Climat : le vent se lève
La situation aurait de quoi amuser si elle n’était pas tragique. Moins de deux mois après que le président Trump ait annoncé sa volonté de voir les États-Unis se retirer de l’accord de Paris sur le climat, voilà qu’un nouveau cyclone s’abat sur son pays, laissant la région du Texas sinistrée et des dégâts estimés à plusieurs dizaines de millions de dollars. Après elle viendront les Antilles, puis l’île Maurice, à leur tour frappées par une série de tempêtes tropicales d’une rare violence. Comme si le climat venait opposer un démenti formel à ceux qui, comme le Président américain, pensent encore que l’urgence environnementale ne justifie pas de nouveaux sacrifices économique et persistent dans des postures qui, selon le climatologue et directeur de recherches au CNRS, Olivier Boucher, relèvent d’une forme d’ « idéologie politique » incompatible avec la réalité d’ « événements climatiques extrêmes » (ouragan, tempêtes tropicales, inondations et, en Europe, tempêtes, crues, vagues de chaleur…) et avec leurs répercussions économiques.
Réalité scientifique vs idéologie politique
Car si le nombre de victimes de catastrophes climatiques est fort heureusement en recul (8700 en 2016 contre plus de 200 000 en 2008), la facture globale, quant à elle, explose. Une étude du réassureur allemand Munich Re en atteste : en 2016, les événements classés « catastrophes naturelles » ont causé pour 175 milliards de dollars de dégâts. Soit un montant supérieur à la moyenne des dix dernières années.
Autre sujet d’inquiétude : les événements climatiques extrêmes recensés ne sont pas seulement plus violents, ils sont également plus nombreux. L’an passé pas moins de 750 ont été recensés contre 590 en moyenne au cours de la dernière décennie. Et sur ce point, les experts du climat sont unanimes : si chaque événement ne peut être directement imputé au réchauffement climatique, leur accumulation et leur intensité accrue laissent peu de place au doute.
Vulnérabilité économique
« On constate une augmentation des vagues de chaleurs et une augmentation non pas du nombre d’ouragans mais de leur intensité, ce qui est clairement lié au réchauffement climatique », souligne Olivier Boucher qui rappelle que le fait que les océans et l’atmosphère soient plus chauds favorise la condensation et les dégagements d’énergie qui alimentent les cyclones. Tout comme cela favorise l’augmentation du niveau de la mer et donc, les inondations. Une réalité scientifique dont les effets se vérifient après année et qui, explique l’expert, est source de « vulnérabilité économique ». Autrement dit, génératrice d’un risque d’un genre nouveau qui impose, au-delà de la prise de conscience, « une adaptation de nos modèles économiques et des processus de décision politique ».
Stratégie d’adaptation
Pour sa part Olivier Boucher en est convaincu : face à la multiplication et à l’intensification de ces événements extrêmes, les pays doivent aujourd’hui développer une stratégie d’adaptation dans tous les domaines – urbanisme, agriculture, énergie, assurance… -, et aller au-delà de l’accord de Paris en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. « Il existe une telle inertie dans le système climatique, explique-t-il, que, même si l’ensemble des pays réduisaient massivement leurs émissions de gaz à effets de serre, la tendance au réchauffement climatique se maintiendrait encore pendant plusieurs décennies ».
Dans un tel contexte, le déni du Président américain – qui, outre sa décision de retirer les États-Unis de l’accord de Paris, a récemment annulé une ordonnance de non-constructibilité des zones inondables – semble aussi préjudiciable qu’irrationnelle, résume Olivier Boucher qui y voit « une politique menée à rebours des évidences scientifiques ». Autrement dit, un non-sens environnemental doublé d’un non-sens économique.
Caroline Castets