Jean-Charles Decaux : « Nous n’imaginons pas une communication extérieure intégralement digitale »
Décideurs. Cela fait maintenant un an que JCDecaux a déployé le service de Wifi gratuit sur les Champs-Elysées, quel bilan en dressez-vous ? Envisagez-vous d'étendre cette offre ?
Jean-Charles Decaux. Notre groupe est fier de mettre son expertise et le savoir-faire de ses équipes au service d’un des symboles de Paris et de la France. De la place de l’Étoile au rond-point des Champs-Élysées, nous offrons aux 100 millions de visiteurs annuels de la plus belle avenue du monde un service de Wifi haut débit, gratuit et illimité. Depuis juin 2016, 1 030 000 utilisateurs se sont connectés 2,5 milliards de fois à notre service, générant près de dix millions d’impressions publicitaires.
Nous testons une offre similaire à Sao Paulo au Brésil, et l’appel d’offres que nous venons de remporter à Guayaquil en Équateur prévoit également l’installation d’un service Wifi sur près de 120 abribus. Partout dans le monde, à Paris, Los Angeles, Panama City ou encore Düsseldorf, cette technologie nous permet de développer de nouveaux usages et renforce notre rôle de partenaire majeur des villes intelligentes.
La perte du marché Vélib’ est tombée de façon assez inattendue. Que va-t-il advenir des installations et du matériel existant ?
300 000 abonnés, près de 40 millions de trajets par an, le lancement du Vélib’ en 2007 a révolutionné la mobilité urbaine. Fidèle à notre ADN d’innovation, notre offre en 2017 proposait une vision globale des transports en région parisienne et une évolution ambitieuse du réseau Vélib’ avec un nouveau vélo dessiné par Philippe Starck, disponible en version électrique et mécanique. Moderniser les stations existantes sans travaux de génie civil garantissait une transition rapide et sûre sans interruption du service.
À la suite du changement d’opérateur, le matériel existant sera désinstallé et les sols remis en état à nos frais, là où la collectivité le demandera. Nos bornes et vélos seront utilisés en pièces détachées ou reconditionnés à neuf et proposés aux villes dont nous remporterons les appels d’offres, dès lors que les cahiers des charges autoriseront cette option.
« Nos bornes et vélos seront utilisés en pièces détachées ou reconditionnés à neuf »
Quelles sont les prochaines innovations sur lesquelles travaille le groupe ?
La ville du futur est pour nous intelligente, connectée, agile et adaptable, en phase avec la société et ses évolutions. De l’abribus publicitaire aux vélos en libre-service en passant par les totems e-Village, nous nous appuyons sur une politique de recherche et développement ambitieuse et des équipes créatives et innovantes, à l’origine de près de 2 000 brevets et modèles.
JCDecaux a toujours eu à cœur de créer des produits utiles aux collectivités. À Nice, nos écrans digitaux offrent le plus large éventail de services numériques sur des mobiliers urbains en France. En intégrant une mesure des flux piétons et de la qualité de l’air, des haut-parleurs et des ports USB, ils proposent des possibilités d’interaction inégalées.
Dédiée à la connectivité, notre entité « JCDecaux Link » travaille à la qualité de vie des citadins, en démocratisant notamment les small cells, antennes relais miniatures à faible puissance qui améliorent la couverture du réseau tout en contribuant à la diminution générale des ondes. Idéalement positionnées dans les villes grâce à la densité du maillage de nos mobiliers, elles répondent au besoin de connectivité croissant des citoyens.
Au Royaume-Uni, notre stratégie « 4D », pour Digital, Data, Distribution, Dynamic, permet de déployer des communications contextualisées, géolocalisées, et d’atteindre les objectifs de nos annonceurs. Nous donnons désormais aux marques la possibilité de sélectionner des données de lieux, d’audience et de timing via une plate-forme d’optimisation automatique du choix des campagnes, modifiable selon la météo, le lieu ou l’heure de la journée.
L'affichage urbain 100 % digital, c'est pour quand ?
Selon PwC (ndlr : Global Entertainment and Media Outlook 2016-2020), la communication extérieure digitale représente aujourd'hui le deuxième média en termes de croissance publicitaire, à savoir 11,5 % par an, après l’internet mobile. Notre chiffre d’affaires en mobilier urbain digital a doublé entre 2015 et 2016, passant de 10,5 % à 12,9 % du pourcentage du chiffre d’affaires total du groupe. Il était de 5,9 % en 2012.
Parmi nos vingt derniers contrats et renouvellements internationaux gagnés depuis 2016, la plupart incluent du digital : horloges intelligentes de Montevideo, supermarchés Carrefour en Belgique, mobilier urbain de Mannheim et Liège, réseau national d’abribus irlandais, métros de Naples et Bilbao ainsi que les aéroports internationaux de Dallas-Fort Worth, Milan, Hong Kong et Changi à Singapour. Les appels d’offres d’Helsinki, Oslo et Melbourne auxquels nous répondons actuellement en comportent également.
Nous n’imaginons cependant pas une communication extérieure intégralement digitale. Grâce aux smartphones, les affiches, elles aussi, créent de l’interactivité. Aujourd'hui, les utilisateurs peuvent, via une affiche, commander un produit grâce au magasin virtuel Tesco installé dans un abribus à Séoul, ou en faisant leurs courses chez Carrefour sur le quai du métro de Shanghai.
« Notre chiffre d’affaires en mobilier urbain digital a doublé entre 2015 et 2016 »
Comment articulez-vous votre offre globale avec les démarches smart city ?
En observateur et acteur privilégié de la ville depuis plus d'un demi siècle, JCDecaux conçoit ses services, en s’appuyant sur de nombreuses recherches et analyses des évolutions urbaines. Nous sommes ainsi en mesure de proposer des dispositifs adaptés aux besoins spécifiques de la ville intelligente. Wifi urbain, small cells, mobilité et communication connectée offrent aux villes la possibilité d’inventer une nouvelle démocratie locale, aux marques une communication en temps réel, contextualisée et ciblée et à JCDecaux de nouvelles opportunités de croissance. Favoriser l’innovation sociale ascendante en concevant la ville comme une plate-forme ouverte et reconfigurer des partenariats entre acteurs publics et privés pour concevoir des services à plus forte valeur ajoutée : voilà notre objectif.
Propos recueillis par Boris Beltran