P. Pelletier : "Le Plan Bâtiment Durable va s’atteler à la nécessaire pédagogie autour du décret tertiaire"
Décideurs. Quel bilan tirez-vous près de onze ans après la création du Plan Bâtiment Durable ?
Philippe Pelletier. L’idée d’une entité intercalaire entre la société et les pouvoirs publics a montré son efficacité et sa robustesse. Robustesse d’abord car le Plan Bâtiment Durable a résisté à l’épreuve du temps. Efficacité ensuite car cette mise en réseau des acteurs a su répondre aux besoins suivant les périodes. Dans un premier temps, nous avons fait preuve de créativité puis nous avons décliné le concept au niveau des territoires. Depuis quelques mois, nous sommes entrés dans une troisième phase d’appui à la mise en œuvre des dispositifs, notamment à travers la concertation, que nous menons aux côtés de l’administration, sur l’écriture du « décret tertiaire » ou le futur diagnostic de performance énergétique. En parallèle, le Plan Bâtiment Durable est fortement mobilisé dans le cadre du déploiement du programme CEE permettant de renforcer l’information, le conseil et l’accompagnement des ménages pour la rénovation énergétique, piloté par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Ainsi, le réseau du Plan Bâtiment Durable s’est consolidé et étendu au fil des années avec plusieurs milliers de personnes qui en sont désormais membres.
Quel sera le rôle du Plan Bâtiment Durable dans la mise en application du décret tertiaire ?
Pour rappel, le Plan Bâtiment Durable s’est, dès 2013, saisi du sujet en embarquant, sans attendre la publication du décret tertiaire, les acteurs tertiaires volontaires, publics et privés, dans la rénovation de leur parc à travers la « charte tertiaire » qui compte aujourd’hui 137 signataires. Nous avons organisé, à l’appui de l’administration, la concertation préparatoire à la rédaction du « décret tertiaire » et poursuivons notre action en prévision de l’arrêté associé. Nous avons également produit un guide, présenté à l’occasion d’une conférence au SIMI, en partenariat avec la RICS, la FSIF et l’ADI, pour sensibiliser les acteurs à la nouvelle obligation. Le Plan Bâtiment Durable va désormais s’atteler à la nécessaire pédagogie autour du décret, notamment sur les territoires en activant ses réseaux. En parallèle, le comité de pilotage de la « charte tertiaire » rassemblera les remontées des acteurs assujettis sur la mise en œuvre du texte pour ajuster l’outil réglementaire si besoin.
Quelles sont vos préconisations pour atteindre les objectifs de la réglementation environnementale 2020 ?
Dès la mise en place de la réglementation thermique 2012, nous avons installé le groupe de travail RBR 2020-2050 qui a proposé un passage à l’approche environnementale dans le cadre de la réglementation suivante. Cela se traduit par l’intégration d’un indicateur carbone qui va prendre une place majeure dans les calculs. Une fois cette entrée carbone actée, nous avons préconisé la mise en place d’une expérimentation grandeur nature. Le label E+C- a ainsi permis d’affiner la mesure du poids carbone des nouveaux bâtiments. Pour l’heure, la concertation organisée sous l’égide du Conseil supérieur de la construction et de l’Etat doit être traduite par de premières orientations afin de donner un cadre technique aux acteurs immobiliers. À mon sens, nous pouvons nous permettre une application un peu différée dans le temps si tous les sujets n’ont pas été traités correctement en 2020. Enfin, je crois aux bienfaits d’un label qui s’inspirerait d’E+C- et aborderait également des sujets peu traités aujourd’hui, comme la qualité de l’air intérieur ou le bien-être des occupants. Cela permettrait à la réglementation d’avoir une courbe d’apprentissage et répondrait aux attentes des acteurs qui veulent aller au-delà des objectifs fixés par la réglementation.
Propos recueillis par François Perrigault (@fperrigault)
Cette interview est extraite du guide Construction-Promotion-Infrastructures 2020 de Décideurs