A la tête d’Atlante Gestion, fonds d’investissement spécialisé dans les infrastructures publiques et de transition énergétiques, Christian van Appelghem fait le point avec Décideurs sur la manière dont il a abordé la crise sanitaire et comment celle-ci affectera sa stratégie.

Décideurs. A l’approche du confinement, comment vous êtes-vous mis en ordre de marche?

Chrisitian van Appelghem. La première action a évidemment été de mettre en sécurité l’ensemble des personnes en organiser au mieux le télétravail. Nous disposions d’un plan de continuité de l’activité au sein de nos procédures, mais jamais nous n’avions jamais imaginions devoir mettre tous nos collaborateurs en télétravail. On s’est assurés le maximum de sécurité grâce à un VPN sur ordinateur dédié, afin que personne n’ait à utiliser son matériel personnel.

Comment faîtes-vous pour maintenir le lien avec vos équipes ?

On s’est attachés à ne laisser personne dehors : un point téléphonique est organisé avec l’ensemble de l’équipe tous les deux jours. Nous avons également créé un journal interne afin de maintenir du lien. Des roulements téléphoniques nous permettent de garder un contact permanent avec les gens seuls. Des binômes et petites équipes ont été constituées afin de définir des tâches de travail, des missions, des objectifs sur des choses un peu particulières à réaliser : ainsi, chacun se sent investi d’une mission et d’une tâche.

Comment votre stratégie est-elle impactée à court terme ?

Au-delà de la moindre performance, il s’agissait de savoir dans quelle mesure nos investissements et nos orientations stratégiques allaient être impactés. Nous avons donc fait un état de situation sur nos portefeuilles, via des contacts avec clients et partenaires afin de mesurer sur toutes les lignes d’investissement, quels étaient les impacts et les incidences en termes d’évaluation de risques, ainsi que les mesures à prendre. Nous avons mis au point une méthodologie que l’on balise toutes les semaines avec un point équipe spécifique sur le suivi du portefeuille qui combine à la fois du suivi de gestion, du juridique, en associant les personnes qui ont travaillé sur le montage. L’outil est mis à jour toutes les semaines, afin de mesurer les incidences en termes d’activité, les sujets sur la valorisation et les plans d’action à mettre en place. Finalement, le confinement s’est révélé propice pour une prise de recul sur l’activité et le quotidien : on se dit que c’est une phase qui peut être source d’opportunités.

Quelles incidences anticipez-vous à plus long terme ?

Notre positionnement, sur des actifs réels non cotés, en infrastructures et efficacité énergétique, nous a permis d’être assez préservés. Les nombreuses contreparties publiques, des investissements peu volatils en matière de réalisation et adossés à des cash flows assez réguliers et peu touchés par la crise. Nous sommes presque satisfaits de constater sur le non coté se révèle aussi intéressant dans de tels bouleversements, cela démontre une certaine résilience, nous sommes moins exposés aux fluctuations des valorisations de nos investissements sous-jacents en comparaison avec d’autres classes d’actifs. Nos rendements sont donc stables, grâce à nos méthodes de valorisation par les DCF, garantes de logiques de long terme et de stabilité sur les projets. Pour l’après, nous considérons comme finalement très positif d’avoir pu démontrer notre résistance via la stabilité de nos cash flows, notre expertise, et la recherche d’une certaine diversification dans nos portefeuilles. Nous pourrons ainsi nous renforcer sur nos classes d’actifs, grâce à notre expertise, qui ont su démontrer une certaine stabilité des revenus.

Nous considérons comme très positif d’avoir pu démontrer notre résistance 

Comptez-vous mettre l’accent sur une classe d’actifs en particulier ?

Nous souhaitons être un acteur clef en matière de transition énergétique : si reprise il y a, celle-ci sera très forte sur quelque chose d’à la fois solide et qui ont du sens. Être un acteur du financement de la transition énergétique pourrait être un atout pour nous, non seulement de par ses revenus stables mais aussi avec des actifs « sensés » en termes d’engagement, d’impact environnemental et sociétal. En tant qu’acteurs sur le secteur du capital investissement, je pense qu’il va nous falloir porter un regard différent, plus ouvert et solidaire, sur un certain nombre d’actions de société. Ce développement comme source d’opportunité post crise, sera un élément fondamental de notre stratégie et sur lequel nous souhaitons appuyer et rebondir afin d’intéresser des investisseurs et paradoxalement aussi des clients qui ont d’ores et déjà pris contact avec nous. Clients comme investisseurs démontrent actuellement une certaine disponibilité pour discuter de choses nouvelles pour saisir des opportunités post crise. Pour rappel, nous sommes nés d’une crise, ayant rebâti notre modèle économique après 2008 en devenant indépendants. La première crise nous a fait naître, nous espérons que la seconde sera un accélérateur de développement.

Quels freins à la reprise identifiez-vous ?

Mon bémol est qu’il va falloir être extrêmement prudent sur les risques de contreparties et les partenaires avec qui travailler : cela créera inévitablement des tensions entre acteurs économiques. Par ailleurs, certains goulots d’étranglement sont possibles, notamment dans le secteur industriel, les rythmes de reprises ne vont pas être identiques pour tous les acteurs économiques. Il faudra que chacun soit acteur de ses propres engagements en matière RSE, c’est un défi pour construire le monde de demain.

Propos recueillis par Boris Beltran

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