Ancien haut cadre de l’Agence internationale de l’énergie atomique et promoteur des énergies renouvelables en Afrique au sein de Ilemel Energy Solutions, Vincent Nkong-Njock nous détaille sa perception de l’avenir nucléaire du continent.

DÉCIDEURS. En quoi consiste Ilemel Energy Solutions ? Quels services propose la société en matière nucléaire ?

Vincent Kong-Njock. Ilemel est une société pourvoyeuse de services complets en matière de conseil et d’ingénierie dans le domaine énergétique de manière intégrée. Notre société voit l’énergie de manière holistique « sans exception » et évalue l’impact de chaque source dans le mix énergétique. Nous faisons donc autant le solaire que les autres sources.

Dans le domaine nucléaire, nous assistons les États dans le cadre du développement des infrastructures électronucléaires à différents niveaux (faisabilité, sûreté, sécurité, capacités industrielles, ressources humaines, etc.).

Ilemel accompagne aussi États comme institutions nationales lors de l’aménagement d’un cadre législatif et réglementaire approprié ainsi que pour la construction de centrales électronucléaires.

Pourquoi les pays africains devraient-ils l’intégrer
dans leur futur mix énergétique ?

On ne peut pas dire qu’ils « doivent » intégrer lenucléaire. Le potentiel énergétique du continent est immense. Certains pays ont des débits d’eau importants et donc des installations hydroélectriques, d’autres du charbon – comme en Afrique du Sud – du gaz ou du pétrole. Pour ceux ayant de l’uranium, pourquoi ne pas retenir l’option d’une production énergétique par le nucléaire ? Ils en ont le droit, même s’ils doivent le faire bien, d’où la nécessité d’infrastructures électronucléaires.

Sur le modèle du saut technologique qu’a connu l’Afrique, pourrait-on imaginer le continent accéder directement aux énergies propres ?

Je le crois. La révolution énergétique de l’Afrique par le solaire et les systèmes off-grid est en cours. Il s'agit d’une énergie propre qui a aussi ses déchets : batteries, panneaux, etc. En termes de gaz à effet de serre, de réchauffement climatique et d’indice carbone, le nucléaire est aussi une énergie propre.

Les réseaux électriques font face à une plus grande déréglementation et voient une augmentation des renouvelables subventionnés, causant de plus en plus de problèmes de stabilité et de fréquentiel des réseaux.

Pour remédier à cela et réduire les coûts de production, on a besoin des énergies de masse pour lesquelles, exceptées l’hydroélectricité et la géothermie, le nucléaire reste la seule réponse sans carbone.

Mais l’absence de vision stratégique et d’initiatives des responsables étatiques ainsi que la peur freinent son développement. S’il s’agissait d’un problème de coût, la Corée n’aurait jamais accédé au nucléaire contenu de son PIB lors de son accession à l’électronucléaire.

Comment expliquez-vous le regain de popularitédu nucléaire auprès des pays africains pour répondre au faible taux d’électrification ?

Certains chefs d’État commencent à comprendre qu’un développement énergétique s’envisage dans le cadre d’une vision nationale et non fixé par les ONG et institutions internationales.

Introduire l’électronucléaire comporte de nombreux défis et nécessite un engagement total du pays. Le lancement d’un programme électronucléaire comporte plusieurs activités complexes et interdépendantes de longue durée et de difficiles préparations.

L’expérience montre qu’entre le moment où un État prend la décision de principe d’envisager un programme nucléaire et le début de l’exploitation de sa première centrale, il s’écoule au moins dix à quinze ans.

Le nucléaire peut présenter une menace sur le plan environnemental mais aussi sécuritaire. Comment faire face à de tels risques ?

Avant de recourir à l’électronucléaire, il est essentiel que l’État élabore une stratégie globale pour évaluer les besoins énergétiques et comprendre le rôle potentiel, l’opportunité et la viabilité de cette énergie ainsi que les engagements qu’elle suppose dans le contexte d’un plan de développement national et socio-économique.

Une tâche essentielle consiste à évaluer les incidences d’une telle introduction dans le réseau national de distribution, en tenant compte du fait que, normalement, une tranche nucléaire ne devrait pas représenter plus de 10 % de la capacité installée de l’ensemble du réseau.

En outre, il faut aussi anticiper les possibilités de coopération régionale et internationale et prendre en considération la sûreté, la sécurité et la protection civile de l’infrastructure, les garanties et la responsabilité civile, etc.

La prévention et la précaution sont les maîtres mots du nucléaire qui nécessite une bonne politique et stratégie de gestion des déchets nucléaires.

Aujourd’hui, les installations résistent à l’impact d’un avion. Pour le moment, aucune centrale nucléaire n’a été sujette d’actes malveillants du type terrorisme. Ce qui n’est pas le cas de l’aéronautique et pourtant cette question s’y pose peu.

Lynda El Mezoued

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