Régine Bréhier (Haropa) : « Les ports sont dans la ville, à son service et doivent le montrer »
Décideurs. Quels atouts présentent l'ensemble portuaire de la Seine par rapport aux autres grands ports européens ?
Régine Bréhier. Dans un contexte de concurrence économique aiguë, l’union des trois ports dont les atouts sont complémentaires leur permet d’être plus compétitifs : Le Havre pour les conteneurs (6 000 escales en 2015), Rouen pour l’exportation de céréales (premier port ouest-européen), Paris pour le transport, la logistique fluviale et le tourisme.
L’addition des forces et des savoir-faire fait de Haropa un ensemble performant. Cette complémentarité d’un port maritime idéalement situé comme porte d’entrée de l’Europe, d’un port d’estuaire et d’un port fluvial permet de desservir finement la métropole parisienne et au-delà. Cet ensemble figure dans le peloton de tête des ports européens : en 2015, Haropa est ainsi l'un des premiers ports en termes de progression de trafic. Au total, Haropa génère un trafic maritime et fluvial de plus de 120 millions de tonnes ; ses activités représentent environ 160 000 emplois directs et indirects et dégagent plus de sept milliards d’euros de valeur ajoutée. Notre positionnement sur la logistique durable est un atout important. Haropa vient d’être élu pour la deuxième année consécutive « best green port » par des professionnels asiatiques, une véritable reconnaissance !
Concernant la circulation le long de l'axe Seine, quels sont les avantages comparatifs du vecteur fluvial par rapport à d'autres modes de transport ?
Le transport fluvial offre la possibilité de concilier compétitivité économique et performance environnementale. L’axe Seine représente un réseau navigable de 500 kilomètres desservant le cœur de la capitale, permettant d’accueillir les navires à grands gabarits et le transport de la marchandise conteneurisée avec des convois allant jusqu’à 350 EVP (ndlr : équivalent vingt pieds). Haropa est ainsi le premier port fluvial français pour le trafic conteneurisé et le deuxième d’Europe. Outre ce linéaire important, la zone de chalandise s’étend à 130 kilomètres autour des trois plate-formes du Havre, Rouen et Paris. Le transport fluvial est aussi un mode de transport durable qui permet d’économiser un million de camions sur les routes et d’éviter 200 000 tonnes de CO2 dans l’atmosphère. D’autant que nos ports sont également desservis par le rail : améliorer la desserte ferroviaire de nos ports participe à cette compétitivité.
La logistique n’a pas quitté Paris
Quelles sont les opportunités ouvertes par l'appel à projets « Réinventer la Seine » ? Va-t-on assister à un retour de la logistique dans les villes, notamment à Paris ?
La logistique n’a pas quitté Paris. Haropa-Ports de Paris est d’ailleurs signataire de la charte pour la logistique urbaine de la Ville de Paris. Chaque année, ce sont plus de deux millions de tonnes de marchandises qui pénètrent la capitale par le fleuve, ce qui représente une économie de 100 000 camions dans les rues ! La Seine est un lien entre l’Île-de-France et la Normandie ; son bassin rassemble quinze millions d’habitants et sept millions d’emplois, elle structure un maillage dense de villes et constitue l’ouverture sur la métropole parisienne. Ce bassin industriel de premier plan offre des opportunités pour développer industrie écologique et économie circulaire. Dans le même temps, la vallée de Seine offre des sites touristiques exceptionnels, à fort rayonnement international. Preuve doit être faite qu’on peut concilier développement économique et qualité de vie des habitants. C’est tout l’enjeu de cet appel à projet.
Décideurs. Les ports ont souvent peu d'interactions avec les territoires et les populations. Comment ouvrir le port à la ville ?
Les ports ne sont pas des zones d’extra-territorialité : ils sont dans la ville, au service de la ville et doivent le montrer ! Nous sommes, à l’échelle de Haropa, convaincus qu’installations industrielles et espaces urbains peuvent cohabiter en harmonie dans le cadre de la mixité des usages. Cela passe par l’aménagement de l’interface ville-port qui doit préserver les continuités urbaines et architecturales. À Paris, où les installations portuaires se logent au cœur d’un tissu urbain dense, le principe est celui d’un partage spatio-temporel des quais. Les ports urbains développent leur activité pendant les horaires d’exploitation et laissent la place aux cheminements piétons au bord de l’eau en soirée et en week-end.
Propos recueillis par Boris Beltran