L'Atelier BNP Paribas est la structure de prospective et d’innovation digitale du groupe BNP Paribas. La smart city est l’une des thématiques centrales de cette cellule de veille. Louis Treussard, son directeur général, nous livre ici sa vision de la ville intelligente.

Décideurs. Qu'est-il pertinent de retenir aujourd'hui du concept de smart city ?
Louis Treussard.
Soixante-dix pour cent de la population mondiale vivra en ville d'ici 2050. Si vous rajoutez à cette donnée quelques paramètres comme le vieillissement de la population mondiale, le système de santé perfectible qui vous obligera à vous soigner à domicile, la pollution à maîtriser, les modèles de transport et d’immobilier à faire évoluer, le mieux vivre ensemble, et j'en passe… vous avez là une belle équation complexe à résoudre pour développer la cité de demain. Est-ce que la smart city est la réponse ? C'est sans doute l’une des réponses. Il y a dix ans, le terme de smart city  mettait en avant le tout technologique, porté par des spécialistes des réseaux et de la donnée, comme IBM ou Cisco. Aujourd’hui, la ville intelligente est une composante du futur de la cité. On parle de smart city avec des implications qui vont bien au-delà du concept d’origine en évoquant par exemple la ville sensitive et collaborative. L'inclusion du citoyen est l'un des facteurs primordiaux pour le succès d'une ville intelligente. Pionnières sur le sujet, des villes comme Montpellier ou Lyon, savent déjà que dans les années à venir la volonté de laisser plus de voix aux citoyens sera le second souffle de leur projet de smart city.


Quels projets ou start-up contribuant à fabriquer les territoires de demain avez-vous relevé comme particulièrement visionnaires récemment? 
Trois projets ont retenu toute notre attention dernièrement. Ils reflètent bien les différents enjeux de la transformation de la ville. Tout d’abord, le quartier de l’innovation de Montréal. Il a  été lancé afin d’agréger un incroyable écosystème réunissant dans un seul et même site le savoir-faire universitaire, entrepreneurial, économique, citoyen et culturel. Dans un environnement qui évolue sans cesse, ou les actions des uns influencent celles des autres, il est difficile d’élaborer un projet urbain ambitieux et durable quand chaque initiative modifie l’ensemble du système de la ville. Dans notre monde gouverné de plus en plus par la data, nous ne devons jamais oublier que toute cette donnée n’a de valeur que par l’usage que nous en faisons, si possible pour le bien commun. Deux projets sur l’utilisation de la data m’ont semblé pertinents et aller dans ce sens. Celui de la société Egis qui permet d’aller vers un lissage de pics de trafic routier. Celui-ci stimule la responsabilité individuelle et récompense l’automobiliste qui s’organise pour ne pas prendre sa voiture aux heures de pointe.  Une circulation plus fluide dans les métropoles est ainsi favorisée. Je pense également à Forcity, le projet d’une jeune société lyonnaise. Celle-ci développe un outil de planification urbaine qui permet de prédire et de scénariser toutes les évolutions possibles du territoire sur le long terme. Sa vocation est d’éclairer les décisions complexes des autorités locales.


La culture et l'économie créative font partie des thématiques que vous suivez. En quoi sont-elles décisives aux stratégies urbaines? 
Avant d'être décisive pour la ville, la culture est tout simplement fondamentale pour la vie. Les villes se densifient et se digitalisent, et le besoin de culture s'y fait de plus en plus prégnant. Nous avons besoin de communiquer et de nous rencontrer. C'est par le biais de la culture que ces échanges s'établissent. Le Graal de la ville est d'attirer les talents créatifs, artistes, designers… Les théories développées par le chercheur et sociologue Richard Florida, qui place la culture au cœur de la croissance économique et sociale à long terme des villes, ont été démontrées. La creative class fait vivre la ville et la tire vers le haut. Oui, les activités artistiques et créatives sont par essence sensibles mais elles sont de plus en plus « infusées » de digital. On va voir un concert que l'on filme, puis que l'on partage sur les médias sociaux… Ces pratiques créatives et sociales génèrent des données de connaissances qui deviennent indissociables du flux de la ville. Elles représentent une part essentielle de l'expérience urbaine et donc de la ville intelligente.
 

Propos recueillis par Laetitia Sellam

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