Face à la profusion de labels et de certifications pour les bâtiments tertiaires, il est de plus en plus difficile d'y voir clair. Le président de Certivéa, référence en la matière, nous livre ses impressions.

Décideurs. Il y a un grand nombre de labels et de certifications sur le marché. Ne risque-t-on pas de perdre les utilisateurs ?

Patrick Nossent. Ce foisonnement est positif car il est la preuve qu'un grand nombre d'acteurs se mobilisent et continuent à faire bouger les lignes. Cette approche permet de traiter plus vite des sujets émergents et/ou spécifiques. Il y a effectivement un risque de perdre l'utilisateur, c'est pourquoi nous nous efforçons de mettre en place une palette cohérente : au centre, l'approche globale multicritère matérialisée par la certification « HQE bâtiment durable », qui est multithématique. Autour, des labels qui, de façon cohérente avec l'approche globale, permettent d'approfondir ou de ne traiter qu'un seul thème, ceux-ci fonctionnant dès lors comme des mentions. La certification multicritère permet d’appréhender le bâtiment comme un tout, et non morceau par morceau. Le bâtiment est ainsi considéré sous l'ensemble des thèmes attendus par les utilisateurs, les promoteurs et les investisseurs et pas seulement par tel ou tel groupe d'entreprises motivées sur un sujet. Cela nous a paru la meilleure manière de concilier la vitesse de l'approche monothématique et la richesse de l'approche globale. À nous de rendre ces différentes approches cohérentes et combinables les unes avec les autres, avec un coût économique acceptable.

 

Décideurs. Qu'en est-il de la progression internationale de ces démarches ?

P. N. C’est la démarche HQE que nous exportons depuis 2013 car elle est multithématique au même titre que ses deux grands concurrents anglo-saxons que sont Leed et Breeam. Nous sommes aujourd'hui actifs dans vingt-trois pays. En Europe, nous sommes présents en Belgique, au Luxembourg ainsi qu'en Pologne. Sur les autres continents, nous sommes numéro un au Maroc et au Brésil. Nous sommes également présents au Canada, en Colombie, au Vietnam et en Indonésie et nous avons débuté notre première opération en Chine. Depuis octobre 2016, le développement international de la démarche HQE est réellement en marche. Selon nos clients et nos partenaires, la démarche HQE constitue une option crédible vis-à-vis des systèmes d’évaluation anglo-saxons, avec un vrai positionnement qualitatif.

 

Décideurs. Toutes ces démarches concernent principalement les bâtiments neufs. Qu'en est-il du parc existant ?

P. N. Il est en effet fondamental de s'intéresser au parc existant, ce que nous faisons ! Nous avons bien sûr commencé par les bâtiments neufs, puis nous nous sommes intéressés aux bâtiments en rénovation, et enfin aux bâtiments en exploitation. Il s'agit d'un vrai mouvement qui va de la performance théorique à la performance effective et mesurable, celle que tout le monde recherche. La démarche est moins répandue que sur la construction neuve, car plus récente, mais le potentiel est considérable : on peut bien sûr améliorer les performances intrinsèques d'un bâtiment, mais on peut également améliorer sa performance sans aucun investissement, simplement en travaillant sur l'optimisation de sa gestion et de son utilisation. Notre système de certification sur les bâtiments en exploitation traite justement de ces trois axes : bâtiment durable, gestion durable  et enfin utilisation durable. Pour illustrer les économies potentielles : en 2015, 38 % des bâtiments qui ont entrepris une démarche en exploitation, donc sans travaux, ont diminué leur consommation d'énergie d'au moins 5 % sur un an. Le gisement est énorme !

 «Il est en effet fondamental de s'intéresser au parc existant »

 

Décideurs. Après l'énergie et le carbone, quels seront les prochains thèmes des bâtiments durables ?

P. N. Plusieurs thématiques vont compter au cours de la prochaine décennie. La plus importante selon moi concerne la qualité de vie au travail, au travers des aspects santé, confort, services, accessibilité et mutabilité des bâtiments. Ceux-ci devront être capables de se transformer. Sur un volet plus environnemental, aux quatre piliers dits classiques que sont l'énergie, le changement climatique, l'eau et les déchets viendront s'ajouter la biodiversité et l'économie circulaire. De plus, nous allons de plus en plus être amenés à travailler à l'échelle des quartiers et des villes, ce que nous faisons déjà avec la certification HQE aménagement. L'intégration de toutes ces échelles est capitale pour le futur.

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