Convention citoyenne, une adhésion assez large
Les dés sont jetés, "Alea Jacta est" : la convention citoyenne pour le climat est à peine terminée que les lois de la physique régissent à nouveau le champ de la chose publique. Ainsi en est-il de l’activation du vieux principe newtonien de l’action-réaction, avec ses limites, avec ses critiques, de gauche, de droite, syndicales ou patronales…
Mais les propositions édictées par les citoyens de la convention ont montré suffisamment d’ampleur pour être en mesure d’exploser les vieux codes de la vie publique et ainsi créer un véritable big-bang quantique, politique et économique.
L’action, on l’a vu, ce sont les 150 propositions des 150 citoyens visant à réduire de 40 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. Un mode de désignation (le tirage au sort) et une flopée de décisions qui bousculent.
Des verts fairplay
C’est que la convention des citoyens a rebattu les cartes. Outre le fait que les intéressés ont tous loués, sans exception, le déroulé des sessions et rendu hommage à un processus initié par Emmanuel Macron, le contenu même des décisions a séduit. Du côté des dirigeants d’Europe Écologie Les Verts, avec un fairplay indéniable, est loué dans leur communiqué de presse des propositions "d'une ampleur inédite qui marqueront un tournant dans la politique de notre pays si elles étaient adoptées par les pouvoirs publics".
Greenpeace tient toutefois à séparer le collectif citoyen de l’exécutif. Le porte-parole de l'association Clément Sénéchal, interrogé par le Huffpost veut avant tout "jauger la sincérité d’Emmanuel Macron, l’intégrité de sa parole, et sa capacité à diriger le pays dans le monde d’après. Il faut qu’il respecte le caractère exhaustif des propositions, sinon ce serait trahir le mandat de la Convention Climat".
Synthetique et caustique, l'auteur et réalisateur, Cyril Dion, l’homme qui a, dit on, soufflé l'idée de la Convention citoyenne sur le climat à Emmanuel Macron, résumait sur son compte Twitter la tournure des événements : "EELV soutient l’ensemble des propositions de la convention citoyenne pour le climat, la droite se montre critique, jusqu’ici tout est normal"
.La réaction du PS par l’entremise de son premier secrétaire, Olivier Faure, salue "des travaux extrêmement intéressants qui méritent débats et reprises donc j'espère que ce sera un moment historique de basculement". Oui, mais... car s'ajoute à la déclaration : "Si on se réfère à l'acte II qui devait être plus social, si l'acte III ressemble à l'acte II dans le domaine de l'écologie, on risque d'être déçu". Le patron des socialistes a en effet retrouvé cet esprit de synthèse "mi chèvre mi-chou" qui a le mérite de ne mécontenter ni satisfaire personne.
Patronat, entre louange, inquiétude et "manque de réalisme"
La réaction du Medef, elle, a pu surprendre par sa pondération, ainsi son président délégué, Patrick Martin, cité par Les Échos assure calmement partager "complètement les objectifs, nous saluons le sérieux de la démarche mais un certain nombre de propositions demandent à être regardées de plus près pour voir lesquelles peuvent aboutir et dans quel délai".
Mais le syndicat patronal comme à son habitude, veille au grain quant il s’agit de deniers publics : "l'exercice n'est pas complètement abouti dans la mesure où il n'y a pas de chiffrage ou d'évaluation économique globale", regrette Patrick Martin.
De leur côté, le président de la Confédération des PME, François Asselin, et Alain Griset de l’Union des entreprises de proximité, poussent le curseur de la critique un peu plus loin. Le premier s’il salue "une émulation intéressante du point de vue des idées" regrette "a perte de réalisme" quand le second lui fustige des mesures "qui penchent bien trop du côté de la décroissance". L’ensemble de représentations patronales s’inquiétent également du flou juridique entourant pour le moment le « crime d’écocide ».
Les opposants de droite s'opposent, ou se taisent
Certaines réactions sont à la limite du ridicule : "Tout ça pour ça !", telle est la conclusion du tweet analytique proposé par Marine Le Pen au sortir de la convention citoyenne pour le climat. Laquelle, assure-t-elle, "censée répondre à la crise des gilets jaunes, accouche de propositions toutes plus loufoques les unes que les autres, sans conscience des réalités économiques et sans aucune pertinence sociale et écologique".
Fichtre, on ne connaissait pas la "pertinence écolo" programmatique du RN, mais on est en droit de s’étonner de l’adjonction du qualificatif "loufoque" pour jauger de propositions dont même les contempteurs acharnés de la convention ont jugé qu’elles méritaient d’être débattus pour être éventuellement combattus. Il reste que l’histoire a déjà vu maintes fois la réaction succéder aux révolutions…
Plus subtile, ou disons plus maligne, est la réaction du président des Républicains, Christian Jacob. Son cri du cœur, face à la perspective d’un référendum, résonne : "Il faut ficher la paix à la Constitution". De quoi réinscrire son parti dans une filiation gaulliste et le présenter comme gardien du temple des institutions de la Vème République auxquelles les Français demeurent attachés. Pourquoi pas, même si là aussi, c’est la surprise qui prédomine eu égard au fait que les deux derniers présidents de la République que Christian Jacob et son parti ont soutenu, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, sont ceux ayant porté qualitativement et quantitativement le plus de révisions constitutionnelles.
Ses autres positions visant à condamner "une logique de décroissance, de contraintes, de punition" s’inscrit elle dans un registre plus classique, quand d’autres représentants LR agitent à la fois le "péril vert" et la représentativité de la convention. Dans le même temps l’ancienne tête de liste aux européennes de LR, François Xavier Bellamy, assure que le président de la République "est en train d’adopter ici un virage authentiquement populiste".
Du côté des présidentiables de droite, l'attentisme prévaut
Reste que les avis qui comptent, au sein de la droite républicaine, sont ceux des candidats déclarés ou pressentis pour la présidentielle. Et ici, c’est l’attentisme tactique qui prévaut. François Baroin, Xavier Bertrand, Valérie Pécresse ou Bruno Retailleau n’ont pas, pour le moment, tenu à réagir aux propositions de la convention, préférant se réfugier (provisoirement ?) dans un sommeil fécond, là où le silence y dort…
Et la réaction de l’opinion ? Pas encore sondée, on ne peut se fonder que sur la représentation (parfois faussée) qu’en donnent les réseaux sociaux. Force est de constater que l’éventuelle limitation à 110 Km/h sur l’autoroute suscite défiance voire colère. Mais quel que soit le futur des 150 mesures proposées par la convention citoyenne pour le climat, désormais leur sort est entre les mains d’Emmanuel Macron.
Sébastien Petitot