Afféré à l’exécution de son ambitieux plan de développement, Spie batignolles fait feu de tout bois. Entre croissance externe, internationalisation et actionnariat, Jean-Charles Robin, président du groupe, revient avec la rédaction de Décideurs, sur une année charnière.

Décideurs. Quel bilan faites-vous de l’année écoulée ?

Jean-Charles Robin. L’année 2019 a été conforme à nos attentes. Nous enregistrons 5 % de croissance de la prise de commandes et de la production. Cette progression profite à l’ensemble de nos segments de marché. Nous sommes particulièrement satisfaits de la contribution de nos activités de proximité à cette croissance, aucun grand projet du type Grand Paris n’étant venu gonfler notre carnet de commandes en 2019. Rappelons que la part des activités de service est essentielle dans notre business model puisqu’elle représente 30 % du chiffre d’affaires du groupe. L’année a également été marquée par plusieurs opérations de croissance externe : acquisition de Vallia, l’un des leaders de l’aménagement paysager, celle de Pieux Ouest, qui renforce notre activité historique de fondations, et enfin l’entreprise Mercier qui complète nos activités de maintenance dans le domaine de l’énergie.

La filière du BTP s’inquiète chaque année un peu plus de la faiblesse des marges. Comment abordez-vous ce sujet ?

Nous connaissons en effet une époque de marges tendues. Le paradoxe de la construction est que les volumes ont rarement été aussi importants depuis dix ans alors que les marges, elles, se réduisent. Cette situation est commune à tous nos métiers : infrastructures, bâtiments et énergie. Cela tient à deux raisons. Tout d’abord, les volumes réduisent fortement la disponibilité des entreprises sous-traitantes… L’image que renvoie une entreprise de construction est celle d’un gros producteur, mais en réalité, 60 % de ce que nous produisons est fait d’achats : intérims, matériaux, sous-traitance… Par ailleurs, la pression des prix est sans cesse plus forte, le TRI étant devenu la donnée d’entrée incontournable. Néanmoins, les marges ne se sont pas catastrophiquement dégradées et les prix de revient restent équilibrés. Nous allons dégager cette année un résultat opérationnel supérieur à 3 %, un score honorable dans notre catégorie d’entreprise.

Vous avez mis un fort accent sur votre activité immobilière, quelles sont vos ambitions ?

Nous faisons de la promotion immobilière depuis longtemps. Historiquement, nous réalisions quelques grandes opérations par an, uniquement en montage, et plutôt en Île-de-France. Rappelons par exemple le projet Cœur Saint-Lazare auquel nous avons participé. Mais depuis deux ans, nous développons un modèle d’opérations plus petites en régions. Nous avons ouvert un réseau de développeurs Spie batignolles immobilier dans plusieurs grandes villes en nous positionnant, notamment sur le logement, à la fois en propre et en co-promotion. L’ambition affichée est de réaliser 250 millions d’euros d’activités immobilières à l’horizon 2022, contre 100 millions aujourd’hui, avec des volumes unitaires compris entre 20 millions et 40 millions. Nous tenons à rester un promoteur-constructeur.

Pouvez-vous nous en dire plus à propos de l’acquisition du groupe Vallia ?

L’opération est issue d’une analyse stratégique menée il y a deux ans : quels métiers manquaient à Spie batignolles pour répondre aux besoins du monde qui nous entoure ? Positionnés à la fois en bâtiments et en infrastructures, il est fondamental pour nous d’appréhender l’environnement autour de ces objets que nous construisons. Nous nous sommes donc intéressés à des cibles qui permettraient de constituer la brique de base de notre développement sur ce sujet. L’entreprise Vallia nous a paru intéressante puisque déjà structurée sur son marché et positionnée à la fois sur l’urbain et le rural. Les bases technologiques et professionnelles étaient déjà là. Le fondateur, qui reste présent au capital, voulait se développer ; Spie batignolles lui apporte la capacité de procéder au développement envisagé. Plus qu’un rachat, c’est avant tout une alliance ! Notre objectif est maintenant de doubler le chiffre d’affaires de la structure. Cela passera par l’ouverture de nouvelles agences, notre propre réseau accélérant ce plan de développement. Nous envisageons aussi d’autres opérations de croissance externe, le marché n’étant pas totalement concentré. À terme, nous ambitionnons de proposer cette offre sur l’ensemble de notre maillage territorial.

Des acquisitions au Canada en Europe ne sont pas à exclure 

Quid de l’international ?

Notre redéploiement à l’international a démarré il y a trois ans et se concentre sur trois zones géographiques : Europe occidentale, Amérique du Nord et Afrique de l’Ouest, sur lesquelles notre volume d’activité et de prise de commandes avoisine les 100 millions d’euros. Notre ambition est de parvenir à 250 millions d’euros en 2022, mais notre premier critère restera de travailler sur des projets financés. Nous nous montrons donc extrêmement sélectifs, notamment en Afrique. Sur l’Europe, nous nous positionnons sur les projets où nous pouvons faire valoir une différenciation technologique : c’est particulièrement le cas dans le domaine des fondations de lignes électriques à haute tension. Des opérations de croissance externe au Canada et en Europe ne sont pas à exclure.

Nous avons fait le choix de nous désengager de nos activités de concessions

Les concessions font-elles partie de votre stratégie ?

Nous avons fait le choix récent de nous désengager de nos activités de concessions. Nous avons cédé, l’été dernier, l’intégralité de nos 25 000 places de parking, secteur assez mature dans lequel il était devenu difficile de réaliser des marges. Nous avons par ailleurs une activité de concessions dans le domaine des piscines. Ce marché est très porteur en matière de construction ; il est plus complexe s’agissant de concessions, ce qui nous amène, là aussi, à céder nos activités. Plus généralement, notre modèle de constructeur l’emporte sur celui de concessionnaire et notre stratégie privilégie de nouvelles offres au service de l’aménagement des villes et des territoires.

Un mot sur votre modèle actionnarial ?

Le 23 janvier 2019 est une date importante pour le groupe, puisque nous avons renouvelé l’actionnariat de Spie batignolles. En LBO depuis 2003, les managers sont propriétaires de plus de 50 % du capital de l’entreprise. C’est une caractéristique que nous avons renforcée lors de la sortie d’Ardian en faisant entrer 200 nouveaux managers au capital, portant le nombre de cadres actionnaires à 300. Par ailleurs, notre plan d’épargne groupe fonctionne très bien, avec un fort engagement des salariés, puisque 2019 est l’année où nous avons reçu la plus forte souscription. Au total, près de 80 % du capital sont aujourd’hui détenus en interne. Cette stabilité actionnariale nous permet d’envisager l’avenir sereinement. Nous sommes l’une des entreprises de construction avec la plus importante part de salariés et cadres actionnaires. Cela démontre l’implication des collaborateurs et leur confiance dans la stratégie de développement du groupe, et illustre aussi la manière dont nous envisageons la RSE chez Spie batignolles.

Propos recueillis par Boris Beltran

Cette interview est extraite du guide construction 2020 de Décideurs qui paraîtra en février.

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