G. Monod (LCA-FFB) : "Nous proposons un plan de relance en deux temps"
Décideurs. Que demandez-vous au gouvernement pour accélérer la reprise dans le secteur de la construction ?
Grégory Monod. Nous travaillons depuis plusieurs semaines sur un plan de relance en deux temps. Un premier temps pour des mesures de court terme et un second qui s’inscrirait dans un horizon moyen terme. Pour le moment, la nécessité d’un plan de relance « choc » ne semble pas avoir été perçu par le gouvernement alors que 120 000 emplois sont menacés à très court terme dans la filière du bâtiment.
Que proposez-vous dans le cadre de ce plan de relance « choc » ?
Il doit d’abord traiter la question de la demande. Au vu des dernières recommandations du Haut conseil de stabilité financière (HCSF), nous nous attendons à une restriction du volume de crédit immobilier lié à un durcissement des conditions d’octroi des prêts aux ménages. Les ménages les plus modestes seront les plus pénalisés. Si le HCSF et le gouvernement ne font pas machine arrière sur leurs recommandations, nos carnets de commande risquent de fondre comme neige au soleil et de mettre en péril notre activité en 2021. Dans la même logique, nous préconisons un maintien du prêt à taux zéro sur le tout le territoire et un passage de sa quotité à 40 %. Cette dernière pourrait même être portée de façon temporaire à 60 % avec une écoconditionnalité pour anticiper l’entrée en vigueur de la RE 2020. Nous demandons également le rétablissement de l’APL accession. Ce serait une source d’économie pour l’Etat car son montant mensuel est bien moins élevée que l’APL locative. En permettant aux bénéficiaires de cette dernière de devenir propriétaire, tout le monde serait gagnant. Enfin, une exonération ou un abattement significatif sur les donations en cas de réinvestissement dans la construction d’un logement neuf ne coûterait rien à l’Etat et pourrait doper notre secteur. Le dispositif pourrait même être étendu aux donations entre grands-parents et petits-enfants.
Nos propositions pour le plan de relance « choc » traitent également des questions de montages d’opérations. Pour les fluidifier et les accélérer, nous suggérons un allègement des dossiers de permis de construire en permettant aux dépositaires de fournir ultérieurement les pièces ne traitant pas des questions d’urbanisme. Si rien n’est fait, les services instructeurs seront engorgés cet automne. Par ailleurs, nous réclamons l’instauration d’un permis déclaratif sous certaines conditions. Quand vous développez une opération sur le périmètre d’un permis d’aménager, pourquoi devoir instruire de la même manière un permis de construire ? Les constructeurs sont des acteurs responsables, compétents et dignes de confiance ! Nous avons été peinés d’entendre le Président de la République affirmer qu’il faut rendre notre pays plus beau alors que nous n’avons pas le sentiment de l’avoir dénaturé.
"L’urbanisation doit être maintenue voire encouragée dans certaines zones, en renforçant les approches de sobriété foncière qui sont déjà à l’œuvre"
Quel regard portez-vous sur les propositions de la convention citoyenne pour le climat ?
Plusieurs propositions sont ambitieuses et c’est à saluer. Mais une partie de celles qui concernent le logement laissent à penser qu’en privilégiant les rénovations ou en retravaillant les friches nous pourrions répondre totalement à la demande de logements. Nous sommes sceptiques car ce n’est qu’une pierre de l’édifice. Concernant l’artificialisation des sols, exclure le logement neuf en secteur diffus serait une aberration. L’urbanisation doit être maintenue voire encouragée dans certaines zones, en renforçant les approches de sobriété foncière qui sont déjà à l’œuvre. A défaut, la fracture territoriale déjà existante s’accentuera. Et ce d’autant plus que nous observons depuis quelques semaines et la fin de la période de confinement une demande beaucoup plus importante pour la maison et le cadre de vie qu’elle procure.
Quelles sont vos recommandations en matière de rénovation énergétique des bâtiments ?
C’est une activité qui existe aujourd’hui chez 20 % de nos membres, ce qui démontre une mutation de nos métiers. Pour massifier la rénovation, la Fédération française du bâtiment à laquelle nous appartenons recommande de porter Ma Prime Rénov' à 400 € par m² pour les rénovations globales, y compris pour les 9e et 10e déciles. La moitié des travaux de rénovation énergétique sont en effet réalisés par cette tranche. En les incluant dans le dispositif, le rythme des travaux s’accélérerait et les émissions de gaz à effet de serre se réduiraient significativement.
Quelles sont les principales mesures du plan de relance à moyen terme imaginé par LCA-FFB ?
Au-delà des mesures déjà développées pour encourager l’accession à la propriété, nous voulons inciter les Français à la désépargne au profit de la pierre. Pour ce faire, nous proposons une profonde réforme des dispositifs d’investissement locatif privé, qui viennent compenser une fiscalité spoliatrice et qui subissent changements incessants au gré des lois de finances successives. Les investisseurs et les opérateurs ont besoin d’un système durable, général, simple et lisible. Nous proposons de nous inspirer de nos voisins allemands en instaurant un amortissement de 2 % par an suite à un achat dans le neuf ou dans l’existant rénové, qui relèverait du droit commun. Un dispositif similaire pourrait être déployé pour les travaux de rénovation les plus importants. L’investissement locatif privé doit être reconnu comme une activité économique à part entière.
Propos recueillis par François Perrigault (@fperrigault)