P. Denise (UniCaen) : "Le processus de dévolution prend du temps mais il n’est pas compliqué"
Décideurs. Que représente le patrimoine immobilier de l’UniCaen ?
Pierre Denise. Il totalise 283 000 m². Mais l’ensemble de ces surfaces ne seront pas toutes dévolues car certains bâtiments appartiennent aux départements. Dans un premier temps, environ 257 000 m² nous seront transférés, soit 91 bâtiments sur six agglomérations (Caen, Cherbourg, Saint-Lô, Alençon, Vire et Lisieux).
Quand la dévolution sera-t-elle effective ?
Après la signature par l’Etat de l’acte de transfert des biens de l’Etat vers l’université prévue cet été, nous devrions signer la convention de dévolution au moins d’octobre en présence de Frédérique Vidal, la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, convention qui rendra effectif le passage au statut de propriétaire. Ensuite, nous lancerons le travail pour établir les actes notariés correspondants.
Comment avez-vous préparé cette dévolution ?
J’ai pris la présidence de l’UniCaen en avril 2016 quand le ministère a lancé la deuxième vague de dévolution. Dans le même temps, les services immobiliers de l’université venaient de monter en compétences car nous lancions la rénovation de notre campus historique tout en assurant la maitrise d’ouvrage de l’opération. Nous avons décidé de nous positionner sur le processus de dévolution afin de bénéficier de l’expertise du ministère et des services immobiliers de l’Etat dans une démarche d’évaluation. Cette dernière, réalisée par l’inspection générale de l’administration de l’Education nationale et de la Recherche (IGAENR), a été positive. Elle nous a également fait prendre conscience de l’intérêt de maitriser notre patrimoine. Nous avons donc décidé de nous lancer pleinement dans le processus fin 2016. Nous avons ensuite approfondi la connaissance de notre immobilier et établi un schéma pluriannuel de stratégie immobilière. Outre ce travail interne, nous avons échangé avec le ministère, les services de Bercy, le rectorat… Ces différentes actions ont duré deux ans.
Quelle sont les grandes lignes de la stratégie immobilière qui a été élaborée ?
Nous avons commencé par réaliser un diagnostic. Résultats : notre patrimoine conséquent, souvent ancien, pose des problèmes en matière d’occupation. Notre schéma pluriannuel de stratégie immobilière prévoit donc une rationalisation des espaces pour générer des économies et valoriser les autres bâtiments, ceux classés monuments historiques et les moins difficiles à rénover, pour en faire des ensembles performants, notamment au niveau de l’efficacité énergétique et de l’implantation des nouvelles technologies nécessaires pour la pédagogie et la recherche. Nous pourrions aussi participer au développement de certaines zones comme le campus 2 au nord de l’agglomération de Caen où un véritable cluster scientifique a été constitué au fil des années. Cet ensemble a néanmoins besoin d’être repensé d’un point de vue urbanistique car il manque de lisibilité. Nous pourrions jouer un rôle majeur dans ce projet avec les autres parties prenantes du secteur en pilotant des opérations de restructuration et de construction.
Quels sont les pièges à éviter dans la dévolution selon vous ?
Si nous nous en tenons aux droits et devoirs d’une université, il n’y a ni piège ni bonus. Toutefois, il ne faut pas penser que la dévolution va transformer l’université en opérateur immobilier qui bénéficierait de ressources supplémentaires.
Comment allez-vous financer les opérations prévues dans le schéma pluriannuel de stratégie immobilière ?
Nous avons opté pour l’intracting, un dispositif porté par la Caisse des Dépôts dont bénéficie une dizaine d’universités. Il consiste à investir dans le développement durable afin de réaliser des économies d’énergie et, grâce à une ingénierie financière spécifique, à rembourser les sommes prêtées par la Banque des Territoires. Les montants restent relativement limités mais ils présentent l’avantage de ne pas être considérés comme des emprunts, système auquel les universités n’ont pas accès actuellement. En parallèle, nous pourrions nouer des partenariats avec des acteurs privés, d’autres institutions publiques ou des collectivités territoriales. L’UniCaen fait par exemple partie d’un groupe de travail qui a pour objectif de faire rentrer des universités dans des sociétés publiques locales. Un tel droit nous permettrait de valoriser notre patrimoine. Enfin, nous pourrions vendre quelques parcelles et bâtiments à la marge.
Comment améliorer la dévolution du patrimoine des universités selon vous ?
Le processus prend du temps mais il n’est pas compliqué. En revanche, l’Etat devrait accompagner ce mouvement avec la mise en place d’une stratégie claire et visible sur son propre patrimoine. Ce dernier est une véritable bombe énergétique. Si le sujet était enfin traité avec des dispositifs adéquats, davantage d’universités seraient enclines à se lancer dans la dévolution.
Propos recueillis par François Perrigault (@fperrigault)