En l’espace d’une semaine, la convention citoyenne pour le climat a fait des propositions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans l’habitat, Emmanuel Macron les a retenues et le gouvernement a confié une mission au Plan Bâtiment Durable et à la RICS sur le renouveau urbain et la rénovation des bâtiments. Philippe Pelletier, président du Plan Bâtiment Durable, livre son analyse sur ces temps forts et leurs implications.

Décideurs. Quel regard portez-vous sur les propositions de la convention citoyenne pour le climat en matière de rénovation des bâtiments ?

Philippe Pelletier. Les recommandations faites par la convention citoyenne pour le climat s’inscrivent dans un puissant mouvement visant à accélérer l’action de rénovation énergétique des bâtiments. Nombre d’exemples témoignent de cette tendance, notamment les déclarations successives des grandes entreprises qui ont identifié le sujet comme une des pierres angulaires de leurs stratégies. La société française embraye donc à son tour sur le sujet, ce qui est rassurant.

Deuxième observation, ces propositions s’inscrivent dans la continuité des actions déjà sur les rails ou mises en place. Je ne repère aucune volonté de rompre. Je pense néanmoins que la proposition consistant à rendre la rénovation globale des logements de classe F ou G obligatoire en 2024 en cas de vente, de transmission ou d’héritage est à retravailler. La date retenue pose plusieurs questions. De fortes incitations et un accompagnement adapté devraient être développés rapidement pour éviter que cet obstacle de 2024 ne se produise. Cela soulève un sujet social car beaucoup de logements énergivores sont détenus par des foyers modestes qui ne pourront pas financer les travaux sans aides. Dans un tel cas de figure, nous risquerions de voir le taux de vacance augmenter faute de pouvoir céder ces logements sans faire de travaux. Autre point, la mesure sera probablement à adapter afin que les travaux aient lieu postérieurement à la vente sur décision de l’acquéreur, quitte à ce que le vendeur participe aux travaux par le biais d’une réfaction sur le montant de la transaction.

Comment analysez-vous les propositions relatives à l’artificialisation des sols ?

La mise en place d’une limite de construction dans le secteur diffus va dans le sens de l’histoire que j’essaie d’accompagner depuis plusieurs années. Le vrai sujet du XXIe siècle sera moins la construction que la rénovation de l’existant. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Julien Denormandie, ministre de la Ville et du Logement, et Emmanuelle Wargon, secrétaire d’Etat auprès de la ministre de la Transition écologique et solidaire, ont confié une mission au Plan Bâtiment Durable et à la RICS en France pour amplifier l’action des constructeurs, promoteurs immobiliers, aménageurs, opérateurs fonciers et investisseurs dans l’activité de rénovation de la ville et des bâtiments existants, tout en garantissant la qualité énergétique et environnementale des projets.

"Nous allons nourrir le plan de relance"

Justement, comment s’articule cette mission avec les propositions de la convention citoyenne pour le climat ?

L’objectif de la convention citoyenne est de faire en sorte que les actions concernent de plus en plus de personnes et qu’elles se déroulent de plus en plus vite. Pour réussir, nous devons réfléchir aux modes d’intervention et aux forces vives à mobiliser. La mission qui a été confiée à Franck Hovorka, président de la RICS France, et moi-même s’inscrit dans cette logique et doit être mise en perspective avec un autre mandat transmis il y a quelques semaines à Pierre-André de Chalendar, PDG de Saint-Gobain, et aux industriels pour qu’ils s’inscrivent dans ce mouvement d’amplification et d’accélération de la rénovation énergétique des bâtiments.

En ce qui nous concerne, nous devons mobiliser les acteurs de la construction pour qu’ils s’intéressent de plus en plus à la rénovation de l’existant. Nous visons différentes populations : les promoteurs en les incitant à privilégier la réhabilitation, les constructeurs de maisons individuelles en les amenant à apporter leurs techniques de rénovation sur les ouvrages vendus dans les années 70-80, les architectes, les foncières et les investisseurs institutionnels.

Deuxième maille, nous devons changer d’échelles et passer à minima du bâtiment au quartier pour amplifier et accélérer la rénovation énergétique. Nous pouvons nous inspirer de la réussite des opérations programmées d'amélioration de l'habitat (Opah) qui sont portées par l’Agence nationale de l’habitat (Anah). Autre piste de réflexion intéressante, embarquer la performance énergétique dans les sujets traités par le programme Action Cœur de Ville serait particulièrement pertinent.

Quel est le calendrier de cette mission ?

Nous allons nourrir le plan de relance. Nous remettrons donc un rapport d’étape en juillet, tout comme la mission pilotée par Pierre-André de Chalendar. Notre rapport définitif sera remis aux ministres en septembre.

Quelle devrait être la place accordée à la rénovation énergétique des bâtiments dans le plan de relance du gouvernement selon vous ?

Elle sera centrale. Bruno Le Maire évoque le sujet régulièrement, la secrétaire d'État auprès du ministre de l'Économie et des Finances Agnès Pannier-Runacher fait plancher le Conseil national de la consommation sur cette thématique, la ministre de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer a également témoigné son intention de participer au mouvement… La rénovation énergétique des bâtiments est devenue interministérielle sous l’impulsion du Président de la République, mobilise le monde économique et bénéficiera de financements européens. Toutes les planètes sont alignées pour accélérer et amplifier l’action. Nous n’avions pas vu un tel élan depuis le Grenelle de l’environnement.  

Propos recueillis par François Perrigault (@fperrigault)

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