Pacte gagnant-gagnant ou marché de dupes ? Si la première conférence des territoires organisée par l’exécutif a été appréciée dans sa méthode, les élus se révèlent au fil des jours de plus en plus inquiets et insatisfaits vis-à-vis de la feuille de route présidentielle.

Emmanuel Macron avait défini cette première rencontre au sommet, appelée à se renouveler tous les six mois, comme « une instance d'échange, de concertation et de décision » sur un certain nombre de thèmes transversaux ou territoriaux qui seront traités dans la durée. Le 17 juillet devant le Sénat, le Président était attendu sur nombre de sujets épineux. Il a en premier lieu annoncé une nouvelle hausse de la contribution des collectivités locales au redressement des comptes publics de trois milliards d'euros supplémentaires quant à ce qui avait été promis durant la campagne. Ce ne sera donc pas dix mais bien treize milliards d'euros que l'Élysée exige de la part des collectivités sur le quinquennat. En contrepartie, il s'est engagé à faire confiance aux élus pour la mise en œuvre de ces économies, ne souhaitant pas procéder dans l'immédiat à une baisse des dotations. Maigre consolation, d'autant que le chef de l'État a prévenu dans la foulée que « les collectivités qui ne joueront pas le jeu seront sanctionnées ».

Suppression de la taxe d'habitation et refonte de la fiscalité locale

Autre annonce épineuse également évoquée lors de la campagne présidentielle, la suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des ménages. Sur ce sujet, le président de la République a déclaré vouloir lancer une commission de travail associant administrations et élus qui ouvrirait « une réflexion profonde de la refonte de la fiscalité locale, et en particulier en substitution de la taxe d’habitation ». Il a ensuite donné les grandes lignes de cette refonte, évoquant une potentielle suppression de la taxe d'habitation à terme, qui serait remplacée par plus de CSG et de CRDS. Le locataire de l'Élysée a également fait mention, pour la première fois, d'une « réduction du nombre d'élus locaux », qui seraient en revanche « mieux rémunérés, mieux protégés et plus libres de leur action ». Cette mesure est dans la lignée de la réduction du nombre de parlementaires souhaitée par l'exécutif.

Grand Paris : simplifier pour sortir du « gué »

Pour donner une nouvelle impulsion au Grand Paris qu'il voit aujourd'hui comme bloqué « au milieu du gué en raison d'une structuration trop complexe », Emmanuel Macron a annoncé « une conférence territoriale du Grand Paris » qui « devra se refonder autour d'un projet ambitieux de développement de la première métropole française au sein de la région capitale » et « aboutira à une organisation institutionnelle stabilisée et efficace ». Communes, Mairie de Paris, départements, Région et Métropole du Grand Paris : ce fameux mille-feuille administratif pourrait bientôt perdre quelques couches.

De la cohésion territoriale...

Décidément peu avare en surprises, Emmanuel Macron a également annoncé la création d'une Agence nationale pour la création des territoires, destinée à répondre au besoin de lutte contre la fracture territoriale. Celle-ci devrait travailler en direct avec les régions. Dans la lignée du discours de politique générale d'Édouard Philippe, Emmanuel Macron a affirmé vouloir accélérer le calendrier de mise en œuvre du plan « France très haut débit » en promettant une couverture en haut débit de tous les Français d’ici « à la fin de l’année 2020 », alors que l'échéance retenue jusqu'ici était 2022, précisant toutefois que l'année 2021 serait là pour « combler les retards ». « Des dispositions nouvelles d’incitations et de contraintes à l’égard des opérateurs de téléphonie » devraient être annoncées d'ici à la fin de l'année.

Réactions en chaîne

Si François Baroin, président de l’Association des maires de France, s'était dit au départ satisfait de « la vision partagée de ce qu'est un pacte, c'est-à-dire des négociations qui permettent d'associer les points de vue de deux partenaires », il a pointé avec virulence la suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des ménages. Selon lui, cette décision remet en cause la décentralisation. « Si elle est appliquée, les budgets de nos communes seront dépendants à plus de 60 % du financement de l'État. Les maires ne peuvent pas être soumis au bon vouloir d'un président Jupiter ou d'un prince de Bercy », a-t-il déclaré en avançant l’argumentaire juridique. « Une telle mesure va à l'encontre du principe de libre administration des collectivités locales, tel qu'il est prévu dans l'article 72 de la Constitution », prévient-il. Sur la possible réduction du nombre d'élus locaux, la mesure n’est à l’évidence pas du goût des édiles. « Ça, c'était plutôt la surprise du chef, si je peux me permettre », a déclaré le président du Sénat, Gérard Larcher sur BFMTV et RMC. « La chance de la France, c'est sa trame de 550 000 élus locaux. Dans une commune de 150 ou 200 habitants, avoir onze conseillers municipaux, qui mettent la main au quotidien de la commune, (...) est-ce que vous ne pensez pas que c'est plutôt une espèce de filet qui tient la République ? » Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse, a également exprimé sa stupéfaction. « Nous l'avons appris en direct de la bouche du chef de l'État, s'étonne-t-il. Il n'en a pas été question une seule fois ni dans les travaux préparatoires, ni dans les ateliers de cette conférence des territoires, ni dans les documents qui nous ont été remis. »
Quant à la révision de l’architecture institutionnelle du Grand Paris, celle-ci n’a pas encore suscité de réactions notoires. Mais le débat à venir s’annonce tendu tant les divergences de vues sont nombreuses sur le sujet.

Boris Beltran, Laetitia Sellam

 

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