Après des mois de nervosité des marchés, des rebonds et des inquiétudes sur la croissance mondiale, les programmes de relance budgétaire pourraient remettre l’économie en marche. Morgan Stanley pense que les mesures de relance budgétaire, qui prévoient pour la plupart de vastes programmes d’investissement en infrastructures, pourraient nettement réduire le risque de récession à court terme. De quoi anticiper un rebond cyclique des dépenses d’infrastructures au second semestre 2019, qui pourrait se poursuivre en 2020.

Chine : début de chantier

Les deux objectifs à long terme de la Chine (réduire l’endettement et améliorer l’efficacité de ses secteurs économiques) ont entraîné un ralentissement économique et une augmentation du chômage. Cette situation a été exacerbée par les tensions commerciales avec les États-Unis, entraînant même des signes d’agitation sociale.

Pour relancer son économie, la Chine vient de lancer un programme de relance budgétaire en deux étapes prévoyant des allègements d’impôts et des projets d’infrastructures financés par la dette locale. Cela reflète également leur ferme volonté de stabiliser leur économie à court terme.

Les États-Unis bâtissent des ponts ? Les deux partis soutiennent les dépenses en infrastructures

En raison d’une gestion calamiteuse qui dure depuis des décennies, les infrastructures aux États-Unis doivent absolument être modernisées. L’American Society of Civil Engineers leur a même attribué la note D+ en 2017. Malgré un Congrès sévèrement divisé, l’un des sujets sur lequel un accord bipartite semble possible, ce sont les dépenses en infrastructures.

En 2018, le président Trump a proposé un plan d’investissement en infrastructures de 1 500 milliards de dollars, visant essentiellement à moderniser les routes, les ponts et les aéroports les plus obsolètes. Les Démocrates ont eux aussi dévoilé un plan de dépenses de 500 milliards de dollars sur 10 ans, axé sur les infrastructures capables de réduire la dépendance du pays aux combustibles fossiles.

Malgré les quelques différences entre les deux projets, l’électorat est tout à fait favorable à une collaboration entre Démocrates et Républicains afin de faire voter un projet de loi commun dans le domaine des infrastructures, sous une forme ou une autre. Avec un soutien de 87 % des électeurs probables, nous pensons qu’un projet de loi commun sera présenté en mai.

Europe : l’Italie et l’Allemagne « à la relance »

Compte tenu de l’obsolescence des infrastructures sur le continent, les gouvernements européens pourraient adopter des programmes de relance d’environ 47 milliards de dollars.

Les niveaux de dépenses sont différents d’un pays à l’autre en zone euro. C’est en Italie que l’excédent primaire structurel a le plus augmenté (+18 milliards d’euros). L’Allemagne affiche également un excédent et dispose donc d’une marge de manœuvre plus importante pour stimuler son économie. En revanche, le gouvernement français a été contraint par différentes manifestations d’abandonner son projet d’augmentation des impôts. Ces pressions pourraient entraîner de nouvelles mesures expansionnistes, et le chiffre net pourrait dépasser les 47 milliards prévus.

Japon : les dépenses d’infrastructures vont compenser la TVA

La TVA va passer de 8 % à 10 % en octobre 2019 au Japon afin de financer l’explosion des coûts de sécurité sociale. La dernière augmentation de la TVA (en 2014) avait entraîné un ralentissement marqué de l’économie nippone, un risque dont le gouvernement est bien conscient et qu’il veut éviter à tout prix.

Pour compenser l’augmentation des taxes, un budget record pour 2019 prévoyant 2 000 milliards de yens dédiés à l’octroi de bons d’achat aux ménages les plus défavorisés et 500 milliards de yens consacrés à des subventions publiques visant à encourager les transactions sans espèces. Le gouvernement entend également investir 1 000 milliards de yens dans des travaux publics, en particulier dans des projets d’infrastructure.

Conséquences : les bénéficiaires des dépenses d’infrastructures

Pour les investisseurs, s’intéresser à l’expérience de la Chine et à son dernier programme de relance laisse penser que ce sont les secteurs de l’énergie, des matériaux et de l’industrie qui offrent aux investisseurs en actions le potentiel haussier le plus important. Nous sommes également optimistes à l’égard des métaux industriels en raison de leur importance dans les infrastructures.

La détérioration à court terme des statistiques économiques et le discours accommodant de la Fed pourraient encore faire baisser les rendements obligataires, mais nous pensons que le profil risque/performance des obligations à long terme n’est pas encore assez rémunérateur. Compte tenu de l’absence de pente sur la courbe des taux, le moindre signe d’un rebond de la croissance, alimenté par exemple par un plan d’investissement massif en infrastructures aux États-Unis, pourrait provoquer une forte hausse des rendements et le basculement des performances des obligations à long terme en territoire négatif. De plus, l’introduction de programmes de relance serait favorable à une augmentation des émissions obligataires, qui aurait pour conséquence probable une hausse des rendements. Nous prévoyons un raffermissement de l’économie, probablement une augmentation modeste des anticipations inflationnistes et une accélération des émissions obligataires, une configuration plutôt négative pour les obligations à long terme.

Des évènements présentant des risques majeurs pourraient remettre en cause nos perspectives

Les perspectives globalement positives des infrastructures et des secteurs qui en bénéficieront sont toutefois menacées par un nombre inhabituellement élevé d’évènements à risque dont les issues binaires pourraient freiner provisoirement les marchés et refroidir l’enthousiasme suscité par les programmes de relance budgétaires, notamment l’Accord Commercial entre la Chine et les États-Unis, le Brexit et les droits de douane américains sur les importations européennes d’automobiles. Nous essaierons d’en profiter de manière tactique en nous positionnant à l’achat et non pour justifier des positions perdantes.

Que les travaux commencent !

La résurgence des projets d’infrastructures est une tendance mondiale. Les nouveaux projets (routes, ponts, modernisation, de plateformes de transport, développement rural, etc.) réduiront probablement le spectre d’une récession. Nous pensons même qu’ils pourraient remettre l’économie mondiale « à nouveau sur la route » d’une puissante reprise cyclique en 2020.

Par Andrew Harmstone, managing director et gérant de portefeuille principal de la stratégie Global Balanced Risk Control (GBaR) de Morgan Stanley

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