« L’énergie efficace : quand moins et mieux font plus », le titre de son dernier livre résume en quelques mots le leitmotiv de Franck Bruel. Pour le DGA d'Engie en charge de la BU France BtoB, une plus grande prise en compte de l'efficacité énergétique et l'avènement de l'hydrogène seront les deux grands piliers de la transition écologique.

Décideurs. Alors que le combat écologique semble centré sur le verdissement des énergies, vous avez choisi de faire de l'efficacité énergétique votre cheval de bataille. Quel est votre positionnement là-dessus ?

Franck Bruel. Il y a urgence à consommer moins mais surtout mieux l'énergie, et cela doit prendre forme dans tous les aspects de nos vies : mobilité, logement, industrie, agriculture… C'est une solution qui est complète et souvent complexe. Prenons l'exemple le plus parlant celui d'une école dans le bâti ancien. Pour améliorer l'isolation, nous commençons par poser des vitrages isolants, puis nous installons des dispositifs de contrôle intelligents sur les radiateurs, nous changeons les chaudières. Mais nous formons également les maîtres d'écoles à consommer mieux. Nous agissons ainsi sur tous les leviers : la technologie, mais aussi le bon sens et le comportement des gens. 

Où se sont les plus gros foyers de progrès ?

Les territoires doivent également devenir moteurs : souvent montrées du doigt, les grandes villes sont des zones idéales pour développer de l'efficacité énergétique, du fait des concentrations de populations et d'équipements qui permettent d'expérimenter et de mettre en oeuvre des moyens importants. Cette marche en avant doit aussi se poursuivre dans l'industrie, où la plupart des grands groupes ont compris l'intérêt d'aller vers une empreinte carbone la plus faible possible. Pendant des années, nous avons par exemple progressé dans l’industrie automobile avec des véhicules d'une durée de vie plus courte, mais qui sont aujourd'hui beaucoup plus vertueux.

Concernant l'automobile électrique, le bilan carbone global semble décevant, le recyclage des batteries n'est pas encore au point...

Les progrès de l'automobile électrique doivent être remis dans leur contexte. Pendant longtemps, les moyens de locomotion carbonés étaient les seules solutions : l'électrique était donc une bonne alternative. Aujourd'hui, on se rend compte que l'électrique, inadapté aux mobilités intensives (ndlr : transport routier longue distance, navigation, aviation), n'est pas non plus optimal, tant du point de vue de l'empreinte carbone que du recyclage. C'est une bonne solution pour certains modes de transport, mais il convient de l'utiliser en combinaison avec d'autres technologies.

Quelles sont-elles ?

Notre conviction intime, depuis maintenant deux ans, est que l'hydrogène va bouleverser le mix énergétique mondial. Le développement massif des énergies vertes, toutes intermittentes, posent le problème du stockage. Or, la part des énergies renouvelables dans le mix électrique augmente très rapidement. Il y a urgence à développer des solutions durables de stockage d’énergie verte afin de libérer leur potentiel. L’hydrogène vert (ndlr : produit par l’électrolyse de l’eau) est une forme d'énergie que nous pouvons aisément stocker et transporter à l’échelle industrielle : les énergies renouvelables en surplus, produites en excédent de la demande ponctuelle, permettent ainsi de produire de l'hydrogène vert qui pourra être stocké, en grandes quantités et sur de longues périodes. Cet hydrogène ensuite pourra être consommé lors de pics de demande électrique ou dans le cadre d’usages directs comme la mobilité. C’est le chaînon manquant vers un système énergétique entièrement décarboné.

À quel horizon ces solutions seront-elles applicables ?

Elles sont déjà appliquées, des milliers de voitures à hydrogène circulent en Californie et au Japon ! Des trains, bus et bateaux à hydrogène sont en service. En matière industrielle, nous travaillons aujourd'hui sur des contrats qui répondent à cela, et des annonces seront faites dans les mois qui viennent. Nous avons reçu de nombreuses marques de soutien, tant du côté des industriels que des autorités locales.

Au fond, le paroxysme de l'efficacité énergétique, n'est-ce pas la décroissance ?

Non justement, le point est très important car je ne crois pas à la décroissance ! L'efficacité énergétique, c'est utiliser moins d'énergie pour arriver au même niveau de confort, voire mieux. Hors période de guerre. il n'existe pas d'exemple dans l'Histoire où les hommes ont consenti à renoncer à leur niveau de confort. La sobriété, dans son aspect négatif, ne marche pas. L’efficacité énergétique est une démarche de sobriété positive, réalisable au présent et tournée vers l’avenir !

Boris Beltran

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