WWF annonce la couleur : la relance sera verte ou ne sera pas. C’est du moins ce que défend l’ONG dans son dernier rapport, réalisé en collaboration avec EY. Décryptage.

En plus d’être davantage clémente avec l’environnement qu’une relance économique classique, la relance verte permettrait, selon WWF, de maintenir près d’un million d’emplois en France, d’ici à 2022. Véronique Andrieux, directrice générale du WWF France précise : "À plus long terme, trois fois plus d’emplois pourront être soutenus si l’on mise sur les secteurs de la transition écologique et que l’on ne se contente pas du business as usual". Ces "secteurs de la transition écologique" abordent principalement les questions de la rénovation énergétique des bâtiments, du déploiement massif d’énergies renouvelables, et des nouvelles mobilités.

En soutenant ces secteurs, la relance verte participerait à la décentralisation de l’activité économique française. En effet, 80 % des emplois créés le seraient hors d’Île de France et contribueraient ainsi, d’après WWF, à la dynamisation des zones rurales. L’organisation explique ce phénomène par la localisation de ces activités : les champs éoliens et solaires sont rarement édifiés à proximité de grandes agglomérations.

Des objectifs ambitieux

Le rapport de WWF dégage trois scénarios principaux, "tendanciel", "engagements actuels" et "relance verte". Le second est basé sur les engagements pris par le France dans divers documents tels que la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) et la loi EGalim. Ces engagements étant jugés insuffisants par WWF pour répondre à ceux pris lors des accords de Paris, le Fond mondial pour la nature a élaboré un troisième scénario, dit de "relance verte". Ce dernier fixe des objectifs plus ambitieux, et calque davantage sa ligne de conduite sur celle établie par la Convention citoyenne pour le climat.

Du côté des énergies renouvelables, les objectifs suivent les estimations hautes de la PPE, avec comme ligne d’horizon les 127 GW d’électricité renouvelable et 221 TWh de chaleur et de gaz renouvelable installés en 2030, contre 51,171 GW en fin 2018, selon la RTE. Le rapport incite à combiner ces objectifs à une évolution de la fiscalité, notamment à une modulation des tarifs de soutien, afin de faciliter la répartition homogène des infrastructures EnR sur le territoire. D’autre part, le transport ferroviaire a pour objectif de se substituer à une partie du transport routier, plus polluant, pendant que de leur côté les véhicules électriques représenteront 40 % des ventes de véhicules neufs en 2030, d’après le scénario.

Le rapport balaie également les secteurs de l’agriculture et du tourisme, en proposant le développement de l’agriculture biologique, afin d’enrayer le processus d’érosion de l’emploi agricole, et de lutter contre la déforestation importée. Le développement de pâturages économes, et de l’éco-régime sont donc des priorités du document de WWF. Bien qu’il puisse paraître relativement éloigné d’une dynamique écologique, le secteur du tourisme représente, quant à lui, 8 % des emplois salariés, et est donc également ciblé par le document, qui œuvre à imaginer un tourisme bas carbone. Pour ce faire, l’ONG architecture dans son rapport sa transformation complète, vers un éco-tourisme et un ourisme infranational, mettant à l’honneur les séjours de plus longues durées, réduisant la fréquence des trajets, et accroissant les retombées économiques pour les régions visitées.

Mettre la main au portefeuille

Pour soutenir ce plan de relance, il faudra aussi augmenter les moyens qui lui sont alloués, d’après le rapport d’EY et WWF. Pas moins de 14 milliards d’euros par an supplémentaires sur la période 2020 - 2023 seront nécessaires selon eux. Gaël Giraud, directeur de recherche au CNRS, lui aussi favorable à une relance économique par la transition écologique, estime quant à lui le financement à 50 milliards d’euros par an. En plus de ces investissements, des mesures économiques devront être prise pour encourager et soutenir les initiatives "vertes". Ainsi, selon le cabinet de conseil, "l’accompagnement des particuliers et des professionnels dans leurs travaux de rénovation deviendra un maillon essentiel".

Qui dit transformation de l’activité, dit transformation des compétences. EY souligne l’importance qu’auront les programmes de formation et de reconversion professionnelle dans cette relance. Les salariés du secteur du bâtiment devront répondre à de nouvelles normes d’efficacité énergétique, faisant écho à une nouvelle façon de faire, qu’il leur faudra apprendre. Par ailleurs, L’inclusion d’acteurs locaux au projet est essentielle. Les collectivités territoriales auront un rôle des plus importants à jouer, puisqu’elles pourraient être la source d’une grande partie des investissements nécessaires. Gaël Giraud, lui, envisage l’annulation des titres de créances publiques possédées par la BCE et des politiques dites "d’hélicoptère monétaire", où la banque centrale crée de la monnaie et la distribue directement aux citoyens.

A plus grande échelle, les relances vertes pourraient bien bénéficier dès 2021, du plan de relance de la Commission européenne, estimé à 750 milliards d’euros. Le "budget vert" que l’Etat s’est engagé à fournir, sera un répertoire compilant les parts des dépenses favorables et défavorables à l’environnement, et pourrait aider, lui aussi, à y voir plus clair.

Par Thomas Gutperle

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