Quelles seront les conséquences à court et moyen termes de la pandémie sur l’immobilier de bureaux ? Knight Frank France livre une première analyse alors que la durée précise de la période de confinement reste encore incertaine.

« La mise en place de restrictions sévères destinées à contenir la pandémie a bloqué le marché des bureaux d’Ile-de-France ». Le conseil Knight Frank France a publié une note pour évaluer les conséquences de la pandémie de Covid-19 sur l’immobilier tertiaire francilien. Dans leur grande majorité, les utilisateurs ont ajourné leurs décisions et remis à plus tard la concrétisation de leurs projets immobiliers. « Il s’agit là d’une première différence avec la situation observée lors des précédentes crises, dont les effets n’avaient pas mené à un arrêt aussi brusque de l’activité », note le conseil. Sans certitude sur la durée de la période de confinement, difficile de savoir quand elle redémarrera. « Avec un acquis de demande placée atteignant moins de 500 000 m² au 1er trimestre, le volume consommé sur l’ensemble de 2020 sera donc nettement inférieur à la moyenne décennale en Île-de-France (2,3 millions de m²) et, au mieux, proche des deux points bas des deux dernières décennies (1,48 million en 2002, 1,75 million en 2013) ». Le comportement des grands utilisateurs sera probablement décisif. Si la faiblesse du segment des grandes surfaces, observée depuis déjà quelques mois, s’accentue, elle amplifiera la baisse des volumes commercialisés. Si ce créneau de marché résiste, cela permettrait en revanche de soutenir l’activité. De fait, pour les grands groupes, crise économique, ralentissement de l’activité et recherche d’économies ne signifient pas nécessairement absence de mouvements immobiliers. « Après avoir perdu un peu d’importance au profit des problématiques d’attraction des talents et de bien-être des salariés, les projets de rationalisation pourraient ainsi redevenir un moteur de l’activité locative, souligne l’étude. Les grands utilisateurs désireux de rationaliser leur immobilier seront d’autant plus enclin à déménager que l’offre augmentera et que les loyers seront corrigés à la baisse ». La conjoncture pourrait alors devenir plus favorable pour certains pôles de périphérie, en particulier dans les secteurs traditionnels de report de l’Ouest ou de la 1ère couronne (Saint-Ouen, Saint-Denis.

Offre future : entre suroffre et normalisation

Plus d’1,5 million de m² de bureaux étaient en cours de chantier en Île-de-France au début de 2020. Ce niveau historiquement élevé laissait présager, avant même le début de la crise, une hausse générale de l’offre. Avec la crise, la remontée des taux de vacance devrait s’amplifier d’après Knight Frank France, même si l’arrêt des chantiers lié aux contraintes sanitaires aura pour effet de reporter la livraison des opérations en cours et de décaler d’autant l’arrivée sur le marché des nouvelles offres. Par ailleurs, la situation restera très contrastée selon les différents pôles tertiaires franciliens. Dans Paris, la part élevée des pré-commercialisations (59 % des m² actuellement en chantier) devrait ainsi permettre de compenser la baisse de la demande et contenir la progression de la vacance. L’augmentation de l’offre devrait être bien plus nette dans d’autres secteurs, comme La Défense et certains marchés de 1ère Couronne. Enfin, le déséquilibre devrait également s’accentuer dans le Nord, où seuls 10 % des m² en chantier ont été pré-loués. Deux éléments pourraient contenir la hausse de l’offre note néanmoins l’étude. Les secteurs les plus offreurs pourraient bénéficier du report de grands utilisateurs à la recherche du meilleur rapport qualité-prix. Et le coup d’arrêt porté à l’activité locative par la crise du Covid-19 devrait inciter les investisseurs à reporter ou ajourner les opérations qui étaient en attente de lancement, ce qui aura pour effet de limiter les livraisons potentiellement attendues en 2022 et au-delà, et d’amoindrir la pression baissière sur les loyers. « En plus de la suspension des chantiers, l’ajournement de l’instruction et de la délivrance des autorisations d’urbanisme aura également des conséquences sur le planning des projets, le report du second tour des élections municipales ajoutant aussi à l’incertitude, complète Knight Frank France. Enfin, les projets de transport vont prendre du retard, ce qui impactera les grands secteurs de développement du Grand Paris Express. »

La fin de la croissance des valeurs locatives

Le manque de visibilité demeurera tant que les mesures de restriction ne seront pas levées. Mais le flou pourrait se prolonger même après cela, favorisant ainsi l’attentisme des utilisateurs et continuant de peser sur l’activité locative. Comme pour l’offre et l’évolution des taux de vacance, la situation sera très contrastée selon les différents marchés. Contrairement à la plupart des grands pôles tertiaires franciliens, la correction des valeurs était déjà en œuvre à La Défense avant que ne survienne la crise du Covid-19. La baisse pourrait désormais s’accentuer en raison de la hausse des livraisons et des libérations. En revanche, la baisse pourrait être limitée à Paris en raison du faible nombre d’opérations en chantier disponibles, d’un socle d’utilisateurs captifs dans des secteurs à forte valeur ajoutée (luxe, conseil, finance, etc.) et de tendances structurelles favorables à la capitale.

Evolution plutôt que révolution dans les espaces de travail

La crise sanitaire a bousculé les modes de travail avec l’adoption généralisée du télétravail. Les grandes grèves de décembre 2019 avaient à cet égard constitué un premier test. « Une fois la crise passée, plus rien ne sera comme avant, précise Knight Frank France. Pour autant, la lame de fond créée par la crise sanitaire ne remettra pas en question la pertinence des immeubles de bureaux. Bien au contraire, la période de confinement convaincra les managers du bien-fondé de ces espaces et de la nécessité pour les collaborateurs de maintenir un contact physique ». C’est donc un scénario médian que privilégie le conseil, entre progression du télétravail d’une part, et consolidation de la place des bureaux comme espaces de sociabilité favorisant le bien-être, la productivité et l’innovation des entreprises d’autre part. Certaines entreprises pourraient réduire les surfaces qu’elles occupent au profit de bureaux « flagships », aux aménagements plus soignés et situés dans les quartiers les plus prisés, d’après l’étude : « leur coût plus élevé serait ainsi compensé par la diminution des surfaces occupées, mais aussi par les gains générés en matière de rétention des meilleurs profils, d’amélioration de l’image de l’entreprise, etc. » Par ailleurs, la crise sanitaire majeure qui frappe aujourd’hui le monde pourrait se répéter, et utilisateurs comme bailleurs seront plus attentifs à la gestion des risques, qu’ils soient sanitaires ou environnementaux. « Dans ce contexte, la tendance des entreprises à regrouper leurs effectifs au sein de grandes ou très grandes surfaces pourrait-elle s’inverser au profit de stratégies multisites ? Rien n’est moins sûr, les utilisateurs continuant de privilégier la collaboration entre équipes tout en étant plus attentifs à la maîtrise des coûts immobiliers, conclut Knight Frank France. En revanche, les espaces de travail évolueront pour assurer la sécurité des collaborateurs et la continuité de l’activité en cas de nouveau choc. »

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