Centres commerciaux : la confusion des genres
L'ambiance n'est pas vraiment à la fête dans le secteur du retail. Le chiffre d'affaires des centres commerciaux recule de - 1,5 %, en cumul, à fin juillet et la fréquentation de - 1,8 %. Point positif, cependant, si les consommateurs viennent moins souvent en magasin, ils achètent davantage. « Nous observons, depuis plusieurs mois, un léger décrochage entre l'évolution de la fréquentation et celle de l'activité. Le taux de transformation s'est amélioré tandis que le nombre de visites s'érode », constate Gontran Thüring, délégué général du Conseil National des Centres Commerciaux (CNCC). En cause, le temps passé en amont de l'achat sur Internet qui réduit d'autant la durée du passage dans le centre commercial auquel s'ajoute les craintes sécuritaires suite à la vague d'attentats depuis 2015. Plus de clients, moins de chalands, donc, pour un commerce qui traverse aujourd'hui une véritable crise identitaire. Car si tous les secteurs d'activités ne souffrent pas de la même façon de la situation – les catégories beauté-santé, sport et loisirs et divertissements surperforment quand l'équipement de la personne est en berne – les enseignes ont bel et bien enclenché leur mue commerciale, avançant à tâtons sur un marché menacé par le e-commerce. « Tous les retailers essaient de voir comment optimiser l'omnicanalité, la tendance lourde du secteur. Pour preuve, le click & collect est le segment du retail qui croît le plus vite », observe le délégué général. Prisé par les consommateurs, ce service de retrait en magasin libère les commerçants du coût du dernier kilomètre - le point noir de la livraison- et leur permet de réaliser des ventes additionnelles auprès des clients qui se rendent en magasin pour récupérer leur colis.
Porosité des espaces
Le « phygital », mariage du commerce physique et du digital, est devenu une évidence. Ce phénomène d'hybridation s'étend au-delà des murs du magasin, laissant apparaître une nouvelle porosité des espaces. « Suivant un double mouvement, des enseignes de retail park s'implantent dans des centres commerciaux et, à l'inverse, on voit des enseignes de centre-ville installer leur boutique dans les retail park nouvelle génération : ces lifestyle centers à l'offre qualitative et renouvelée », explique Gontran Thüring. Un décloisonnement porté par des projets immobiliers qui favorisent, de plus en plus, la mixité. « Les foncières qui, traditionnellement, créaient des centres commerciaux en périphérie, se mettent aujourd'hui à concevoir des pans péri-urbains avec des bureaux, logements et commerces en pied d'immeuble », analyse Christian Dubois, directeur général du bureau de Paris chez Cushman & Wakefield. Leur objectif ? Créer une symbiose entre le bien-être des gens logés, ceux qui travaillent et un commerce pérennisé par la création d'une vie de quartier. Dans un secteur où le e-commerce ne cesse de grignoter des parts de marché (+14,6 % en 2016), la rationalisation des mètres carrés de surfaces commerciales s'impose. Les équipements commerciaux obsolètes, devront être démolis pour renaître sous une autre forme, plus en phase avec la société. « Les centres commerciaux deviennent de moins en moins commerciaux et de plus en plus fonctionnels », souligne le délégué général du CNCC. Selon ce dernier, cette évolution répond aux nouveaux besoins du consommateur : « progressivement, nos modes de vie deviennent de moins en moins séquentiels et mettent fin à l'adage métro-boulot-dodo ». Libre aux investisseurs et aux retailers d'imaginer de nouveaux lieux qui ressemblent aux millennials, les consommateurs de demain.
Charlotte Danjou