Entretien avec Philippe Lemoine, directeur général, Société de la Tour Eiffel
Décideurs. Brexit, effervescence de l’écosystème start-up… Comment le marché de l’immobilier, en particulier tertiaire, est-il impacté par ces événements et grandes tendances ?
Philippe Lemoine. Il y a actuellement un climat positif favorisé par une conjoncture plus favorable et par l’énorme chantier que représente le Grand Paris. Il faut avoir conscience que nous vivons une époque de changements majeurs comme la métropole parisienne en a peu connu. Avec le Grand Paris tel qu’il se dessine, nous sommes dans une phase de transformation digne des mutations enclenchées par Haussmann ou Delouvrier. C’est donc une véritable révolution qui se prépare, qui va redistribuer les cartes autour des grands axes de transport en cours de développement et des gares à venir. Ces dynamiques entraînent l’immobilier tertiaire dans un cercle vertueux. Si la création d’emplois est relancée, cela se traduira indubitablement, ce qui ne veut pas dire immédiatement, par des besoins en mètres carrés. Ajoutons à cela que nous sommes entrés dans une phase de mutation des attentes des utilisateurs et de renouvellement de l’immobilier tertiaire, avec environ la moitié des bureaux franciliens aujourd’hui obsolètes. Par ailleurs, le marché de bureaux parisien reste profond et dynamique, porté par des facteurs structurels puissants. C’est positif et rassurant.
Une phase de transformation digne des mutations enclenchées par Haussmann ou Delouvrier
Comment la Société de la Tour Eiffel se positionne-t-elle dans le Grand Paris ?
Le Grand Paris est incontestablement une chance pour le secteur immobilier tout entier, même s’il est difficile d’en quantifier les retombées ! Le parc d’affaires que nous développons à Saclay est un exemple du rôle important que nous souhaitons jouer sur les territoires où nous sommes présents. L’insertion d’entreprises au sein de ce cluster scientifique et technologique est extrêmement porteuse, et le fait que nous maîtrisions intégralement le foncier sur le parc permet
de nous projeter pleinement. Sur une surface de 85 000 m², les bureaux comprendront des entreprises de haute technologie qui seront en lien avec les grandes écoles et les centres de recherche déjà implantés sur ce site, tout cela à 200 m de la future station du Grand Paris, prévue en 2023. Nous développons d’ailleurs dans la même agglomération – à Massy – un projet prévoyant la construction au total de 55 000 m² dont une première phase de 23 000 m² de bureaux et services partagés lancée prochainement. Ce projet, au sein de la ZAC Ampère Atlantis, sera relié au plateau de Saclay à l’horizon 2023 par la future ligne 18 du Grand Paris Express, mais qui bénéficie d’ores et déjà d’un important hub de transport.
Comment concilier la logique du secteur public avec celle des acteurs privés ?
L’aménagement du territoire permet de gérer et d’accompagner la croissance de vastes zones économiques. C’est un domaine passionnant qui m’a naturellement mené vers l’immobilier. Le profil « propriétaire développeur » d’une foncière comme la Société de la Tour Eiffel demande une concertation constante avec les aménageurs et les collectivités territoriales. Aujourd’hui, les deux sphères publique/privée sont complémentaires. Nous comprenons réciproquement nos préoccupations, même si les langages sont parfois un peu différents et les calendriers pas toujours identiques. En s’affirmant comme acteur de long terme, impliqué dans la transformation urbaine, la Société de la Tour Eiffel travaille sur la même temporalité que les collectivités publiques.
Vous avez atteint votre objectif de 1,145 milliard d’euros de patrimoine. Quelles sont les prochaines étapes de votre stratégie ?
Le franchissement du milliard d’euros de patrimoine est une étape dans notre objectif annoncé depuis 2014 d’atteindre 1,5 milliard d’euros dans les prochaines années. Ainsi, en deux ans et demi, nous avons doublé la valeur du patrimoine de la foncière et nos efforts sont permanents, en Île-de-France comme en province, pour respecter la feuille de route et la stratégie de foncière d’accumulation qui caractérise aujourd’hui notre modèle économique.
Propos recueillis par Laetitia Sellam