T. Bonniol (BNP PRE) : "Le début de l’année a été timide pour le marché immobilier du commerce de centre-ville"
Décideurs. Quels enseignements tirez-vous des premiers mois de l’année pour le marché immobilier du commerce de centre-ville ?
Thierry Bonniol. Le début de l’année a été timide. La situation a commencé à se résorber au premier trimestre 2019. Et depuis quelques semaines, nous constatons un regain dans la volonté de développement des enseignes. 2018 a été une année exceptionnelle mais les manifestations qui ont eu lieu en fin d’année les samedis, période et jour où les enseignes réalisent une grande partie de leur chiffre d’affaires, ont fragilisé les performances.
Quels sont les secteurs d’activité porteurs et ceux qui souffrent ?
La restauration dans son ensemble connaît une forte croissance depuis plusieurs mois avec l’émergence de nouveaux concepts et la rénovation d’autres existants. Selon l’Insee, le chiffre d’affaires de ce secteur a progressé de 6,27 % au quatrième trimestre 2018. Le secteur culture-loisirs a connu un fort repli au T4 2018 même si la croissance reste positive (+0,58 % au T4 2018). L’alimentaire, qui est porté par la tendance du bio, a enregistré une progression de son chiffre d’affaires de 4,39 % au T4 2018. Les magasins alimentaires spécialisés telles que les boulangeries, les boucheries et les poissonneries ont également le vent en poupe avec le retour aux saveurs authentiques et la montée en gamme de l’offre proposée (+6,81 % au T4 2018). L’ameublement et l’habitat enregistre un léger repli, même si la croissance reste positive (+1,44 %). Il en va de même pour le secteur parfumerie-cosmétique qui connaît un fort ralentissement (+1,72 % au T4 2018). A contrario, l’habillement-textile est en recul (-1,86 %).
"La rue de Rivoli souffre car de grandes surfaces ont été libérées par des enseignes du textile et le chantier de la Samaritaine a pris du retard"
Quid des enseignes ?
Les grandes enseignes du prêt-à-porter ont opéré des choix stratégiques et réduit leur nombre de magasins ces dernières années afin de créer de nouveaux univers. H&M ne compte plus que cinq magasins à Paris par exemple. Mais ce sont de véritables flagships qui rassemblent tout l’univers de la marque. Nous sommes ainsi passés d’une logique de gain de parts de marché grâce à l’ouverture de nouvelles boutiques à celui de rationalisation du parc avec des enseignes qui ont désormais une notoriété suffisamment forte pour inciter les clients à se déplacer. Quant aux « must have », ce sont les enseignes alimentaires présentes sur le marché de longue date comme Monoprix et celles qui peuvent réaliser des restructurations et de beaux aménagements. Le secteur du luxe reste particulièrement prisé, notamment pour sa capacité à magnifier les immeubles.
Quelles sont les localisations les plus recherchées et celles en difficulté ?
Le haut du Marais reste très recherché, tout comme le secteur des grands magasins autour de Madeleine et d’Opéra. Et nous avons de plus en plus de demandes sur l’Est parisien, ce qui montre un déplacement progressif du centre de gravité du commerce de centre-ville dans la capitale. Les enseignes luxe et haut-de-gamme restent à l’affut de belles opportunités sur l’avenue des Champs-Elysées. En revanche, la rue de Rivoli souffre car de grandes surfaces ont été libérées par des enseignes du textile et le chantier de la Samaritaine a pris du retard. Nous recevons également moins de demandes pour la rue de Rennes.
"Je ne serai pas étonné de voir dans les prochaines années la création d’un grand food court à Paris sur le modèle des halles alimentaires de Lisbonne et Madrid"
Comment ont évolué les valeurs locatives depuis le début de l’année ?
Des corrections ont été constatées, principalement au niveau des emplacements qui souffrent. Nous avons enregistré des baisses pouvant aller jusqu’à 20 % dans certaines métropoles régionales. Les valeurs des localisations prime, déjà élevées, sont restées stables.
Quels seront les prochains concepts innovants qui animeront les centres-villes français ?
Dans la lignée du développement d’Eataly en France, je ne serai pas étonné de voir dans les prochaines années la création d’un grand food court à Paris sur le modèle des halles alimentaires de Lisbonne et Madrid. En parallèle, le secteur du fitness connaît une profonde transformation. Les nouveaux formats font part belle aux coachings et à la spécialisation par disciplines. Enfin, des enseignes commencent à sérieusement étudier une implantation à Paris pour profiter de la dynamique liée aux Jeux Olympiques Paris 2024.
Propos recueillis par François Perrigault (@fperrigault)