Alors que l’incertitude entourant le Brexit reste totale, le professeur Christian de Boissieu a fait le point devant un parterre de professionnels de l’immobilier sur les problématiques financières qui se posent et leur impact possible en matière de relocalisations. Explications.

« Les relocalisations résultant du Brexit ne font que commencer ». Le professeur et économiste Christian de Boissieu a partagé sa grille de lecture sur les conséquences de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne lors d’un petit-déjeuner débat organisé mercredi 17 avril par l’Institut du financement des professionnels de l’immobilier (IFPImm). Il a insisté en particulier sur deux cas : les sociétés de gestion et les chambres de compensation.

« Les sociétés de gestion localisées à Londres et ayant recours au passeport européen pour déployer leur stratégie sur le continent vont augmenter la voilure, voire ouvrir de nouveaux bureaux. Paris en profite mais la plupart vont aujourd’hui à Luxembourg, plus en raison de la réactivité de l’instance de régulation locale que pour bénéficier d’une fiscalité attractive ». Et d’ajouter : « Les régulateurs, Autorité des marchés financiers (AMF) et European securities and markets authority (ESMA) en tête, vont lutter contre le phénomène des « boîtes aux lettres ». Pour ce faire, ils vérifient la substance des projets des sociétés de gestion en termes d’activités et de nombre de collaborateurs embarqués. »

Concernant les chambres de compensation, il a rappelé que le règlement européen EMIR (European market and infrastructure regulation) pousse les opérateurs à faire appel à leurs services. « Ces organismes vont avoir de plus en plus de travail et porter un risque de plus en plus important », souligne Christian de Boissieu. Or la principale chambre de compensation européenne se trouve actuellement à Londres et réalise de nombreuses opérations en euros. La question du maintien de cette situation après le Brexit se pose donc. Autre incertitude pointée du doigt par l’économiste : si la LCH doit faire face à une crise systémique et a besoin d’euros, un accord bilatéral existant actuellement entre la Banque d’Angleterre et la Banque centrale européenne permettrait de faire face au problème. « Après le Brexit, il n’y aura plus de parachute », prévient Christian de Boissieu.

À ces problèmes techniques vient s’ajouter un aspect politique. « Dans le cadre du projet EMIR 2.2 en cours de discussion au niveau européen, les chambres de compensation qui réalisent des opérations en euros mais qui ne se trouvent pas dans l’aire du marché unique devront ouvrir des filiales dans la zone euro ou accepté d’être contrôlé par l’ESMA, détaille le professeur. LCH réalisant environ la moitié de ses opérations en dollars, les Etats-Unis se demandent quelle serait la légitimité de l’ESMA à la contrôler et font entendre leur voix. »

Il conclut : « Dans ce contexte, nous devons renforcer l’attractivité de la place financière de Paris. L’organisation Paris Europlace s’y emploie. » Les prochaines études sur les relocalisations liées au Brexit permettront de savoir si ces efforts paient.  

Par François Perrigault (@fperrigault)

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