Le sujet de la dette est crucial pour l’industrie immobilière dans cette période de confinement et de crise sanitaire. Christophe Murciani, directeur des fonds de prêts immobiliers d’Acofi Gestion, explique son approche et partage son analyse du marché avec Décideurs.

Décideurs. La solidarité est le leitmotiv des professionnels de la fabrique de la ville depuis le début du confinement. Comment cela se matérialise-t-il au sein de l'activité de dette immobilière d'Acofi Gestion ?

Christophe Murciani. En interne, Acofi a pris le parti de mettre ses équipes à l’abri dès le vendredi 13 mars. Ce premier test de télé-travail généralisé a bien fonctionné et nous avons donc poursuivi dans cette voie dès le lundi 16 mars. Notre solidarité s’est ensuite exprimée envers nos investisseurs. Nous leur avons adressé à tous une lettre d’information le 12 mars pour décrypter les conséquences de la crise sanitaire sur les portefeuilles. Des mises à jour sont régulièrement effectuées depuis. Acofi ayant développé historiquement, après sa création en 1990, une activité de rachat de créances douteuses, très active notamment durant la crise de l’immobilier dans les années 1990, nous avons les bons réflexes dans ce genre de situation et sommes outillés pour traverser ces périodes.

Enfin, la solidarité s’exprime également envers nos emprunteurs. Un certain nombre d’entre eux comptent des TPE/PME en difficultés parmi leurs locataires ou bien détiennent des actifs commerciaux ou hôteliers. Nous avons d’ores et déjà organisé un comité de pilotage en interne pour définir la marche à suivre. Nous étudierons les dossiers au cas par cas. Nous n’hésiterons pas à reporter les échéances ou à œuvrer en ce sens si nous faisons partie d’un pool de prêteurs dans le cas où l’emprunteur serait confronté à de réelles difficultés. A contrario, nous resterons fermes avec les acteurs qui ont les épaules suffisamment solides pour passer cette période de turbulences, et chercheraient à bénéficier d’un effet d’aubaine. A l’heure actuelle, sur une trentaine de créances, nous avons reçu trois demandes officielles d’aménagement d’échéanciers et nous devrions en recevoir deux autres prochainement. En parallèle, nous continuons à recevoir des demandes classiques de financement sur des opérations d’acquisitions en cours ou à l’étude. Le volume s’est néanmoins réduit, passant de 3-4 projets reçus par semaine à 1-2. Nous n’avons pas recueilli de dossiers de refinancement pour l’instant.

Quelles sont vos propositions pour solutionner les problèmes liés à cette situation dans le financement immobilier ?

L’activité hôtelière va avoir besoin d’intelligence collective. Nous pourrions apporter des financements complémentaires aux exploitants des établissements pour lesquels nous avons déjà mis en place des montages hypothécaires afin de les aider à passer cette période difficile. Mais nous avons besoin d’être éligibles à la garantie de Bpifrance pour ce faire. Ce n’est pas le cas des fonds de prêts aujourd’hui. Ce cas de figure pourrait également s’appliquer aux résidences gérées, secteur où le schéma propriétaire-exploitant est similaire.

"Nous pourrions assister à une nouvelle évolution dans la répartition de l’activité en financement immobilier entre les prêteurs traditionnels et les acteurs alternatifs"

Dans quelle mesure cette crise sanitaire pourrait faire évoluer à moyen terme votre stratégie et les grands principes de fonctionnement du secteur du financement immobilier ? 

Les grands principes de fonctionnement de notre secteur devraient rester sensiblement les mêmes, c’est-à-dire des financement structurés, sécurisés par des hypothèques et autres cessions de loyers, encadrés par le biais de covenants financiers. Mais nous pourrions assister à une nouvelle évolution dans la répartition de l’activité en financement immobilier entre les prêteurs traditionnels et les acteurs alternatifs au profit de ces derniers. Concernant notre stratégie à moyen terme, il est évident que la hiérarchie des risques sera complètement bouleversée. Dans la logistique, l’entrepôt de stockage pourrait retrouver ses lettres de noblesse car les chaînes de production hyper-tendues montrent leurs limites. L’expérience de télé-travail forcé pourrait également amener des changements d’habitude et avoir un impact à la baisse sur la consommation de bureaux. De même, le risque sanitaire fera sans doute évoluer les déplacements professionnels ou le secteur des loisirs. Nous allons devoir redécouvrir ce que vaut un actif de loisirs, de commerce, un portefeuille de cinéma… Nous n’en sommes qu’au stade des spéculations mais Acofi est équipée pour sonder les marchés et identifier les prochaines tendances qui orienteront notre offre de fonds aux investisseurs et notre production de créances.

Propos recueillis par François Perrigault (@fperrigault)

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