les entreprises…  Le collectif sortira renforcé de cette crise car il constitue l’un des meilleurs moyens de gérer les enjeux du moment.

Quelles sont vos propositions pour relancer l’économie ?
Nous sommes passés du temps des soignants à celui des réveillants. L’emploi va constituer un sujet très important à court terme car des plans de restructuration se préparent. La prolongation du chômage partiel, la possibilité de transférer des collaborateurs entre les secteurs économiques en surchauffe et ceux en carence, ou encore la question de la formation pour faciliter la reconversion, sont des pistes à creuser pour y faire face. Le financement constitue un deuxième point de vigilance. Une ingénierie doit être mise en place pour permettre le désendettement des États et des entreprises, sans pour autant empêcher l’investissement nécessaire pour générer la croissance de demain. Enfin, les discours anxiogènes doivent cesser car ils pénalisent la consommation et l’investissement en créant un climat de défiance.

Dans quelle mesure cette crise sanitaire pourrait-elle faire évoluer à moyen terme les sujets de RSE ?
Alors que la RSE et les sujets climatiques ne s’arrêtent pas aux frontières, nous constatons que la vision et la cohérence globale autour de ces problématiques n’avancent pas. Des démarches intéressantes se dessinent au niveau européen mais elles ne vont pas plus loin pour l’instant. Cette crise sanitaire qui a touché les gens dans leur chair pourrait faire basculer la situation, à l’image de la création de l’ONU au sortir de la seconde guerre mondiale. Les acteurs économiques peuvent jouer un rôle dans cette évolution mais il faut un cadre global que seuls les gouvernements sont capables de mettre en place.

Propos recueillis par François Perrigault (@fperrigault)

Cette interview est extraite du guide énergie-environnement qui sera disponible en septembre

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