La transition énergétique et écologique est l'enjeu majeur de la relance économique. Nous avons voulu interroger une success story dédiée à ces transformations pour comprendre la portée du changement à accomplir. Née en 2013, en hyper croissance, avec déjà plus de 50 millions d'euros de chiffre d'affaires, Enerlis est un opérateur global de "services en efficacité énergétique et en énergies renouvelables. Elle propose à ses clients (collectivités locales, bailleurs sociaux, industries…), de l’amont à l’aval, de diminuer leur facture énergétique et de réduire leur empreinte environnementale. PME positionnée au cœur de la relance verte voulue par les pouvoirs publics, sa présidente nous donne l’occasion d’en savoir plus sur les défis de la transition par ceux qui la mettent en œuvre. Rencontre avec Aurélie Gaudillère, à la tête d’une entreprise ambitieuse, environnementalement.

Décideurs : Qu’est ce qui a présidé à la création d’Enerlis ? Comment les enjeux écologiques sont devenus vos moteurs ?

Aurélie Gaudillère : Nous n’avons pas eu de révélation, c'est plutôt une évidence qui s’est imposée au fur et à mesure de nos investissements. Avant Enerlis, nous étions déjà un peu dans le « Green IT » puisque nous avions une société d’informatique et des préoccupations concernant les consommations des imprimantes, des PC ou des datas center : nous étions déjà dans la recherche permanente du « comment consommer moins ? ». 

Après avoir vendu cette entreprise, nous avons investi dans des secteurs aux problématiques environnementales : immobilier d’entreprise, fabrication de batterie pour stocker l’énergie… A travers ces investissements, tout nous ramenait vers la rénovation énergétique une véritable convergence nous est apparue entre l’énergie en général, les bâtiments, l’informatique et bien sûr les énergies renouvelables. 

D’où notre idée, en 2013 de créer un opérateur global, un intégrateur de solutions à l’instar d’une SSII mais adaptée aux problématiques environnementales, une SS3E en somme, comme « Société de Services en Efficacité Énergétique et Environnementale ». Enerlis était née. 

L’idée étant de prendre en main la problématique, par exemple, d’une mairie, d’un bailleur social ou d’un client privé et de lui proposer toutes les solutions qui vont lui permettre de baisser sa facture énergétique, et de diminuer son impact environnemental. En fait, ce qui est intéressant avec la genèse d’Enerlis, c’est que nous sommes partis d’un constat économique pour arriver à la problématique écologique.

Entre les débuts d’Enerlis en 2013 et aujourd’hui, comment avez-vous vu évoluer la prise de conscience écologique de vos clients, publics ou privés ?

En fait, dès nos débuts, j’ai trouvé nos clients, grands consommateurs d’énergie, étonnamment conscients des enjeux environnementaux. Mais je dirais qu’ils étaient et sont encore parfois, prisonniers des aspects juridiques qui rendent difficiles la mise en place de solutions 

Ils faisaient et font encore face à un flou concernant les leviers économiques qu’ils peuvent utiliser. Les dispositifs C2E par exemple peuvent aider au financement parfois jusqu’à 100 % mais juridiquement et fiscalement, il y a un fort besoin d’assistance.

Mais j’insiste, nos clients savent la nécessité de faire des économies et de diminuer leur impact environnemental. C’est d’ailleurs pour ça que nous avons pu évoluer si rapidement : de 3 millions de CA la première année en 2013 nous avons dépassé les 50 millions en 2019, ce succès c’est avant tout grâce à eux.

Par rapport à ses partenaires européens, comment se place la France en matière de transition énergétique, le tempo imprimé est-il bon ? 

Disons que comme sa géographie, en la matière, la France est au milieu de l’Europe. Elle est en retard par rapport aux pays nordiques, par rapport à l’Allemagne aussi. Elle s’en sort mieux que l’Europe du sud même si évidemment, les problématiques ne sont pas les mêmes en raison des climats différents. C’est aussi lié au coût de l’électricité. Quoi qu’on en dise, nous avons un coût de l’électricité très bas par rapport aux autres pays. Ceux-ci font donc face à un coût frontal et par conséquence, ils réfléchissent plus aux économies que nous ne le faisons.

L’autre spécificité française, c’est son mille-feuilles administratif. Il faut le SIM-PLI-FIER. Avec le COVID, on a vu que les pouvoirs publics, dans l’urgence pandémique et économique, ont réussi à agir très vite et à simplifier les démarches. 

La Transition énergétique que le gouvernement veut accélérer, c’est bien, les 15 milliards de plus pour la financer, c’est très bien, mais il faut un accompagnement et une aide de l’état, financière certes, mais surtout une aide et une action en matière de simplification, c’est fondamental.

Dans l’attribution des marchés publics, que la convention citoyenne pour le climat veut réformer, est ce que la préoccupation environnementale est assez prise en compte ?

Oui, elle est prise en compte et oui, il faut la renforcer, sans devenir des radicaux. Il y a beaucoup à faire, notamment en ce qui concerne l’usage de matériaux biosourcés. On dit que c’est un problème d’argent mais il y a pléthore de programmes européens qui peuvent aider financièrement les entreprises afin qu’elles puissent développer des solutions innovantes dans la construction ou la rénovation. Des appels à projets qui peuvent aller, de 3 à 10 millions d’euros, mais en France, personne n’y fait appel. Pourquoi ? Parce qu’il faut des experts de ces sujets, et qui plus est, qui savent rédiger en anglais. Enerlis est doté d’un tel services Aides & Subventions. Le domaine de la rénovation énergétique dans le résidentiel ne fait pas assez appel à ces aides, qui permettent de tester des solutions pour ensuite pourvoir les répliquer

Comment avez-vous perçu les travaux de la convention citoyenne du climat ? Certaines décisions comportent un volet coercitif. En tant que chef d’entreprise, quel rapport entretenez-vous à l’égard de la contrainte réglementaire ?

La convention citoyenne du climat a été un processus très intéressant et des plus innovant. Il a permis de confirmer l’implication des citoyens sur l’écologie, et cela vient de se vérifier au niveau local comme on l’a vu aux municipales. Qui plus est, les citoyens ont compris que la transition pouvait être à la fois bonne pour le pouvoir d’achat, l’emploi et le climat, là est le triptyque le plus important.

Sur le rapport à la contrainte, la question est complexe et la réponse obligatoirement ambivalente. En tant que citoyenne, je trouve dommage d’en arriver là. Et pourtant je pense qu’on ne peut y échapper. Mais attention, celle-ci doit être progressive, avec encore et toujours, un accompagnement. Paradoxalement, c’est plus simple pour les bailleurs sociaux puisqu’ils ont justement quelqu’un à la tête qui est en capacité de décider, en opposition au système des copropriétés dans le résidentiel privé où les choses vont du coup plus lentement

Pour vos projet, Enerlis s’appuie sur des entreprises au savoir-faire reconnu en matière de rénovation énergétique. Considérez-vous que la France dispose d’assez de main d’œuvre qualifiée, d’un nombre d’entreprises suffisant en matière de rénovation « écoresponsable » ?

On peut, on doit aller plus loin. Il y a en France énormément d’entreprises compétentes sur ce secteur d’avenir mais nous souffrons d’un manque en matière de formation continue. 

Autre carence : les énergies renouvelables. J’alerte : il n’y a pas assez de sociétés et d’exploitants (notamment en maintenance et entretien) pas assez d’entreprises ayant suffisamment d’expertise sur ces sujets. Il faut créer de nouveaux diplômes. 

Quelles sont les prochaines ambitions d’Enerlis en matière de développement durable ?

Avant tout poursuivre notre travail sur la rénovation énergétique et surtout sur la décarbonation du territoire. Diminuer toujours et encore l’empreinte environnementale et créer des villes plus propres. Voilà vers quoi on se dirige. Notre ambition, tant en croissance externe qu’en croissance interne, est d’arriver à 300 millions d’euros de chiffre d’affaires dans 5 ou 10 ans. Cela passe aussi par des rénovations plus globales, en répondant à des marchés de partenariat avec les régions ou les départements. Nous avons d’ailleurs signé un partenariat avec l’ADF, l’association des départements de France. Enerlis est appelé à travailler de plus en plus au niveau macro-économique."

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