Le numéro deux de la location de matériel BTP change de propriétaire. Olivier Colleau, qui vient d’être nommé président exécutif, détaille les chantiers du groupe. Si l’internationalisation est le mot d’ordre, Kiloutou n’en oublie pas la France où la croissance se poursuit.

Décideurs. Quels critères vous ont-ils décidé à accepter l'offre du fonds HLD, entré à hauteur de 60 % du capital de Kiloutou ?

Olivier Colleau. Il était prévu que nous changions d’actionnaires puisque PAI Partners et Sagard nous accompagnaient depuis 2011. Notre nouveau partenaire devait parfaitement adhérer à la feuille de route que nous avions établie et partager nos valeurs. Il fallait non seulement que notre stratégie de développement les convainque mais aussi que le courant passe bien entre nous. HLD coche toutes les cases. Ce fonds, qui investit notamment l’argent des familles Dentressangle et Decaux, est à part dans l’écosystème du private equity puisqu’il n’est pas soumis aux mêmes contraintes de temps que d’autres fonds plus classiques. C’est un réel atout. L’activité de location de matériel est très capitalistique : une fois la stratégie définie -et les investissements déployés- il est difficile d’en changer radicalement. Avec HLD à notre capital, nous avons le temps de développer nos ambitions à cinq ou dix ans. Si jamais un retournement de marché survenait, nous ne serions pas pris par le temps avec un actionnaire pressé de sortir.

 

Vous bouclez le troisième LBO de l'histoire du groupe. Le premier avait porté la croissance organique, le deuxième a soutenu le lancement de votre internationalisation. Quel sera le grand chantier du troisième ?

Je dirais plutôt que le deuxième LBO (2011-2018) a accompagné le démarrage de la croissance externe, en tant que levier additionnel de croissance. L'internationalisation est réellement le grand chantier de ce troisième LBO, même si elle a été amorcée au cours des dernières années. Nous nous sommes en effet implantés en Pologne en 2013, en Espagne en 2015, en Allemagne en 2016 puis en Italie l’année dernière et l’international représente aujourd’hui 10 % de notre chiffre d’affaires. L’heure est désormais à la consolidation. Or, ces pays représentent un vrai potentiel pour le marché de location avec un taux de pénétration comparé à la vente encore modeste et inférieur à la moyenne européenne.

« La location de matériel ne peut pas être ubérisée »

Quelle forme prendra cette consolidation ?

Les méthodes de développement varient selon les pays en raison de la maturité, du potentiel de croissance et de l'environnement concurrentiel local. En Pologne par exemple, nous sommes aujourd’hui numéro deux du secteur avec seulement 6 % de parts de marché et nous prévoyons de nous développer en ouvrant de nouvelles agences. En Espagne, au contraire, nous misons sur la croissance externe dans un marché de la construction qui a connu une très forte crise et où il existe de nombreux loueurs susceptibles d’être rachetés. L’idée est donc de fédérer les capacités existantes. Enfin, en Italie et en Allemagne, nous opterons pour un système hybride en nous installant dans les villes mal couvertes et en reprenant des réseaux déjà établis. Dans tous les cas, le potentiel de développement est immense puisque la demande est forte, que nos parts de marché sont encore modestes et que nous comptons créer des partages de connaissances et de savoir-faire entre ces pays.

 

L’implantation dans d’autres pays est-elle à l’ordre du jour ?

La priorité est donnée à la consolidation et au développement dans les quatre pays où nous sommes présents depuis peu. Néanmoins, nous ne nous interdisons rien pour l’avenir. Et nous n’oublions pas la France où nous continuerons d’ouvrir de nouvelles agences, d’en racheter, de proposer de nouveaux produits. Le marché hexagonal est porteur : la construction est repartie après quelques années difficiles, la tendance est plus à la location qu’à l’achat pour des raisons environnementales, économiques et réglementaires.

« La tendance est plus à la location qu’à l’achat pour des raisons environnementales, économiques et réglementaires »

Le groupe a entamé sa diversification en s'ouvrant à la construction modulaire, à la réception et à l'énergie. Quels sont vos projets en la matière ?

Nous travaillons à développer en France ces activités dites de spécialités qui sont exploitées dans des business units distinctes. Là encore, croissance organique et externe sont au menu. Nous venons d’ouvrir une agence « énergie » à Paris et une autre va voir le jour sur Lille au printemps. Côté construction modulaire, nous avons bouclé une acquisition à Toulouse en février. L’objectif est de couvrir l’ensemble du territoire avec l’ambition de tripler de taille dans les prochaines années et d’encourager les synergies commerciales avec le réseau généraliste. Ensuite seulement, nous envisagerons les marchés étrangers.

 

Vous avez récemment annoncé un changement d'organisation du management. Pouvez-vous préciser la répartition de vos fonctions et celles de Xavier du Boÿs ?

Xavier du Boÿs est devenu président du conseil de surveillance, focalisé sur la stratégie et la relation avec les actionnaires. J’occupe quant à moi les fonctions de président exécutif avec une mission opérationnelle. Cette évolution a été préparée depuis deux ans pendant lesquels nous avons mis en place la transition. Elle n’est nullement le fait d’une demande de notre nouvel actionnaire.

 

La digitalisation et l'utilisation des nouvelles technologies sont sur toutes les lèvres. Comment intégrez-vous ces outils dans votre activité ?

La digitalisation est un enjeu qui nous concerne bien entendu mais différemment des secteurs B2C puisque 95 % de nos clients sont des professionnels. Or, la location de matériel ne peut pas être ubérisée. C’est une activité où la relation humaine est centrale, un métier de contact où les clients apprécient le lien physique avec leurs prestataires. Dans ce contexte, la technologie est un moyen de faire évoluer le parcours client. Les outils digitaux peuvent faciliter les transactions en proposant la réservation en ligne même si dans les faits elles demeurent assez marginales. Cependant, le digital facilite l’accès aux informations concernant le matériel (contrats en cours, fiches techniques…) en apposant un flashcode sur chaque machine. C’est une vraie plus-value pour nos clients. Pour rester à la pointe sur l’ensemble de ces sujets, nous avons mis en place une direction de la transformation numérique en septembre 2016. Elle mène une veille active, teste, développe de nouveaux services pour aider au mieux nos clients et nous rendre indispensables. 

Propos recueillis par Sybille Vié

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