Matthias Navarro explique à Décideurs pourquoi la crise actuelle renforce ses convictions. Il revient également sur la manière dont le groupe qu'il a cofondé avec Nicolas Ponson s’adapte à cette situation inédite.

Décideurs. Quel est l'impact à date de la crise sanitaire et du confinement sur votre activité ? 

Matthias Navarro. Le groupe Redman a deux activités très distinctes mais complémentaires. Dans le cadre de la première, Redman est un promoteur immobilier qui emploie une cinquantaine de collaborateurs. Nous sommes moins impactés dans le cadre de cette activité car nos opérations se déroulent sur un temps long. Après avoir été arrêtés plusieurs semaines le temps de mettre en place toutes les mesures de protection sanitaire nécessaires, nos six chantiers ont quasiment tous repris. Nous avons eu la chance de pouvoir livrer avant le début de la crise actuelle trois de nos gros projets : Sense (19 000 m²) à La Défense, Grand Central (23 000 m²) à Paris 8e et le siège du Monde (22 000 m²) à Paris 13e. Naturellement, la prospection foncière a également été arrêtée. Mais tous les projets en cours de développement poursuivent leurs routes sans encombre jusqu’à maintenant. Nous avons ainsi signé par exemple la promesse d’achat d'un terrain au cœur de la ZAC de la Presque’île à Grenoble. Ce foncier accueillera le programme mixte « Connect People » qui regroupera un hôtel 4* de 100 chambres, quelques unités de coliving, 3 500 m² de bureaux, un restaurant-bar, une salle événementielle, un espace fitness / spa / piscine, un centre de coworking, un tiers-lieu destiné à favoriser les liens sociaux et apporter des services aux usagers ainsi qu'un parking mutualisé de 130 places. Redman exerce également le métier d’investisseur-exploitant hôtelier. Nos trois établissements existants sont fermés depuis la mi-mars et nous sommes dans l’attente des directives gouvernementales concernant le calendrier et les conditions de réouverture.

La solidarité est le leitmotiv des professionnels de l'immobilier depuis le début du confinement. Comment cela se matérialise-t-il au sein de votre activité ? 

Elle est au cœur de nos préoccupations quotidiennes. Nous sommes en permanence à l’écoute des problématiques de nos collaborateurs pour assurer la continuité de l’activité sans que cela se fasse au détriment de leur bien-être. Notre boulot de chef d’entreprise, est avant tout d’être attentif aux équipes. Concernant notre écosystème, nous restons présents auprès de nos partenaires, notamment ceux fragilisés par la crise, et nous continuerons dans les mois à venir. Rester solidaires de la chaîne de paiement est indispensable à la continuité de notre économie.

Quel regard portez-vous sur l’action du gouvernement français dans cette situation de crise sanitaire ?

L’ensemble des pays fortement connectés à l’international ont été confrontés à une crise inédite, soudaine et brutale. A titre personnel, je ne ressens pas d’angoisse à l’heure actuelle sur la gestion de la pandémie en France. Nous devons laisser agir ceux qui sont aux manettes. Le moment de l’analyse et des éventuels comptes à rendre viendra plus tard. Je demeure toutefois mobilisé sur le fait que le gouvernement ne doit en aucun cas annuler ou suspendre les engagements environnementaux souscrits avant la crise.

Comment préparez-vous le déconfinement ? 

Avec Nicolas Ponson, mon associé, nous avons déjà anticipé notre organisation post-11 mai. Le télétravail demeurera la règle et le présentiel l’exception. Mais beaucoup de salariés se retrouvent isolés aujourd’hui. Nous préparons donc nos bureaux et les équipements nécessaires pour recevoir nos collaborateurs en nombre limité et ainsi continuer à faire avancer les dossiers. Nous discutons également avec nos parties prenantes pour comprendre comment chacun souhaite relancer son activité.  

Dans quelle mesure cette crise sanitaire pourrait faire évoluer à moyen terme votre stratégie et les grands principes de fonctionnement du secteur de la fabrique de la ville selon vous ?

Cette crise conforte l’ambition de Redman qui répond aux défis posés par le changement climatique et les inégalités sociales. Rendre nos villes plus résilientes aux épidémies comme celle du Covid-19 n’est pas contradictoire avec ces enjeux, bien au contraire. Pour bâtir la ville bas-carbone et inclusive de demain, le menu est copieux : freiner l’étalement urbain et favoriser la densité, travailler sur l’approvisionnement alimentaire, privilégier les mobilités douces pour qu’elles deviennent dominantes par rapport à la voiture, développer les plantations d’arbres pour améliorer la qualité des espaces publics et lutter contre les ilots de chaleur et surtout produire des logements abordables dans le cadre de méthodes de construction peu carbonée. La crise que nous vivons aujourd’hui est sans commune mesure avec celle qui nous attend demain si nous ne traitons pas tous ces sujets. Redman étant un groupe totalement indépendant, nous avons cette faculté de pouvoir continuer à nous concentrer sur ces questions qui font sens pour nous et nous allons inviter tous nos partenaires à accentuer leurs démarches dans cette perspective.

Propos recueillis par François Perrigault (@fperrigault)

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