L'immobilier marocain face à son avenir
Moins identifié comme secteur clé que le tourisme, l'immobilier constitue pourtant le second pilier d'expansion économique du Maroc. Le royaume chérifien attire de plus en plus les investisseurs internationaux dans leur stratégie de diversification, attirés par une actualité riche en grands projets structurants, tels que les ports de Tanger Med, les raccordements autoroutiers d’Agadir et Oujda, ou encore l’arrivée prochaine d’une ligne ferroviaire à grande vitesse, éléments qui pourraient à l'avenir positionner le royaume comme un véritable hub régional. Le marché apparaît cependant freiné par une certaine opacité. Quels sont les marqueurs de ce marché ?
Un royaume immobilier où le manque d'offre côtoie l'opacité
Dans le sillage d’une économie en plein développement, le secteur immobilier a été marqué au cours de l’année 2016 par une baisse conjointe de l’offre et de la demande. Cette dernière a été particulièrement soutenue dans deux villes, Casablanca et Rabat, les deux villes phares du pays. Ces dernières s’élèvent respectivement à 60 000 mètres carrés et 25 000 mètres carrés, alors que l’offre avoisine les 1,2 million et 65 000 mètres carrés. Dans ces deux villes, le taux de vacance a avoisiné les 7 % l'an passé. Dans ce contexte, il existe depuis peu un attrait pour des zones telles que Dar Bouazza ou Bouskoura où les recherches de logement continuent de croître chaque trimestre alors même que les demandes stagnent, pour les autres régions. La raison de cet engouement s’explique notamment par les demandes d’une nouvelle clientèle qui recherche un certain cadre de vie loin du centre-ville.
Cependant, le marché immobilier marocain pèche encore par son manque de transparence, qui constitue un véritable obstacle à son développement. Difficile en effet, pour un investisseur, de se faire une idée précise des prix de marché alors qu'il n'existe aucun baromètre réellement officiel.
Un marché en mouvance dans les différents secteurs
Heureusement, certaines agences communiquent tout de même leurs chiffres, ce qui permet de se donner une idée plus ou moins précise des prix de marché. C'est le cas de Mubawab, qui a noté que le Maroc a connu une chute de 5 % des prix de l’immobilier entre 2016 et 2017. Cette chute a commencé dès novembre 2015, sur la plupart des villes du Royaume. La plus notable est celle de la ville de Fès, avec presque 10 % en moins comparée à avril 2015 et un prix de 5,947 dirhams le mètre carré. Seule la ville de Tanger, connaît une croissance spectaculaire avec une augmentation des prix des appartements de 19 % en douze mois. Afin de faire face à l’opacité des prix du marché de l’immobilier de l’entreprise, les investisseurs préfèrent ainsi les autres marchés qui leur offrent une plus grande sécurité juridique tels ceux de Londres, Paris ou Johannesburg. JLL, spécialiste dans le conseil en immobilier d’entreprise, a créé en 2014, Statimmo Maroc, une structure qui a pour vocation de publier trimestriellement les statistiques de marché concernant l’immobilier de bureaux et les entrepôts logistiques, ce qui permet à termes d’offrir une meilleure lisibilité et transparence du marché aux utilisateurs et aux investisseurs. Ainsi, au cours de l’année 2016, la demande recensée de bureaux s’élève à 34 790 mètres carrés à Casablanca. Dans le grand Casablanca, la demande placée de bureaux s’élève à 8 528 mètres carrés sur le troisième trimestre 2016, soit une hausse de 29 % par rapport au deuxième trimestre 2016. La COP22 de novembre 2016, a également eu une bonne impulsion sur Marrakech : de 14 443 dirhams le mètre carré, ce dernier a augmenté de 3,08 % pour s'établir à 15 158 dirhams, soit le niveau le plus élevé des vingt-quatre derniers mois. Cependant, à l'échelle du pays, la baisse de prix est bien présente entre janvier 2016 et 2017, avec un recul en moyenne de 5,2 % globalement sur les prix moyens au mètre carré et cette chute est marquée dans la plupart des villes. Sur le tertiaire, c’est surtout la faible proportion d’actifs de qualité qui pourrait, dans un avenir proche, provoquer un blocage dans le développement du marché immobilier marocain. Ces dernières années ont vu, au Maroc, l’émergence d’un marché à deux vitesses avec, d’un côté les bons immeubles qui se louent rapidement et les autres qui peuvent rester vacants pendant plusieurs années. À l'échelle globale, les observateurs notent une sophistication des opérations immobilières qui requiert une plus grande sécurité juridique, tant pour les investisseurs que pour les utilisateurs.
Un besoin de réformes pour une dynamique nouvelle
Heureusement, les pouvoirs publics semblent avoir pris conscience des éléments freinant les investissements internationaux et ont entamé une série de réformes ayant pour objectif la sécurisation et la simplification des opérations immobilières. Ainsi, afin de permettre un regain de placement sur le marché immobilier, le Maroc a adopté une loi permettant la création d’organismes de placement collectif immobilier (OPCI). Entrée en vigueur le 19 septembre 2016, cette loi prévoit que des investisseurs institutionnels et particuliers apportent des fonds à ces organismes en vue de les investir dans des actifs principalement immobiliers. À travers la création d’OPCI, les autorités de tutelle marocaine ont pour objectif de contribuer à la fois à diversifier le portefeuille des investisseurs et à dynamiser l’investissement immobilier. La possibilité est ainsi offerte au plus grand nombre d’épargnants d’accéder à l’immobilier d’entreprise, difficilement accessible pour les investisseurs particuliers, encouragés par la mise à disposition d’options d’investissement stables et transparentes. Malgré un déficit d’offre avéré, l'immobilier marocain poursuit son développement attire les investisseurs étrangers, au point de constituer aujourd'hui un pilier capital de l'économie du royaume. La balle est maintenant dans le camp des pouvoirs publics, qui doivent mettre en place un cadre législatif et informatif plus précis afin d'assurer une plus grande sécurité juridique tant aux investisseurs qu’aux utilisateurs.
Boris Beltran et Vanessa Benesty
TENDANCE DU MARCHÉ EN 2017
Casablanca : on peut noter une baisse légère de 0,9 %, (moins 1,7 % pour les appartements et de 3,2 % pour les biens à usage professionnel). Là encore, on observe un fort repli du volume de transactions avec moins 7,3 %. La vente d’appartements a diminué de 13 %. Rabat : la capitale du Royaume accuse une baisse des prix immobiliers de 2,1 %. Les ventes du foncier ont, en revanche, diminué de 10 %. À l’inverse, le nombre de transactions a augmenté + 17,2 % pour le résidentiel, + 15,4 % pour les biens à usage professionnel mais on note une baisse de 10 % pour le foncier. Marrakech : le nombre de transactions repart à la baisse (moins 26,2 %).